AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782877305280
199 pages
Editions Philippe Picquier (23/02/2001)
3.12/5   16 notes
Résumé :
Dans ce roman, Pramoedya Ananta Toer – le plus important écrivain indonésien – dresse un portrait clinique accablant du mécanisme de la corruption dans son pays : un petit fonctionnaire falot qui s’enorgueillit de sa probité découvre peu à peu l’ivresse de la richesse, du luxe et du pouvoir grâce au jeu de la corruption. Mais la corruption a ses propres lois et, dans une progression dramatique fascinante, il est entraîné malgré lui dans la spirale des compromissions... >Voir plus
Que lire après CorruptionVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Corruption, tout est dit dans le titre. Ou presque. Paru en 1951, soit deux années après l'indépendance de l'Indonésie, le roman dénonce cette plaie qui gangrène les services de l'État.

Le narrateur est un directeur de service à Jakarta, fils et petit-fils de fonctionnaires. Il a débuté sa carrière sous colonisation hollandaise, vingt ans avant le début du récit. Marié et père de quatre enfants, il a vu ses émoluments et son train de vie diminuer graduellement après la décolonisation. Non par incompétence mais par une grande probité qui l'a toujours empêché de se laisser circonvenir par des tentateurs. Ses fils voulant poursuivre des études au lycée, il se retrouve asphyxié, n'arrivant déjà pas à boucler les fins de mois. La colère le prend et le désir de se faire de l'argent facile vient le hanter. La corruption commence dans l'esprit.

Pramoedya Ananta Toer raconte avec force la lutte de ce quadragénaire usé contre son honnêteté et la morale profondément ancrées en lui pour franchir la ligne. On suit avec compassion ses atermoiements, ses dilemmes et la crise morale et familiale que l'idée de se laisser acheter provoque. Avec compassion en effet car vu la vie difficile quoique sans tache qu'il mène, on peut comprendre qu'il en ait assez de tirer le diable par la queue. Ce qui ne légitime en aucun cas la suite de ses actes. L'enfer est pavé de bonnes intentions, dit le proverbe et c'est le cas puisqu'il voit au départ de meilleures conditions pour les siens, une bonne éducation pour ses enfants, etc. Avant de sombrer dans la spirale infernale de l'argent facile qui brûle les doigts - et l'âme - et induit toujours plus de féroces désirs de possessions matérielles.

Le roman, court avec ses quelques deux cents pages, dénonce avec efficacité tout un système administratif basé sur la corruption où prévaut l'idée que "si ce n'est pas moi ce sera un autre". le narrateur a longtemps refusé toute malversation et le récit, par son cas, dépasse le cadre socio-politique pour toucher à l'éthique personnelle et à l'effondrement moral généré par l'accroissement des richesses et des biens. Aliénation matérielle mal acquise qui prive l'esprit du repos et de la sérénité et transforme la vie en enfer personnel.

Je ne connaissais pas cet auteur. Bien m'a pris de me laisser tenter par cette édition Picquier, qui reprend une traduction plus ancienne de 1981, comme le précise le traducteur dans sa préface. Pramoedya Ananta Toer dénonce les dérives des administrations post-indépendance de son pays, l'Indonésie. Mais son roman, au-delà des particularités du lieu et de l'époque, tend à l'universel puisque la tentation et la corruption sévissent partout et en tout temps.
Commenter  J’apprécie          370
Bakir, proche de la cinquantaine, marié et père de quatre enfants est chef de service dans une administration. Avec un jeune stagiaire, il gère entre autres les demandes d'autorisations avec les entrepreneurs. Fonctionnaire modèle, apprécié et respecté pour sa probité, il a vu quantité de ses collègues s'enrichir grâce à des pots de vin et afficher leur richesse sans vergogne. Avec des enfants et leurs études à payer, il vit de moins en moins bien sa situation et, las d'être le dindon de la farce, se lance fébrilement avec un premier commerçant chinois, et, passée cette épreuve du feu, continue sur sa lancée. Au grand dam de sa femme et de son stagiaire, tous deux voient des changements d'attitude chez Bakir. le temps passant il s'enrichit, se trouve une deuxième épouse, déménage mais se retrouve finalement seul, aimé uniquement pour son argent et se rendant compte mais trop tard, qu'il a perdu son âme en cédant aux sirènes du profit vite gagné.

Pramoedya Ananta Toer évoque avec Corruption, la vie et les tourments d'un fonctionnaire exemplaire de l'Indonésie post coloniale, après l'indépendance et le départ des Hollandais. Une administration qui a semé les germes d'arrangements pour accélérer les démarches, arrangements qui se sont ancrés après l'indépendance, favorisés par des salaires insuffisants. Dans cette ambiance, Bakir a su résisté à la tentation, se targuant de son honnêteté et de sa probité mais avec quatre enfants et un maigre salaire il va céder.
Corruption est une peinture de la classe moyenne indonésienne, celle des fonctionnaires, rouages essentiels dans l'administration et qui, pour nombre d'entre eux, survivent ou s'enrichissent grâce aux pots de vin, un système que chacun semble accepter, car apparaissant comme inévitable, même les plus probes se laissent convaincre. La corruption, un mal qui se répand dans les sociétés où, gouvernance ou post-colonialisme ne permettent pas d'établir des conditions de vie décente et poussent finalement les individus à profiter du système.
Corruption est un roman agréable et facile à lire, édifiant sur le destin des individus au sortir du colonialisme et qui ont trouvé dans la corruption un moyen individuel de s'en sortir.
Pramoedya Ananta Toer, un auteur auquel je vais m'intéresser.
Commenter  J’apprécie          250
Bakir, est fonctionnaire, chef de service plus exactement. Il vient d'une famille de fonctionnaire de père en fils. Il a 20 ans de carrière et quatre enfants. Il s'en sort de moins en moins bien avec ses fils qui grandissent et vont bientôt rentrer au lycée. Il se met donc à réfléchir afin d'augmenter ses revenus et vivre une vie plus confortable. Une idée lui vient, faire comme tout le monde, le mot est lâché : corruption.
C'est là que les ennuis commencent...
J'ai beaucoup aimé ce livre. Au début, j'ai eu envie de secouer Bakir, un éternel indécis, pleutre comme ce n'est pas permit. Puis je me suis posé des questions, effectivement, le danger mérite réflexion. Quand sa femme a essayé de le dissuader, j'ai était irrité par cette conscience qui se rappelait à mon bon vouloir. Mais quand ce fut le tour de son secrétaire alors là, je me suis dit : non, mais c'est le pompon !
Le récit en forme de fable et de farce est très drôle, écrit avec beaucoup de psychologie. L'auteur pose un regard très dur sur les fonctionnaires javanais d'ancien régime et assez méfiant sur les premières années de la république.
J'ai pensé à Voltaire, entre autres.
Je compte bien lire d'autres livres de cet auteur.
Commenter  J’apprécie          131
Nous suivons dans ce roman un petit fonctionnaire à Jakarta peu après l'indépendance. Vous vous doutez bien du sujet principal du livre : la corruption. Ce fonctionnaire qui a toujours été droit et honnête toute sa vie finit par basculer de l'autre côté. Il n'en peut plus de souffrir et de voir sa famille privée de tout, il a peur de ne pouvoir laisser ses enfants continuer leurs études faute d'argent. Il finit donc, comme tant d'autres, par se lancer dans la corruption. Nous suivons alors sa lente descente aux enfers, son incapacité à sortir de cet engrenage, de ce cercle infernal.
Ce qui m'a marqué est son égoïsme. Il prenait sa famille comme excuse, mais finalement c'était beaucoup pour le paraître et pour lui-même. J'ai également été choquée de sa vision de la femme, qui ne semble être là que pour lui obéir...
Ce court roman est très intéressant, il met en lumière la fragilité parfois de notre bonne volonté et la facilité à passer la ligne interdite. Bien qu'écrit dans les années 50, le sujet traité dans ce livre est toujours d'actualité dans bien des pays...
Commenter  J’apprécie          100
Une belle leçon de morale universelle à travers le monologue de Bakir, cinquantenaire respectable, époux dévoué et père de quatre enfants, fonctionnaire indonésien à la parfaite "probité". Ce dernier décide un matin de prendre son destin en main, et de mettre un terme à sa passivité et à son honnêteté qui ne lui ont jusque-là rien apporté ; les sommes exorbitantes nécessaires à la scolarité de ses enfants lui fournissent une excuse rêvée : le voilà lancé dans "la corruption".

Dès sa première tractation, d'une simplicité inouïe, la machinerie se met en place ; Bakir sombre inexorablement dans la spirale infernale de l'argent facile, du désir, de la crainte qu'on ne le découvre...Mais c'est surtout le cheminement de sa pensée, ses longues réflexions et ses tentatives pour se convaincre lui-même du bien fondé de ses actes qui sont intéressantes pour le lecteur ; l'on comprend combien il est difficile de résister à l'appât du gain, et de répondre à la question "pourquoi pas moi ?" quand tout semble à portée de main !

Bien que cela passe en second plan, on saisit également des bribes de la vie indonésienne peu après l'indépendance, et du ressentiment ambiant envers la communauté chinoise qui s'enrichit si aisément.

Quelques deux-cent pages bien équilibrées, divertissantes, mais qui poussent aussi à la réflexion sur les autres pays où la corruption est généralisée.
Commenter  J’apprécie          50

Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Naguère, je n'étais jamais assailli par ce genre de pensées. Pourquoi avais-je l'impression à présent d'être comme un poisson hors de l'eau, jeté sur un sable brûlant ? Il faut toujours choisir entre deux termes; en choisissant l'un, on doit renoncer à l'autre. En choisissant les trésors du bureau, j'avais renoncé à la paix du cœur. Et pourtant, j'espérais encore pouvoir posséder les deux. J'en voulais toujours davantage et c'est cette insatisfaction qui me faisait souffrir.
Commenter  J’apprécie          60
Plus mes services s'ajoutaient, plus augmentaient mon sentiment de frustration ; le nombre de mes enfants augmentait aussi d'ailleurs, ce qui me faisait souvent penser au proverbe arabe ; "quand les pauvres espèrent la fortune, c'est la progéniture qu'ils obtiennent ; quand les riches espèrent une progéniture, c'est leur fortune qui s'augmente".
Commenter  J’apprécie          50
Tous les hommes cherchent à s'innocenter et à rejeter leur faute sur les autres. Je fermai les yeux et repensai à toutes les amertumes de ma vie disparue. Une vie amère, certes, mais tranquille, qui ne me desséchait pas le cœur et me mettait à l'abri des tribulations quotidiennes.
Commenter  J’apprécie          60
C'était vraiment ce qu'ont pouvait appeler un bon secrétaire. Il vint me soumettre les papiers et, soudain , le feu corrupteur m'envahit à nouveau. Une deuxième demande matériel !
Commenter  J’apprécie          70
Et d'ailleurs, tout mon personnage n'était-il pas ridicule ? Peut-être bien que si. Pourquoi n'avais-je pu bénéficier d'une constante jeunesse ? Pourquoi me fallait-il encore aller en guenilles, après avoir avalé toutes ces amertumes ?
Commenter  J’apprécie          50

Videos de Pramoedya Ananta Toer (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pramoedya Ananta Toer
Pramoedya Ananta Toer - Buru quartet. Volume 3, Une empreinte sur la terre
autres livres classés : littérature indonésienneVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (39) Voir plus




{* *}