Le Coq de bruyère

C'est ma foi un réel plaisir de relire un livre, surtout quand le souvenir s'en est complètement évanoui… la plupart du temps on y rechigne sachant qu'on en a des dizaines et des dizaines qui attendent leur première visite… mais leur oubli en fin de compte, ne leur rend-il pas leur virginité ?
Autant en effet avais-je gardé de cet auteur le souvenir vivace de son « Vendredi », dans les limbes du pacifique ou de la vie sauvage, autant ces nouvelles s'étaient perdues dans d'autres limbes.
En fait pour être tout à fait sincère, je n'ai pas sauté à pieds joints pour la totalité de ces récits (ceci explique peut-être en partie l'oubli), même si chacun d'eux apporte sa petite note philosophique, à part peut-être pour « Amandine et les deux jardins », conte initiatique qui nous encourage à escalader les murs de nos jardins pour naître (ou peut-être renaître, à tout ce que vous voudrez)…

Mais au fond ma plus grande satisfaction est de pouvoir maintenant replacer ce Coq de bruyère sur son étagère en ayant plus cet agacement de ne plus savoir ce qu'il racontait.
Pour celui-ci c'est fait.

La disparition relativement récente de Michel Tournier m'amène à lire ou à relire ses oeuvres; relire parce qu'elles ne m'ont pas laissé un souvenir impérissable. C'est le cas du Coq de bruyère; et bien que la relecture soit très récente, j'aurais encore du mal à relater certaines de ces historiettes. Parfois, j'ai pu sentir une verve qui me rappelait Marcel Aymé mais trop souvent, j'ai difficilement supporté le côté donneur de leçons de Tournier pour accorder une note meilleure que moyenne, soit trois étoiles. Dans la balance, je mets du côté positif l'écriture précise, descriptive, directe de Tournier. Ce qui fait pencher le fléau de l'autre bord, et qui m'agace dans plusieurs de ses romans que j'ai lus récemment, c'est une impression générale de pessimisme et de frustration des personnages, la propension de Tournier à mettre en scène des déprimés voire des suicidaires, des "freaks" à la sexualité déglinguée, sa propension aussi à tout nous expliquer, à mettre en quelque sorte les points sur les "i" pour être sûr d'être bien compris. Bref, je ne considère pas Tournier comme un très grand écrivain et je m'interroge sur le succès qui l'a entouré dès les années 70.