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« Nous longeons des hauts fourneaux, des stations-services et des caravanes alignées sur le bord de la route. »

Avec un goût de poussière dans la bouche, le dos fourbu par cette route interminable et cahotante. Je crache par terre le peu de salive qui me reste en bouche. Ma main, par habitude, plonge dans la glacière mais ressort à nue. J'ai déjà bu la dernière bière il y a bien soixante miles. C'est donc avec un sourire salutaire que je tourne le volant, et m'engouffre dans ce qui ressemble le plus à de la vie, un soupçon de vie dans une poussière balayée par le vent. Ferme la vitre ! on n'arrive plus à respirer.

« Il engage sa vieille voiture dans le parking d'un vaste bâtiment en bois surmonté d'un panneau qui annonce 'The Ranch' en grandes lettres malingres. le soleil commence tout juste à se coucher, mais l'endroit est aussi illuminé que Las Vegas. Toute une armée de pick-up sales encombre le parking. »

Se frayer un chemin entre les rétroviseurs et les pare-chocs chromés et suivre le brou-haha d'une meute gueularde et assoiffée. Un lieu qui n'a pas de nom, comme un ranch sans nom. Un air abîmé, par le temps, la poussière et le fracs de la vie, j'imagine déjà les âmes qui y règnent. de la peine et de la bière qui coulent à flot sur le comptoir et qui déversent son lot de solitude et de tristesse. Être un cow-boy solitaire a son revers, celui de se retrouver seul à boire sa bière, dans la fraîcheur d'une pénombre en coin, ou dans un coin d'une moiteur extrême.

« Nous entrons dans la partie principale qui est plus vaste qu'une salle de bal. Il y a deux bars circulaires au milieu et quelques estrades sur lesquelles dansent des femmes à demi dévêtues. Des tables et des chaises sont disposés dans les coins. La musique est si forte que je la sens rebondir sur ma poitrine. »

Un vieux juke-box distille sa musique, comme des airs de country new-age. Lambchop. Cela change de Johnny Cash, paix à son âme et black respect. Il reviendra lorsque les jeunes auront déserté les lieux pour aller fourrer leur queue dans le cul des serveuses à l'arrière de leur pick-up ou entre les seins des danseuses usées. Il vaut peut-être mieux ça que de voir ces cow-boys souls se fracasser la tête avec des pieds de chaises en bois. le bruit m'envahit, comme cette nappe de fumée qui s'envole des tables voisines. Je me ferme sur moi-même, une bulle de silence me caresse, le temps de prendre ma bière, en solitaire et l'âme soul mais pas encore saoul.

« On déniche une table inoccupée le long du mur, juste à côté de l'une des danseuses. Elle porte un slip en dentelle noire et un T-shirt coupé qui suffit à peine à dissimuler ses avantages. »

Terres d'Amérique, je roule en pensée à travers l'Utah et l'Arizona, des nouvelles de Brady Udall qui mettent en lumières, néons clignotants de quelques bars miteux et de phares alignés, des pauvres types à mon image qui se demandent ce qu'ils font de leur vie, ce qu'ils font dans cette vie. Ils se sentent seuls et boivent leur bière, parfois même sans saveur, mais continuent leur chemin, sans envie ni rêve. Oui cette Amérique, pas si profonde que ça, est la mienne, et je reste assis à regarder ma bière, sans même m'apercevoir que la danseuse à enlever son tee-shirt, en écoutant Kurt Wagner avec ce goût de poussière en moi.
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Drôle, humain et touchant.

Certaines nouvelles, plus loufoques, donnent envie de croiser la route d'un de ces personnages.

Brady Udall choisit une écriture ordinaire, pour des personnages ordinaires, mais qui créent une ambiance totalement extraordinaire.

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[Coup de coeur] Pour une bonne surprise littéraire c'en est une. Les 11 nouvelles de ce livre sont toutes extraordinairement bien écrites. Brady Udall nous entraîne dans son univers entre l'Utah et l'Arizona avec des personnages très communs et des récits ordinaires. Mais cet écrivain sublime le récit par son style entre la drôlerie et l'émotion.

On peut rire et pleurer à travers les lignes de Brady Udall mais une chose, c'est que l'on est suspendu à son récit. Son écriture est simple comme celle de Jim Harrison. Il ne me reste plus qu'à découvrir d'autres livres de Brady Udall.
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Porté par sa peu commune lettre U, Udall devient petit à petit un rendez-vous annuel pour ma liste du challenge ABC. Lâchons les chiens est son premier recueil de nouvelles, et le livre qui l'a fait connaître auprès du grand public.

On sent dans chaque nouvelle la volonté de l'auteur de rester proche de la réalité. Pas d'hommes d'affaires importants vaquant dans les grandes métropoles, Udall ne met en scène que des hommes venant d'un village perdu au fin fond de l'Amérique et vivant de petits boulots. Souvent un peu paumés, récemment divorcés ou veufs, ils doivent prendre une décision importante pour leur avenir.

Il m'a manqué un petit quelque chose pour accrocher vraiment à ces histoires. Il est assez difficile de s'impliquer dans des tranches de vie ordinaires de gens ordinaires. Même si Udall propose des personnages un peu en marge de la société, ils ne le sont pas suffisamment pour me marquer. À la rigueur, un fil conducteur fort entre tous les récits aurait aussi pu faire l'affaire, mais là encore, je suis resté sur ma faim.
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Une révélation... En un mot, voilà qui résume mon coup de coeur, en forme de coup de poing dans l'âme, pour Brady Udall et ses "gueules" de l'Amérique profonde.

Cela faisait longtemps que je n'avais plus lu de recueil de nouvelles. Et encore plus longtemps que j'avais pris du plaisir à en lire. Un peu lassé. C'est donc avec une certaine appréhension que j'avais sélectionné un recueil de nouvelles dans le cadre du Challenge ABC (il y a assez peu d'auteurs en "U").

L'Amérique d'Udall, c'est celle des subprimes, des délocalisations, des vieux pick-ups rouillés, des latinos sans papiers qui bossent dans des ranchs, des divorces, des coups de sang... ce n'est pas l'Amérique qui gagne de Donald Trump... Et l'auteur nous présente des portraits. Des tronches, des caractères trempés à la Bud, chemises à carreaux et bottes usées.

On peut faire la fine bouche, et dire "toutes les nouvelles ne sont pas de la même qualité"... Je me marre. Même chez Maupassant, Mérimée, Carver, Oates, Ishiguro... toutes les nouvelles ne sont jamais de la même qualité. Ce qui compte c'est qu'elles fassent mouche. C'est qu'elles atteignent le coeur de la cible... et ça, c'est fait.

Onze nouvelles pleines d'espoir, surtout. C'est ce que je retiendrai. Au-delà des douleurs, des drames, des ruptures, il n'y a pas d'apitoiement, pas d'abandon. On est le plus souvent face à des gens qui ont perdu tout ou presque et qui luttent...

1. « Lâchons les chiens ». Une rencontre improbable entre deux laissés pour compte de la société américaine. Chacun essaie de s'en sortir, vaille que vaille... Mais ils semblent trouver dans leur rencontre une motivation pour aller de l'avant... mais jusqu'où? La chute est lourde de sens. Une vraie merveille.

2. « Raid nocturne ». Un père qui rend visite à son fils... mais façon Udall, donc la nuit avec une chèvre vivante dans les mains...

3. « Buckeye le Mormon ». Un portrait au vitriol de la société WASP. Une boule au ventre, une tranche de vie.

4. « La ballade du boulet et de la chaîne ». Une claque dans la figure... La lente descente aux enfers d'un type qui s'enchaîne (?!) à sa culpabilité... au point de voir partir sa femme, et de la comprendre. Pourtant elle n'attendait qu'un signe...

5. « Basket à la casse ». Udal revisite le mythe américain du basket.

6. « le contraire de la solitude ». La version de Udall d'une histoire d'amour... entre esprits fêlés, moteur cassé et coeur en berne... Une de mes favorites.

7. « La perruque. Deux pages, tout est dit. Là, si votre coeur n'explose pas, je n'y comprends plus rien. Et pourtant, l'écriture montre la force du père.

8. « Vernon ». Une balade dans un état auquel Udall fait une pub incroyable...

9. « le serpent ». Tout le génie d'Udall, utiliser un serpent , le mettre au centre de l'histoire pour mieux mettre en valeur les personnages qui gravitent autour.

10. « La beauté ». Un road trip à la Udall, une amitié qui se noue. Les liens forts doivent se rompre, car c'est ton destin (diraient les Inconnus).

11. « Il se saoûle profondément et fameusement ». Aaaah... comme j'ai angoissé en dévorant la nouvelle... "pourvu que..." me disais-je à chaque page. Udall nous dépeint un désir de vengeance et l'instant où tout peut basculer... très fort. Puissant. Poignant.

Ce qui est incroyable avec Brady Udall, c'est que le type que l'on croise à la station-service dans une nouvelle, cela peut être celui qui va pêcher dans la nouvelle suivante, ou qui se tire de chez lui deux nouvelles plus loin. Bien sûr, Udall ne le dit pas. Les personnages, les lieux, les moments s'entrecroisent au fil de ses récits.

Udall nous fait rêver. Il donne à voir, il donne à penser, il lance des arabesques dans le ciel et la magie opère. Un grand auteur.
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Séduite par le destin miraculeux d'Edgar Mint il y a quelques années, j'avais envie de découvrir ce recueil de nouvelles qui avait lancé la carrière de Brady Udall, jeune romancier américain né en 71 en Arizona. J'étais encore plus tentée après ma visite de l'ouest américain et notamment de l'Utah et de l'Arizona où l'auteur situe les onze nouvelles qui composent Lâchons les chiens.

J'ai toujours beaucoup de difficultés à critiquer des nouvelles. Que faut-il faire ? Toutes les résumer ? Donner un avis global ? Je vais plutôt pencher pour cette dernière option. Dans chaque histoire, Brady Udall met en scène un homme, un jeune homme ou même un petit garçon qui ont des vies banales dans ces petits bleds paumés de l'Amérique profonde, ceux que les caméras d'Hollywood oublient souvent de nous montrer. Pas de misérabilisme ici, mais la vie tout simplement, avec des hauts et des bas. Chacun va vivre des moments particuliers, difficiles mais la vie continue.

Le talent de Brady Udall est de réussir à cerner ses personnages, à magnifiquement évoquer leurs sentiments et de les faire vivre sous une plume humble et délicate. Pas de pathos mais des êtres écorchés, réels et vivants. En quelques pages, ils prennent de l'épaisseur et leur situation prend sens au travers des paysages de l'Utah et de l'Arizona. Brady Udall ne juge pas, il décrit. Il ne faut pas s'attendre à des nouvelles à chute et pourtant, l'histoire se termine sans frustration, avec logique, comme elle devait se terminer. Je reste sous le charme de cet auteur même si toutes les nouvelles ne sont pas d'égale qualité, comme dans tout recueil.

J'attends avec impatience que le polygame solitaire paraisse en poche.
Lien : http://www.chaplum.com/lacho..
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Une dizaine de nouvelles où l'on nous donne un aperçu des déboires que peut nous réserver cette chienne de vie. Les personnages, pour la plupart pathétiques et touchants, en rament un coup. En même temps, il y a un côté très caricatural qui rend ce chemin de croix souvent drôle et amusant. Des histoires et des idées vraiment imprévues et originales. Ce recueil a une belle unité, on s'imprègne aussi de l'atmosphère de ce coin des États-unis (Utah, Arizona et environs). Je pense que je retiendrai surtout ''La ballade de la chaîne et du boulet'', où un homme perd un peu la boule (beaucoup même) à la suite du décès tragique de son meilleur ami.

Très bon moment de lecture !
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"Lâchons les chiens", premier livre de Brady Udall ; ce recueil de 11 nouvelles, dont les titres sont assez éloquents : Lâchons les chiens - Raid nocturne - Buckeye le Mormon - La ballade du boulet et de la chaîne - Basket à la casse - le contraire de la solitude - La perruque - Vernon - le serpent - La beauté - Il se soûle profondément et fameusement - se grapille au hasard de l'envie du jour...
Des histoires courtes et réalistes, pleine d'humanité, de tendresse rude, et de l'odeur du désert et des grands espaces de l'Amérique profonde, avec ce petit arrière-goût de rêve désillusionné....
Brady Udall est un grand auteur américain, il est l'observateur de cette Amérique que le cinéma ne montre pas, parce que ce n'est pas assez spectaculaire... Une Amérique vraie, vivante, cruelle, drôle, pathétique, humaine, quoi.
Ses romans suivants, l'excellentissime "Le destin miraculeux d'Edgar Mint", et l'étrange et déstabilisant "Le Polygame solitaire", sont superbes. Une écriture simple, concise, précise et étrangement poétique, et des sujets qui n'appartiennent qu'à lui. Brady Udall est un grand.
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Les nouvelles sont à mon avis de qualité inégales. Si j'ai aimé la nouvelle qui donne son titre au recueil et la seconde Raid nocturne, je n'ai pas trouvé beaucoup d'intérêt à Buckeye le mormon et à La ballade du boulet et de la chaîne. Quant à Basket à la casse, je n'y n'y ai rien compris.
D'une manière générale, je trouve les gens excessifs et pas très sympas (p 128).
Les personnages de le contraire de la solitude, sont assez attachants. Et Venon m'a assez plu.

C‘est peut-être qu'après plusieurs mois avec des douleurs très intenses et un moral au plus bas, j'ai du mal à m'intéresser aux livres sauf s'ils sont passionnants comme ceux de Maria Duenas. J'en ai abandonné plusieurs.

p. 160 ”Et, comme deux personnes trop proches l'une de l'autre, trop dépendantes l'une de l'autre, ils ne cessent de se chamailler puis de se raccommoder”. C'est exactement ce que je vis avec mon fils.
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Ce n'est pas tant sur le fond mais plutôt sur la forme que se porte mon coup de coeur, et plus précisément pour la plume de Brady Udall que j'ai trouvée franchement addictive. L'auteur arrive à nous transporter en peu de pages au sein d'univers complets et aboutis, et nous dépeint une galerie de personnages tous autant paumés les uns que les autres, abîmés, torturés voire marginaux mais toujours authentiques et crédibles.
Malgré le fait que ces courtes histoires ne connaissent aucune chute tranchée et se bornent à des fins évasives, j'étais avide de chaque ligne. Alors certes, je suis restée sur ma faim (mais je le sais par avance lorsque je me plonge dans un recueil), pour autant je suis persuadée qu'il s'agit là du premier ouvrage à lire afin de découvrir cet écrivain, sa plume et son univers. C'est incisif et terriblement efficace. Et il va sans dire que c'est avec plaisir que je retrouverai Brady Udall chaque année dans le cadre du Challenge ABC.

Challenge ABC 2019/2020
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