Marcelino Truong nous raconte une période charnière de sa vie et de celle de sa famille. Il a 6 ans en 1963 quand tout le monde s'installe en Angleterre. Un frère, deux soeurs, une mère française, ses grands-parents maternels à Saint-Malo, son père vietnamien (et attaché d'ambassade), ses grands-parents paternels au Vietnam. Même un oncle qui sera ministre en 1975 dans le gouvernement du Sud-Vietnam, quand l'offensive Viet-Cong mettra fin à la guerre (si je puis dire...).
Marcelino Truong nous présente des chroniques familiales. Entre le père qui vit la guerre par procuration, l'intégration à Londres, une mère dépressive, et la découverte du rock'n'roll... Marco a fort à faire.
Chaque chapitre porte le nom d'une chanson. L'ordre des morceaux n'est pas chronologique, mais fait écho aux états d'âme et au parcours personnel de Marcelino. On a droit aux Rollingstones, à Joan Baez, à Jimi Hendryx, à Hair, aux Jefferson Airplane, aux Who, aux Beatles, et aux Doors, entre autres.
Si le tome démarre assez légèrement, centré sur les problèmes d'un gamin de 6 ans, on termine gravement. Marcelino a 18 ans en 1975, l'âge de se rendre compte de l'horreur dans son pays natal. La fin est aussi lourde que le début est primesautier. Peut-être aurait-il été plus percutant que Truong continue sur des choses plus légères tout en mettant cette insouciance en rapport avec la guerre dévastatrice au Vietnam.
Les derniers chapitres sont plus pesants. Mais la triste réalité l'est aussi Cela dit, Truong continue à mélanger (un peu d') insouciance de l'adolescence et (beaucoup d') horreur de la guerre. La scène des enfants brûlés au napalm dans un cocktail mondain est glaçante. J'ai moins adhéré à l'inclusion du conflit khmer dans le récit. Mais cela reste d'une qualité impressionnante. Y compris au niveau des dessins et de la mise en page (parfois sur 2 pages se faisant face).
Je me mets un instant à la place de
Marcelino Truong, et je me dis qu'il a énormément de "chance" d'avoir pu témoigner et extraire de son être un vécu aussi dur. Mais, à mon avis, la dureté du propos pour le lecteur est sans aucune comparaison avec la difficulté qu'il a eue à raconter son enfance. Il le fait sans concession, avec humour parfois, avec tendresse souvent, avec émotion toujours.