Charlie est un jeune homme généreux et jovial. C'est sans doute pour cela que ses collègues lui refourguent mine de rien les cas les plus difficiles chez Recycle et Ternel. Il a un don pour apaiser les clients en deuil qu'il prend en charge au téléphone pour décider de la forme à donner aux cendres de leurs défunts. Loin de l'urne traditionnelle, la société propose de les placer par exemple sous les racines d'un bonsaï, dans une peluche,… Elle peut aussi se servir des os pour fabriquer un outil ou un objet symbolisant une passion qui animait la personne de son vivant. Un sujet difficile qui est retranscrit jusque dans la colorisation, car les premières pages baignent dans des nuances déprimantes de gris et de bleu terne.
Malheureusement, une fois la corvée confiée aux bons soins de Charlie, ces mêmes collègues ont vite fait de prendre la poudre d'escampette. Ils n'ont jamais de temps à lui accorder, lui rabâchant sans cesse les mêmes excuses banales pour se débiner devant la perspective d'un café à l'heure de la débauche. Loin de se laisser abattre, Charlieu garde tout son allant, même lorsque les haut-parleurs de l'open-space leur ordonnent chaque jour de se promener, de rire et de pleurer à heures fixes. Comble de l'absurde ! Au nom du bien-être des employés, la société en est venue à automatiser les ressentis. Dans cet univers déshumanisant, encore plus (dé)structuré que le nôtre, où sortir ne serait-ce qu'un orteil de la petite case exigüe de la normalité vaut saisie sur salaire (Big Brother is watching you), Charlie fait tache. Autant que ces petites touches vert pomme que l'on voit tour à tour sur un éphémère, un escargot ou dans les yeux d'une tourterelle, sans savoir pourquoi.
Un beau jour, un enfant contacte Charlie pour lui poser une question inédite. Indifférent au sort de son enveloppe corporelle, il veut savoir ce qui est arrivé à l'âme de sa maman récemment décédée, son père et lui refusant de lâcher prise. C'est là où l'histoire prend clairement une tournure fantasmagorique, avec une vision de la vie après la mort des plus originales et déjantées. À la recherche de cette âme perdue, Charlie va en apprendre davantage sur lui, sur son passé comme sur son avenir, et au fur et à mesure de sa progression, les couleurs s'invitent en lui comme dans le décor.
Difficile toutefois d'en dire davantage sans spoiler l'intrigue ! «
Les Vies de Charlie » est une oeuvre unique en son genre, avec une charte graphique qui l'est tout autant. Une histoire douce-amère, une critique de la société, une love story inoubliable, où le libre-arbitre flirte avec la prédestination en toute connivence. Et où chacun est invité à tirer des leçons de ses erreurs pour ne plus jamais transmettre haine et rancoeur en héritage à la réincarnation suivante.
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