Il aurait voulu dormir, mais ses pensées l’en empêchèrent. Il décida d’écrire son testament. Il prit sa robe de chambre et ses pantoufles, s’approcha de la table et se mit à écrire le brouillon du testament par lequel il léguait toute sa fortune à des œuvres de bienfaisance. Cela fait, il voulut se recoucher. Mais alors, il songea à son valet et au portier. Il se transporta lui-même dans l’âme du valet et se demanda : « Si j’étais un pauvre valet, recevant par mois quinze roubles de gages, et si, séparé de moi par cinq chambres, il y avait là un richard endormi, entouré d’argent, sachant fermement, comme maintenant, qu’il n’y a ni Dieu, ni juge suprême, que ferais-je ? Je ferais ce que j’ai fait avec le marchand. » Et Trofine Sémionovitch fut pris de peur. Il se leva et courut verrouiller sa porte, mais le verrou ne tenait pas. Devant la porte il roula un fauteuil et avec des serviettes l’attacha au loquet. Sur le fauteuil il plaça une chaise qui devait, en tombant, faire du bruit. Ce fut seulement alors qu’il éteignit sa bougie et se coucha. Il ne s’endormit qu’au matin et dormit si tard que sa femme, inquiète, vint ouvrir sa porte. La chaise tomba avec un grand bruit. Trofine Sémionovitch se dressa effrayé, pale : « Qui ? quoi ! À l’assassin ! » cria-t-il. Il resta longtemps sans pouvoir se ressaisir. En s’éveillant, il s’était imaginé qu’on venait pour le tuer
Trokim tua le marchand et le cocher, prit du drap et 8000 roubles. Pridebalka lui fit faire un bel habit, lui acheta un cheval et une voiture et lui trouva deux hommes qui consentirent à lui prêter témoignage.
Mais Trokim avait des remords, et il résolut de tout raconter à Vassa.
Vassa toute troublée, lui conseilla d'aller à l'endroit du crime et lui assura que là-bas, à minuit, Dieu lui dirait quel châtiment lui était réservé. Trokim s'y rendit et, à minuit, une voix lui dit : "je te punirai dans quarante ans".
Dans le village de Manduki, vivait, à la fin du XVIIIe siècle, un très riche paysan, Denis Shpak. Cet homme avait une fille, très belle, blonde, Vassa. Chez Shpak travaillait un jeune paysan, Trokim Iachnik ; il n'avait connu ni son père ni sa mère, et sa seule parente était la veuve d'un soldat, une vieille femme vivant d'aumônes. A treize ans, Iachnik gardait les pourceaux ; mais avec l'âge, il devint un très beau garçon, très adroit et Shpak, qui le remarqua, le prit à son service. Vassa s'éprit de Trokim, mais son père ne voulut point entendre parler d'un tel mariage : Iachnik, un pauvre diable sans le sou, n'était point un parti pour sa fille. Toutefois, devant les larmes de Vassa , il déclara qu'il allait renvoyer Iachnik de chez lui, et qu'il consentirait au mariage si le garçon revenait vêtu d'un bel habit neuf et dans son propre équipage. Il congédia donc Trokim ..