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TW : séquestration, pédophilie (sous entendue), homophobie (mentionnée), viol (graphique)

Recueil acheté sur les recommandation de ma librairie, j'avais un peu peur de ne pas aimer mais j'ai bien accroché au style et aux thèmes de Lisa Tuttle !
Je résumerais ce recueil en disant que ce sont des nouvelles fantastiques, horrifiques et féministes et je les ai globalement toutes aimées. Il est un peu difficile de trouver des nouvelles fantastiques qui me surprennent vraiment (d'où ma note) mais ce fond féministe est très appréciable, surtout quand on sait que ces nouvelles commencent à dater un peu.

Rapidement sur chaque nouvelle :
- Rêves captifs (Closet Dreams) : une bonne nouvelle fantastique mais un peu prévisible
- L'Heure en plus (The Extra Hour) : profondément féministe, une réflexion sur la maternité
- le Remède (The Cure) : excellente réflexion sur le langage
- Ma pathologie (My Pathology) : clairement la nouvelle la plus flippante, notamment sur le thème du corps des femmes
- Mezzo-Tinto ("The Mezzotint") : comme la première, une bonne nouvelle fantastique mais prévisible
- La Fiancée du dragon (The Dragon's Bride) : je catégoriserais celle-ci en horrifique, l'idée est intéressante mais je pense que ça aurait pu être mieux exploité (l'autrice le dit elle-même!)

Cette édition comporte par ailleurs un entretien entre la traductrice et l'autrice, ce qui était très sympa :)

En résumé, contente de cette découverte d'une autrice dans le genre de l'horreur/du fantastique avec une bonne dose de féminisme.
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Des nouvelles fantastiques que j'ai trouvé intéressantes sans forcément avoir été conquise comme avec celles de Mélanie Fazi. Des femmes qui sont confrontées à des situations stressantes ou plus, à d'étranges phénomènes...Le thème de la maternité est assez présent même si il est parfois en toile de fond , celui de la vie de couple aussi ainsi que le rêve , central dans une ou deux nouvelles. On sent bien la tension, elle monte sans que l'on sache bien d'où elle vient. On a la réponse à la fin, et c'est souvent assez surprenant. Ce sont des nouvelles plutôt marquantes, sauf peut-être pour moi "le remède".
Challenge Mauvais genres 2023
Pioche dans ma PAL Août 2023
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Dans Rêves captifs, une femme raconte ses quatre mois de captivité dans un placard et son évasion, entre rêve et réalité, un pont onirique et une ligne de fuite, une projection astrale sensible ou l'échappatoire désespéré face au traumatisme. Que devient la réalité face à la souffrance ?
Dans L'heure en plus, une mère de famille rêve d'être écrivaine, entend une sonnerie d'horloge puis franchit une porte sortie de nulle part pour trouver l'inspiration dans un bureau en dehors du temps, bulle en dehors de la vie quotidienne qui provoque un déchirement, un dédoublement inconfortable.
Dans le remède, deux femmes élèvent un enfant qui ne parle pas et entre elles le langage devient une frontière infranchissable, un obstacle à la compréhension et une séparation dénuée de sens au milieu de sentiments indomptés.
Dans Ma pathologie, une femme enceinte finit par consulter et les médecins découvrent, en lieu et place d'un bébé, une grosse tumeur, la pierre philosophale aux yeux de son concubin. La fragilité psychique et la dépendance affective débouchent sur des illusions et une manipulation, une emprise masculine à la saveur sectaire.
Dans Mezzo-Tinto, une femme ayant emménagé depuis plusieurs mois chez son petit ami découvre la gravure d'une maison qu'elle n'avait jamais remarquée dans son bureau. le triptyque composé par la gravure d'une maison hantée, la maison hantée et l'homme possédé fonctionne comme des niveaux de réalité emboités pour se renfermer.
Dans La fiancée du dragon, une jeune femme emmène son nouveau petit ami en Angleterre sur les traces de son amnésie hantée par un dragon lors de son précédent séjour chez sa tante qui vient de se suicider. Cette quête d'identité se transforme en conte de fées onirique et oppressant, d'une voracité implacable.
Ce recueil est traversé par une sensibilité sauvage, une ambiance étrange, une réalité fluctuante au gré des angoisses, des ombres de l'enfance et des engrenages mortifères, installant un état d'âme propice aux doutes et à la crainte d'une malédiction.
Lien : https://lesbouquinsdyvescalv..
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Pauvre de moi!

Pour des raisons bien diverses, me voici écrasé sous un roc de critiques non-effectuées! Certaines lectures datent de trois mois, dont ce "Ainsi naissent les fantômes", vous excuserez donc pour une fois le manque de précision concernant les différents points d'intrigue. Je tâcherai plutôt de vous apporter un ressenti global.
Mais me revoilà, de retour pour vous jouer un mauvais tour et bien décidé à rattraper cet angoissant retard (ne soyez pas surpris, j'ai toujours été un anxieux maladif).

Lisa Tuttle semble avoir acquis une certaine réputation dans le milieu du fantastique moderne, ce qui ne m'a pas empêché de découvrir par pur hasard son nom au détour d'une préface des éditions Scylla. Jamais entendu parler donc, mais ça n'est bien sûr gage de rien.
On se trouve ici en présence d'un recueil de sept nouvelles, s'étalant sur plusieurs décennies d'écriture. Elles appartiennent quasiment toute à un fantastique de bonne facture.

Je suis navré ici de déplorer mon absence d'exaltation à lire Lisa Tuttle. Evidemment, les récits sont plutôt bons, mais bien loin d'emporter mon adhésion.

On commence pourtant sur du très bon, avec "Rêves Captifs", où une adolescente nous narre son impossible évasion d'un placard où elle était séquestrée par un pervers... C'est extrêmement bien rythmé et respecte la règle (volatile) que j'ai tendance à préférer dans les nouvelles: une jolie chute.
On notera également la nouvelle "Ma pathologie", mêlant alchimie, maternité et cancer. C'est weird au possible mais fonctionne délicatement: c'est captivant et désagréable à la fois. Un truc qu'aurait pu écrire un Barker en bonne forme. Très bon, encore une fois, bien qu'un peu confus.

Et voilà... La suite se complique nécessairement. Il s'agit d'une association de récits moyens ou de souvenirs très périssables.
"L'heure en plus" aborde une thématique très kingienne, celle de l'écriture devenant problématique. Les vagues souvenirs remontant à la surface me semblent bien mornes. Assez ennuyant sur un postulat désormais revisité des dizaines de fois.
"Le Remède" est un récit métaphorique sur l'importance du mot et du langage (lisant actuellement le Sorcier de Terremer de Ursula K. Le Guin, ça tombe à pic). C'est typiquement un récit que je trouve, personnellement, bancal: je déteste la métaphore pour la métaphore. C'est intéressant et va chercher le thème de façon original mais n'aboutit pas à grand-chose. J'aime bien réfléchir, mais au moins au cours d'un texte donnant un peu de voilure.
"La fiancée du Dragon" était pour le coup plus réussie. Récit sur les origines embrumées de la narratrice, on y retrouve un côté weird et hypnotique assez agréable.
Je n'ai aucun souvenir des autres récits.

Malgré ces remarques, certes un peu cassantes, je prendrai plaisir à relire Lisa Tuttle tant les auteurs de fantastiques sérieux et diversifiés (entendons par là hors bit-litt ou horreur strictement divertissante) sont rares.
Néanmoins, ça ne sera pas avec "Ainsi naissent les fantômes" que je crierai au chef-d'oeuvre. Il y a pourtant des points intéressants: des récits donnant enfin la part belle à des femmes fortes ou originales, des thématiques peu abordées en littérature fantastique et un côté weird que j'apprécie.
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"Ainsi naissent les fantômes" nous propose six nouvelles et autant de portraits de femmes, six textes à la tonalité surnaturelle voire résolument fantastique, avec une constante, celle de matérialiser obsessions, peurs primitives ou fantasmes. le résultat : des histoires propres à susciter une palette d'émotions oscillant de l'angoisse à l'horreur pure.
Lisa Tuttle s'empare, pour nourrir ses intrigues, de thèmes "classiques" du registre de l'épouvante ou de l'imaginaire. On notera notamment l'importance donnée aux maisons, qu'elles soient hantées par d'étranges créatures…

"Le vieux M. Boudreaux"
La narratrice revient aux Etats-Unis à l'occasion de l'agonie de sa mère de 96 ans. Sur son lit de mort, celle-ci lui demande de prendre soin d'un certain M. Boudreaux, propos que sa fille estime nourris par le délire de la moribonde, cet ami de sa mère étant décédé depuis bien longtemps. Or, en retournant dans la demeure maternelle, elle se trouve face à un singulier personnage… Une nouvelle où le surnaturel est synonyme de merveilleux.

… qu'elles abritent en leur poussiéreuse vétusté de sinistres objets que l'on dirait vivants…

"Mezzo-tinto"
Une jeune femme s'angoisse de la présence, sur les murs du salon de la demeure familiale dont vient d'hériter son compagnon, d'une gravure au contenu mouvant.

... que leurs murs ouvrent soudain sur des mondes parallèles…

"L'heure en plus"
Une écrivaine déplore, entre son travail de professeure et sa vie de famille, de manquer de temps pour écrire et terminer enfin son roman en cours. C'est alors qu'une porte apparaît sur l'un des murs de sa maison, ouvrant sur le bureau de ses rêves, où le temps s'arrête, et où son inspiration prend un nouvel et invraisemblable élan.

… ou qu'elles se métamorphosent au gré des étranges événements qui s'y déroulent, comme dans ...

"Ma pathologie", où la façade d'une maison abritant d'occultes pratiques se couvre, aux yeux de l'héroïne, d'un renflement aussi inexplicable que disproportionné.

Autres thèmes empruntés à la nomenclature fantasmagorique ou au domaine de l'occulte : ceux de l'alchimie…

Dans "Ma pathologie" toujours, une femme revendique celle de s'éprendre d'hommes généralement en couple. Et si son dernier compagnon en date déroge à cette règle, il continue néanmoins d'entretenir avec son ex des rapports réguliers bien que compliqués. C'est par ailleurs un individu secret, dont l'obsession pour la quête de la pierre philosophale devient pour l'héroïne de plus en plus préoccupante.

… ou de la possible existence de créatures légendaires…

"La fiancée du dragon"
A la mort de sa tante, une jeune femme retourne, accompagnée de son petit ami, chez la défunte, où elle n'avait pas remis les pieds depuis un séjour remontant à son enfance, qui s'était soldé par une curieuse amnésie et un profond sentiment de malaise. Une nouvelle à la tonalité horrifique et perverse (qui est sans doute celle que j'ai le moins apprécié, j'ai trouvé le basculement de l'intrigue dans l'épouvante quelque peu caricatural).

L'interpénétration entre fantasmes, rêves, cauchemars et réalité, est récurrente, faisant parfois perdre pied aux personnages. Certains semblent littéralement s'engluer dans les obsessions que nourrissent leurs traumatismes, la nouvelle la plus significative en étant celle qui ouvre le recueil.

"Rêves captifs" une jeune femme a été séquestrée durant quatre mois, lorsqu'elle était enfant, par un inconnu. Alors enfermée dans un placard, qui depuis, alimente des cauchemars qui n'ont jamais pris fin, elle s'en est évadée dans des circonstances qu'elle-même sait impossibles.

On notera l'importance des rêves au sens strict ou figuré du terme également dans "Ma pathologie" (dont l'héroïne fait d'incessants cauchemars en lien avec sa grossesse) ou dans "Une heure en plus", où désirs éveillés et fantasmes du sommeil se matérialisent dans une réalité parallèle, à la fois prégnante et impalpable.

Tout l'art de Lisa Tuttle réside dans sa capacité à rendre ses histoires convaincantes en dépit de leur dimension surnaturelle, ses intrigues s'inspirant par ailleurs de thématiques réalistes et universelles, et accordant souvent une place primordiale à la psychologie de ses personnages. Il y est ainsi question d'emprise au sein du couple, de l'angoisse que peuvent susciter la grossesse et l'accouchement, du sentiment de culpabilité des femmes qui peinent à trouver l'équilibre entre épanouissement personnel et vie de famille, ou de l'incommunicabilité comme vecteur de destruction des relations amoureuses …

"Le Remède" donne la parole à une femme qui s'exprime envers un "tu" que l'on devine être sa compagne, devenue volontairement muette pour rejoindre leur fils dans son mutisme. Ce dernier fait partie des "enfants du Remède", auxquels a été inoculé in utero une sorte de vaccin universel qui permet au corps de lutter contre toutes les maladies. Malheureusement, cette fantastique avancée médicale est ternie par un tragique effet secondaire, puisqu'elle provoque une mutation génétique empêchant l'acquisition du langage.

La survenance d'événements surnaturels n'est ainsi bien souvent qu'un prétexte pour révéler les pulsions dérangeantes et les monstres intérieurs qu'abritent les protagonistes.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Recueil de nouvelles toutes prenantes et fascinantes. C'est vraiment très bien écrit et j'ai vraiment tout lu d'une traite.
Si je devais cependant faire une critique c'est qu'il y a beaucoup de passages décrivant des rapports sexuels qui à mon sens ralentissent l'action des nouvelles.
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Un recueil de nouvelles tout à fait originales qui ont pour point commun l'apparition du fantastique au coeur du quotidien mais qui tourne rapidement à une forme d'emprise horrifique.
Parfois l'horreur est immediate, mais pour tourner à une horreur plus grande. Parfois c'est juste une porte qui s'ouvre vers quelque chose de magique, voire d'enchanteur. Mais dans tous les cas, l'emprise exercée par ce detournement de realité devient obsessionelle, au point que l'ancrage dans le réel devienne plus ténu, et le narrateur passe de l'autre côté du miroir.
Toutes les nouvelles sont bonnes et toutes noys interrogent finalement sur ce à quoi nous tenonsvraiment.
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C'est un recueil de sept nouvelles que j'ai trouvé assez inégales en terme d'intérêts. S'il y a en bien eu trois ou quatre qui m'ont vraiment bien plu d'autres m'ont laissé assez indifférent. Cependant, ça n'a jamais une lecture désagréable. Donc je vous le conseille si vous aimez les lectures étranges.
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« Ainsi rêvent les fantômes » est un recueil de sept nouvelles de l'auteure américaine Lisa Tuttle, choisies et traduites par Mélanie Fazi, qui nous offre en outre une intéressante interview de cet écrivain.

Avant de vous dire ce que j'en ai pensé, voici un bref aperçu de ces textes :

1 / Rêves captifs
Une adolescente, séquestrée pendant plusieurs années, peine à expliquer comment elle a réussi à échapper aux griffes de son geôlier, celui qu'elle appelle « le monstre », et continue à rêver de son emprisonnement dans le placard…

2 / L'heure en plus
Une écrivaine peine à concilier vie professionnelle, vie de famille (un mari David, deux petites filles, des tâches ménagères) et l'écriture de son roman à achever. Elle a seulement droit à un créneau quotidien d'une heure pour écrire, mais il ne lui suffit pas. Jusqu'au jour où, au détour de l'escalier, une porte apparaît dans le mur : elle s'ouvre sur un bureau rien que pour elle, où le temps semble suspendu et où elle peut écrire aussi longtemps qu'elle le veut …

3 / le Remède
Une jeune femme, écrivaine, observe sa compagne par la fenêtre, dans le jardin, avec son fils. Tous deux sont mutiques : c'est le Remède qui les a privés du langage …

4 / Ma Pathologie
Une jeune femme tombe amoureuse d'un homme en instance de séparation et fasciné par l'alchimie. Enceinte, elle vient vivre dans sa maison, dont elle est la seule à percevoir qu'une espèce de grosse bulle blanchâtre est greffée sur sa façade arrière …

5 / « Mezzo-Tinto »
Alors qu'elle vit avec lui depuis déjà quelque temps, dans sa toute petite maison de banlieue, elle découvre un cadre accroché sur le mur qu'elle n'avait jamais remarqué. Il lui rappelle une nouvelle intitulée « Mezzo-Tinto », dans laquelle un tableau s'animait. En même temps, elle se rend compte de troublantes incohérences dans les allusions que son ami fait au sujet de son passé et de ses anciennes compagnes …

6 / La fiancée du dragon
Dans une librairie, elle fait la connaissance d'un jeune homme alors qu'elle est en train de chercher des renseignements sur les dragons. Elle doit retourner en Angleterre pour y retrouver sa tante mais ne parvient pas à se souvenir du séjour de deux mois qu'elle fit là-bas, alors qu'elle avait douze ans et cette absence de mémoire l'inquiète terriblement. de cette période, elle conserve seulement une étrange bague-dragon restée fichée à son doigt ...

7 / le vieux M. Boudreaux
A cinquante-huit ans, elle rentre d'Europe, où elle vit depuis longtemps, pour venir au chevet de sa mère mourante. La défunte lui lègue la maison de sa grand-mère et lui demande de s'occuper d'un certain M. Boudreaux, qui fut le compagnon de celle-ci …

Voilà un recueil de nouvelles dont j'avais entendu dire beaucoup de bien et j'ai profité du sympathique geste de son éditeur, qui en a offert la version numérique pendant le confinement, pour le découvrir. Entre lui (le recueil, pas l'éditeur) et moi, il n'y a pas eu de coup de foudre immédiat, mais au fil des pages j'ai succombé à son charme délétère.

Ce qui m'a fait tiquer, au départ, c'est le côté féminin-centré du recueil : j'ai craint (à tort, je m'en suis rendu compte ensuite) que l'ouvrage manque d'envergure et me lasse rapidement en se focalisant sur des problématiques familiales et domestiques (en réalité, c'est ce qui fait sa force, cette confrontation avec le quotidien au sens large).
S'est ajouté à cela le constat que la thématique du rêve était très présente dans les nouvelles 1 (Rêves captifs) et 2 (L'heure en plus), or je trouve toujours un peu trop facile d'y avoir recours, dès lors qu'on est dans le registre fantastique. Mais elle s'avère très habilement exploitée (avec une chute terrible pour la 1 et un dénouement qui m'a beaucoup plu pour la 2). Pour revenir à la 2, ça avait pourtant mal démarré avec elle : le début m'avait un peu agacée parce que j'y voyais un message personnel appuyé de l'auteure (je-manque-du-temps-nécessaire-pour-écrire-pas-drôle-d'être-une-femme-multitâches) et je me disais que la narratrice n'avait qu'à demander à son David de le faire, le repassage (mentionné à plusieurs reprises). Heureusement pour moi, il y a une inflexion significative dans la suite de la nouvelle, qui m'a davantage accrochée.

Toutes les nouvelles ont donc pour héroïne une femme, souvent (mais pas toujours) jeune. C'est elle qui raconte et son histoire (avec ses problèmes) aborde la question de la relation à l'autre (amant(e), compagne ou compagnon, mais aussi enfant (né ou à naître) sous un jour qui peut se révéler très dérangeant.
Parfois, la réflexion déborde largement le cadre intime, c'est le cas avec la nouvelle 3 (Le Remède) : elle offre une réflexion intéressante sur le langage, s'interroge sur ses liens avec l'intelligence et, plus globalement, sur notre capacité à communiquer, et aussi ce qui fait de nous ce que nous sommes, les choix qui nous y mènent (notamment lorsque nous sommes parents).

La maison est un personnage-clé du recueil. Dans la nouvelle 7 (Le vieux M.Boudreaux), donnée « en supplément » et dont la tonalité, contrairement à ce qui est le cas dans le reste du recueil, est plutôt lumineuse, elle peut être un endroit magique, symbole de retour à soi et porteur de nos rêves d'évasion de jeunesse. Mais, dans la plupart des cas, c'est un lieu ouvrant sur de possibles transformations, dont certaines particulièrement éprouvantes (pour ne pas dire horribles).

Lisa Tuttle s'y entend pour braquer sa lampe torche sur les zones d'ombre de notre quotidien. Elle aime faire voler en éclats notre environnement rassurant et voir déraper nos vies ordinaires vers d'insondables et inquiétants gouffres d'incertitude, au fond desquels les pires terreurs peuvent se cacher.

Challenge multi-auteures SFFF
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Fixer des vertiges

Dès ses débuts dans les années soixante-dix, Lisa Tuttle s'est imposée comme l'une des voix marquantes du fantastique, une voix qui exprime des obsessions et des thèmes bien particuliers.
Ce recueil comporte sept nouvelles choisies et traduites par Mélanie Fazi, qui est elle-même une auteure reconnue dans le domaine du fantastique, et on y trouve de nombreux récits remarquables.

1) « Rêves captifs »: une jeune fille enlevée et séquestrée dans un placard pendant plusieurs mois par son ravisseur, s'en évade de manière invraisemblable ; quelques années après, elle rencontre son ravisseur… (5/5 : la chute du récit est à la fois totalement inattendue et absolument glaçante)

2) « « L'heure en plus »: une auteure découvre une porte qui n'existait pas dans sa maison ; elle ouvre sur un bureau d'écrivain idéal où elle peut écrire des textes inspirés ; mai un jour, elle aperçoit un homme à travers la fenêtre de cette pièce imaginaire … (4/5)

3) « Le remède » : un remède efficace contre toutes les maladies fait perdre l'usage de la parole à certains personnages du récit... (3/5 : ce texte « expérimental » selon l'auteur, où le langage est considéré comme un virus, ne m'a pas totalement convaincu)

4) « Ma pathologie » : l'amie d'un alchimiste tombe enceinte ; à quoi doit-elle s'attendre ? (4/5 : un texte perturbant sur l'aliénation que peut entraîner l'amour)

5) « Mezzo-tinto » : Mélanie découvre une inquiétante gravure dans le bureau de son compagnon, gravure qui lui rappelle celle évoquée dans une nouvelle fantastique de Montague Rhode James ; cette gravure suscite en elle des interrogations et son compagnon lui fait des révélations en contradiction avec ce qu'il lui avait dit auparavant..(4/5)

6) « La fiancée du dragon » : une jeune femme, qui n'a aucun souvenir de deux années de son enfance et qui a fui l'Angleterre pour des raisons obscures, y revient après le suicide de sa tante ; son compagnon éprouve une inquiétude croissante quand elle se met en quête de son passé… (4/5 : un récit habité par une tension constante, mais j'aurais aimé une fin un peu plus originale)

7) « Le vieux M. Boudreaux » : alors qu'elle est sur le point de mourir, la mère de la narratrice lui demande de s'occuper de son compagnon, monsieur Boudreaux ; mais qui est vraiment monsieur Boudreaux ? (3/5 : oui, ce monsieur est un très curieux personnage)

Dans la plupart des récits, cette réalité stable et rassurante à laquelle les personnages croyaient pouvoir se fier s'avère être un leurre, et cette traversée des apparences débouche souvent sur des abîmes...
Un recueil de nouvelles tout à fait réussi.


Challenge multi-auteures SFFF 2020
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