La vie d'un tel peintre épris de son modèle jusqu'à en prodiguer sans discontinuité tous les traits, expressions, caractères, faces, profils et physionomies variées par l'enveloppante lumière des lagunes, ne pouvait devenir, en conséquence, que prodigieusement féconde. Le nombre de ses portraits scénographiques de la Sérénessime ville des Doges fut si considérable qu'il n'est guère aujourd'hui de galeries de la vieille Europe ou de musées du Nouveau Monde qui n'en soient pourvus.
De toutes les cités du monde, Venise apparaît être celle qui ait exercé la plus impérieuse séduction aussi bien sur ses fils amoureux de leur mère, que sur ses visiteurs étrangers. Ses portraitistes se multiplièrent au cours de son histoire. Il n'yen eut point de plus zélés, de plus attentifs, de mieux doués que Le Canaletto et son neveu Bellotto, qui reproduisirent en de multiples tableaux ses visages, aspects et perspectives. La difficulté d'une étude complète sur ces deux petits maîtres vénitiens est apparente dans cet écrit plutôt essentiellement biographique, aucun développement critique n'y pouvant trouver place.
Longtemps, il ne fut question que d'un Canaletto. Il n'yen eut qu'un seul en réalité, Antonio da Canal, qui signa ou écrivit son nom de plusieurs façons:
Canal, da Canal, Canale, Canaleto ou Canalettoet Canaletti. Personne, il y a deux siècles, n'y trouvait à redire. L'orthographe des noms propres ou des surnoms était inexistante et n'offrait aucune régularité.
"La fin des livres" d'Octave Uzanne