Lu un peu par hasard suite à un conseil trouvé dans une revue. Ça m'apprendra....
La gifle décrit la vie de plusieurs familles de la banlieue de Melbourne, pour une partie d'entre eux des Grecs immigrés de deuxième génération, dont la vie se trouve directement ou indirectement (très modérément) affectée par
la gifle qu'un gosse mal élevé reçoit pendant un barbecue, et le procès qui s'ensuit.
Ça aurait en effet pu être la critique impitoyable de la société australienne que certains voient dans ce livre, si l'auteur avait un peu plus de talent et savait manier le second degré. Mais il semble finalement fasciné par ses personnages obsédés par l'achat du dernier écran plat et incapables d'entretenir des relations sociales (ou sexuelles) sans se gaver d'exctasy et de speed au préalable, et les décrit au premier degré, sans distance critique. Tout est rédigé de la même manière plate et sans relief. Il n'y a dans la description des rapports avec la drogue ni regard moral ni, à l'inverse, incitation à la révolte sociale à la manière d'un William Burroughs. C. Tsiolkas, ce n'est pas la beat generation, mais plutôt génération Conforama.
Ajoutons à cela que les personnages sont tous décrits de manière quasi-identique ou sont interchangeables (les hommes, du moins les protagonistes principaux, sont tous beaux, musclés sans avoir besoin de faire du sport, et ont un gros pénis - c'est précisé pour au moins trois personnages du livre. Ça semble important...). Les femmes sont toutes belles aussi, savent s'habiller et sont très soumises au lit (apparemment, cela aussi, c'est important pour M. Tsiolkas).
Le tout baigne dans le politiquement correct, on pourrait dire la boboitude si ça se passait en France, le plus désolant. La série des personnages comporte les incontournables de la littérateur anglo-saxonne contemporaine: le gay complexé mais qui apprend peu à peu à s'accepter, le musulman très pieux dont les valeurs sont un exemple pour son entourage qui ne le comprend pas toujours, l'immigré jeune et beau au teint hâlé dont la femme (blanche et vierge, forcément) tombe amoureuse (dans un roman australien, pays où tout le monde est immigré à l'exception des aborigènes, on pourrait espérer que ce genre de poncif est dépassé, mais bien au contraire les personnes du roman sont obsédés par leurs origines , je crains malheureusement que sur ce dernier point C.Tsiolkas ne soit que le reflet de son époque...), la scénariste de télévision belle et rebelle. On croit cocher une liste. Une des scènes les plus involontairement drôle du livre se situe en Thaïlande, où les deux principaux héros du livre ont pris pour les vacances une chambre dans un hôtel de luxe mais ont décidé, à l'improviste, de louer en prime une maison au bord de la plage (on ne se refuse rien). Allongés au lit, baignant dans le luxe, ils font le serment de ne jamais mettre leurs enfants dans une école privée; c'est contraire à leurs valeurs. On croit rêver...
Comme il faut bien "faire littéraire", quand on n'a aucun talent autre que celui de dérouler une histoire au kilomètre, on choisit un "truc" que l'on décline au fil des pages. Chez C.Tsiolkas, c'est la description du fonctionnement du corps humain dans ce qu'il a de plus trivial. Dès la première page, un personnage du roman pète au lit. Cette innovation littéraire majeure ne nous quittera plus par la suite. Les personnages vomissent, pissent, etc. avec force description. On a même droit à la petite constipation passagère, bien naturelle le matin du procès pour la partie civile. Et quand les personnages copulent (tous formidablement bien grâce à leurs corps sculpturaux acquis malgré l'absence de sport), on ne s'en sort pas à moins de trois pages.
Les seuls personnages décrits de manière un peu acerbe (et donc finalement les plus intéressants) sont Rosie et Gary, les parents de l'enfant qui prend
la gifle. Il faut dire qu'ils sont d'un milieu bien plus modeste que les autres protagonistes du roman. Chez C.Tsilokas, tout peut être pardonné, même le fait d'être de droite, mais pauvre et sans réussite sociale, ça non, quand même, il ne faut pas exagérer.
Il paraît que Ch.Tsiolkas est une des nouvelles consciences de la gauche libérale australienne. On ne demande pas à voir la droite....