J'avais entendu ça et la susurrer ce titre prometteur, classé au rang de chef d'oeuvre des livres d'aventures par une petite grappe de connaisseurs, mais le tirage étant épuisé et la quête chez les bouquinistes systématiquement infructueuse, j'ai dû me faire une raison soulevant à mon tour les sourcils à la manière des initiés qui me le recommandaient, jusqu'à ce que...
Mais qui voilà… une petite version en poche de ‘65 à la couverture affreuse, une version complètement piquée des hannetons, les pages sont jaunies et mouchetées de petites tâches du papier qui vieillit, l'impression légèrement de guingois, et puis cette odeur de vieux papier.
Woh bordel, que demander de plus que la canicule environnante pour se jeter dans une aventure qui commence aussi intensément au niveau sensoriel ?
Après avoir fait briller le montant de pesetas que réclamait le vendeur, je me jette sur l'oeuvre avec en préambule peu d'info sur le scribe du feuillu :
Bertrand Travern, est un écrivain doué qui, comme
Trevanian, cultive le secret.
Il nous dit : « Un écrivain ne devrait pas avoir d'autre autobiographie que ses livres. »
Alors forcément quand les bribes de sa vie nous mènent d'un embarquement comme mousse à l'âge de 10 ans sur l'immense Pacifique puis en pleine quête d'or au Mexique ça promet.
Vous en aviez rêvé ? Tonton Travern régale.
Mexique, dans les années 20, ça suinterait bien la Tequila si seulement notre larron ne tirait pas le diable par la queue et pouvait s'en payer un godet… Mais l'heure est à la débrouille et c'est dans langage choisi, savamment assorti de petits usages légèrement désuets que l'auteur m'a conquis.
Dénuement total, et rêves immodérés de fortune comme seul le continent américain peut en vendre, Get Rich or die tryin' disait 50 cent, on retrouve ici la même ferveur qu'elle soit pour l'or noir ou le filon de métal précieux jaune.
Bon an mal an notre gusse va trouver des compères sur la route et puis…
Et puis il va falloir que vous dégotiez aussi ce petit bijou méconnu!
Car si Travern attaque un bouquin de façon très tradi', il se révèle terriblement efficace pour nous sortir un dernier tiers de roman diablement qualitatif tant sur la trame narrative que sur la psychologie des personnages principaux qui sont pourtant à peine brossés.
Et puis en conteur de haute volée il enchâsse dans son oeuvre des récits et racontars de chercheurs d'or contaminés par la fièvre aurifère qui sont vraiment les bienvenus, incrustants saveur et valeur comme une inclusion d'insecte dans l'ambre.
Une vraie belle oeuvre, loin des manèges et procédés littéraires actuels peut-être tant usés qu'ils s'éculent et rappellent indéniablement que le talent n'a pas besoin d'artifice.