Quarante ans de l'historien russe Kostomarov
Revu et remanié, ajouté de
Léon Tolstoï en 1905, alors resté dans les tiroirs.
Il est parfois des textes de grands auteurs qui appellent d'être sauvés, d'être extraits des pattes desquellles ceux qui les ont fait connaître au grand public le sont pour de mauvaises raisons, et dont les conditions de la publication qui l'entourent méritent pour le moins un éclaircissement. On peut même dire qu'à cause de cela , il est fort probable que l'oeuvre dont il est question n'aura jamais de seconde vie et c'est bien dommage et fort injuste vis-à-vis des deux auteurs qui l'ont écrite, associés de circonstance, historien et écrivain. Pour un auteur qui ne partageait rien sinon s'asseoir au piano et partager un quatre mains avec Tatiana sa belle-soeur, aussi imbu de sa personne, je veux parler de son art évidemment, je ne voudrais pas rester sur une note pareille, et conclure d'entrée que ce court récit-nouvelle-conte ne revêtit pas sa signature.
Je m'emploirais bien aujourd'hui à la sortir de cette gangue par une publication nouvelle, mais je n'ai pas le temps en ce moment. Et on ne peut pour autant dire que Quarante ans a été mal traduit, c'est même plutôt correct à part que je ne sais pas si le texte n'a pas été frelaté par quelqu'un de non scrupuleux qui n'y voyait que gloire et révolution. A-t-il été repris dans sa forme stricto sensu, je ne saurais le dire.
Tout d'abord, Quarante ans m'a été conseillé par MH17 et c'est vraiment par un hasard heureux que ce texte est arrivé à moi en lecture;, je l'ignorais totalement, et je l'en remercie chaleureusement.
Autant le dire aussi tout de suite, ce texte est une pépite et une nouvelle majeure de la littérature russe. Il circulait confidentiellement en Russie sous la plume de l'historien Nikolaï Kostomarov et
Léon Tolstoï peu coutumier du fait s'en est emparé tellement il lui a plu et pour lui donner plus d'ampleur au plan littéraire, Kostomarov n'était pa sûr dans cette voie non plus. il l'a donc remanié et ajouté quelques feuilles à la nouvelle qui fait une dizaine de pages à tout casser. Ce remaniement fait dans les années 1905 a donc été publié à titre posthume sans l'autorisation du grand auteur russe. On peut dire que Tolstoï a voulu lui donner une seconde chance grâce à son talent et sa renommée. Il s'est trouvé que son ami douteux d'alors Vladimir Tchertkov profitant de la vulnérabilité de Tolstoï veiillissant avait fait main basse au grand dam de la famille sur des textes récents de l'auteur plus politiques dirons-nous, des textes commandés aussi aux fins de publication puisque Tchertkov, en exil en Angleterre, était éditeur. L'intérêt pour ce dernier résidait dans le fait qu'il était favorable à la révolution russe, qu'il entendait exploiter des textes de Tolstoï contre le régime tsariste. Qui plus est la personnalité de cet individu était très controversée, même si officiellement il passait pour un tolstoïen. Il fut naturellement écarté, banni par le régime et s'il ne fut pas secouru par sa mère de riche lignée princière et friquée, il est probable qu'il eût été déporté. de cette publication en Angleterre qui fut traduite vers le français en 1912 par Bienstock à qui on peut rendre hommage pour avoir traduit les oeuvres littéraires de Tolstoï en France, mais qui manifestement l'a fait là dans Dernières paroles qui porte Quarante ans dans un but délibérément politique comme en témoigne sa préface.
Quand je pense que Tolstoï dans la plénitude de ses moyens, du haut de ses 23 ans et de son lustre princier, discutait le bout de gras, à la virgule près, avec son éditeur, très grand éditeur russe, sans doute le meilleur de la place pour la publication de
Enfance, pour une entrée littéraire en fanfare (due au talent plus qu'à l'égo du personnage), et de voir qu'un texte écrit sur le tard, de la même veine peut-être encore avec un plus grand contrôle de l'artiste littéraire, voire avec une maîtrise absolue dans les limbes qui entouraient son environnement malsain, je veux parler des tolstoïens évidemment, connût un routage aussi pervers, je me dis qu'il y avait décidément quelque chose de pourri au royaume de cette Russie de début de 20e siècle et que les choses allaient très mal se passer comme un signe prémonitoire .. D'une toute puissance à l'ombre des ténèbres !..
La beauté de ce texte est incomparable, si j'y reviens c'est que ici j'avais fait une tentative timide pas à la hauteur de ce qu'il commande. Il m'eût suffi de dire que je l'aime plutôt que de chercher des arguties. Que peut-on dire d'autre quand on atteint ces sommets sinon exprimer un sentiment de joie et s'écraser. On sait que tout ce que on peut en dire sera en deça : seuls des gars comme Steiner, Berlin..savent ajouter une plus-value à leur intervention .. grâce à leur analyse, leur intuition puissantes, leur connaissance et leur éloquence aussi .. Leur libre-arbitre étant dans aussi la liberté de chacun qui va contre les déterminismes collectifs..