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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Qu'il y ait constamment des arbres à aimer sur ma petite colline ! Les mots sont aussi des fûts, aux racines latines, grecques ou autres, ils sont des fermoirs d'or des coffrets, des médaillons, des clavecins et des sentiments. La clé universelle des amours se dissimule dans la tête. Ces derniers ne sont jamais achevés, mais sont continuellement créés.
On les enfante ! »

*
Ecrire un poème musical à un bigorneau, ce petit gastéropode commun qui colonise les bords de mer.
Jouer avec les sonorités des mots, les vagues de pensées d'un escargot marin recroquevillé dans la coquille noire de ses états d'âme, le déferlement qui battent le rivage mis à nu.
C'est avec cette idée originale que Maryna Uzun nous invite à entrer dans son univers où les accords du piano, comme d'autres, le bruit de l'océan, calment les vagues constantes de nos tempêtes intérieures.

*
A nouveau,
à l'heure où les songes se fondent avec la nuit,
ma petite fée primesautière et gaie
est venue à moi
dans ses habits de soie.

Mutine et taquine,
avec son jupon de mousseline,
la jolie magicienne des mots et des maux,
a replié ses ailes
et s'est posée
près de mon oreiller.
Pas un bruit.

Au ciel encordée,
elle s'est penchée
sur mes rêves inavoués
et comme une caresse sur ma tristesse,
plus légère qu'une plume,
doucement, elle s'est glissée
et a semé sur mes larmes
des germes de désir
des graines de plaisirs
des envies de chérir.

L'amour est une valse,
un pas de danse
peau contre peau
à fleur de peau
Nocturne au piano.

Dans son sillage,
page après page,
je me suis faufilée
dans ses failles, ses batailles.
J'ai voyagé
entre ciel et mer,
entre fiel et revers.

A tire d'ailes
voguant, volant,
bercée par nos rêves à l'unisson,
au rythme de nos passions et de nos circonvolutions,
ses yeux espiègles et gourmands
m'ont confié son imagination piégée,
son ambition cadenassée,
ses affections encellulées,
son coeur estropié,
son besoin de liberté,
ses vers enchaînés,
par une vie trop conformiste qui l'attriste
par l'amour sans atours.
Les mots se tordent,
les gestes se dévident de leurs illusions,
les pensées de leurs certitudes.
Il ne reste plus que rancoeur et douleur.

« L'amour toujours à la lisière entre le rêve et le brasier, entre l'exil et le verset… »

En un tour de passe-passe
les sentiments se désaimantent.
Tel un mirage dont on est otage,
les désirs s'esquivent et se languissent
emportés par le silence,
déchirés, bousculés,
tourmentés, écartelés.

Mettre l'amour en cage,
L'enchaîner, l'emmurer,
le condamner, le censurer,
s'oublier, capituler ?
s'enfermer, s'enferrer ?

Ses doigts de fée glissent
sur les touches noires et blanches.
Le bonheur en jachère,
l'amour amer,
la vie les amarre avec voracité.
Dans une ivresse amoureuse
le piano égrène sa mélodie
éveille les sens
sécrète une harmonieuse volupté.

« Les Pas du piano me hantent partout. Les embruns qui voltigent, pourchassés par la brise, se figent sur mes lèvres en un baiser astringent. Ce contact, c'est la mer qui m'envoie ses aveux. Ce n'est pas de rigueur qu'un amour soit verbeux. »

*
Maryna Uzun détourne les mots de leur sens commun, les combine de manière inattendue pour inventer ses propres images, créer sa propre palette d'images, de nuances, de sensations, de couleurs et de senteurs.

Sa poésie est l'ancre jetée à la mer, son espace de liberté et de désirs.


« Une nuit oasis, dans le désert des opacités plombées, où mes divagations ont amené nos corps au sommet. Ils s'encastraient d'abord flâneusement puis de plus en plus hardiment jusqu'à ce que la mer rejetât sur le rivage nos horripilations muettes. »

Sa poésie est fragile et espiègle, rebelle et sensuelle, impétueuse et fougueuse, romantique mais jamais mutique.
Sa poésie, impudique et audacieuse, est comme un battement d'aile ou de coeur qui oscille entre volupté gourmande, légèreté insouciante, sensualité et fêlures.

« Je devrais loger près de l'océan pour que tu reflues vers moi plus souvent ! »

Les vers se font joueurs et frondeurs,
un brin railleur.
Sur les pages des cahiers,
les mots déambulent libres et tendres,
avides de sens,
avides de vie,
avides de frénésie et de folie.
Ils s'enroulent et s'emportent,
Et comme des lames de fond,
ils balaient de leur puissance irrésistible
les apparences
les jacasseries, les pudibonderies, les hypocrisies.

Tels des funambules sur un fil,
ils s'accordent, s'encordent,
se raccordent, ou se désaccordent
au gré de ses amours et de ses fantasmes,
des espoirs et des doutes
des déceptions et des défaites.
Fantasques et débridés,
ils sautillent, pétillent, s'entortillent
en une gamme chromatique de couleurs,
d'images, de sonorités,
de saveurs douces et amères.

Au fil des pages,
ils deviennent saltimbanques,
jongleurs et bonimenteurs,
ils se font espiègles et passionnés,
prennent la tangente ou des libertés,
voyagent au gré des rêves et des pensées.
Ils se désancrent et jettent leurs amarres
au cours de leur voyage, de leur dévergondage, de libertinage, de leur mirage, de leur naufrage.

« Il n'y a pas de grande passion qui ne soit payée de sang ou de larmes. Mon coeur gonflé d'ardeur, j'ai choisi de vivre de mes gouttes alertes plutôt que de mourir d'un rire mou. »

*
Une fois de plus, j'ai aimé la force généreuse et vitale du texte de Maryna Uzun. La retenue et la pudeur se dévêtissent et se cisèlent en petits éclats acérés et mordants, se sertissent de jolies images primesautières et vraies. L'intime y rencontre l'imaginaire dans un texte troublant et poétique qui déploie ses bras introspectifs et mélancoliques.
A découvrir.

« Je m'appliquerai au jour le jour, m'équilibrerai en écrivant le contraire de ce que j'en-dure, je m'aiderai de ma longue perche de poète ! de toute façon, je m'engage à ne plus reculer au lendemain notre beauté de vivre ! Puisqu'il a prononcé cette phrase : « Tu me fuis, tu as trop d'occupations, et la vie détale ! … Je t'aime ! » »

*** ***
Un très grand merci Maryna Uzun pour ce beau cadeau, c'est toujours un plaisir de voyager sur des sentiers balisés.
*** ***
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Merci Tarina !
Voilà bientôt deux mois que les premiers moments de ma journée te sont consacrés, je les passe en ta compagnie.
Rien ne doit alors me déranger, je dois me détacher de tout, je ne tolère qu'un accompagnement musical (et ce, selon tes suggestions : Chopin, Bach, Debussy, Grieg,…).
T'écouter exige de moi un abandon, les premiers soubresauts du jour me font te quitter.
Durant ces deux mois, Je t'ai suivie, j'ai vécu tes émois, j'ai été touché par ta belle sensualité, par les sentiments, troubles et désirs que t'ont inspiré Hap, par ton attendrissement devant Nemorino, par tes relations envers ta mère, par tes observations et descriptions.

Une empathie totale : au fil des pages, tu m'as insufflé le désir de te découvrir, je me suis senti proche de toi. J'ai aimé ton hymne à la vie.

Tarina, remercie de ma part Maryna Uzun, sa belle plume, son sens poétique de m'avoir permis de te connaître !
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On imagine la narratrice jouant sur son clavier une oeuvre dont les variations lui évoquent tour à tour son enfance, fille unique couvée par une mère castatrice, un mari, Casimir, un peu macho, son fils adoré, Némorino, avec qui elle partage la passion du basket, et, thème récurrent, comme un refrain, le souvenir d'Hap, son maître de musique, un amour désappointé en bord de Seine, mais n'est-ce pas l'aspect embryonnaire, fugace, inabouti qui rend inoubliable un tel amour?

Magnifique écriture de Maryna Uzun (que je remercie pour l'envoi de son livre), délire poétisé dans lequel mon esprit trop pauvre et pas suffisamment cultivé peinait parfois à y mettre du contenu.
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AU PIANO BIGORNEAU, roman, Maryna Uzun, Livre Actualité 2022****
Début 2023, en janvier, mois à deux visages, deux regards, vers le passé et l'avenir en embrassant le présent.
Une première page, photo en NB, le blanc flou, un peu ému, monte les marches et s'imagine que le tapis est rouge.
Amour en solfège chanté et joué, imaginé comme souvenir ou une mémoire à revenir sur la charmille de charme, comme un cygne blanc dessinant un échiquier sur la surface de l'eau.
Une fois sortie de son appartement le monde en NB prend les couleurs des mots qui s'appellent et se répondent en écho, cherchent leurs contraires et en font leur compagnons insoupçonnés en y ajoutant un « vin de syllabes » et du « miel de virgules » contre la grisaille, pour éloigner l'acidité. D'autres cherchent un bon grog de janvier « quatre pétales de « v » pour ailer ton coeur, et sept pincées de « i » pour un sourire ample… » p.10 de clown ou de petite souris.
Paris, fermé par un vilain virus, s'ouvre en loukoum pour une échappée de quelques 200 pages, et l'accueille elle une plume, lui Némorino son faon qui s'en va et revient sans crier gare, et Hap de loin et de très près, et d'autres encore, plus près qu'on ne peut soupçonner.
C'est un « alpage fabuleux » avec son herbe juteuse, il porte en lui une imagination sans haie ni portillon, follement amoureuse d'une couture arlequin aux losanges en tissu ou petites pierres, qui cache quelque chose, comme une goutte nostalgique de ce qui fut un désir, de ce qui est passion et envol le temps d'une précieuse rencontre, une fin sans fin , un après, une note égarée, un oiseau qui s'envole et puis revient son coeur à 1000 battements par seconde.
Piano bigorneau, spirale s'enroulant sur elle-même, petit coquillage vêtu d'algues qu'il emporte dans son glissando, tissées de notes et de nocturnes, de poèmes en tourbillon remplis de questions, points d'exclamation et de suspension...
Maryna, tu sculptes les mots en baisers espiègles, jongleurs, équilibristes, leur donnes les couleurs de tes rêves et les fais valser avec abandon, puis, encore gourmande de quelques jongleries improvisées tu les attires dans un « complot galant » p.19 de métamorphoses, préfixes, suffixes et métaphores. Une vraie « choucroute entremetteuse »!p.19
« Fantaisie folle, anime-moi, mes variations sur la même affre ! La Tour Eiffel changera de pattes d'eph, déchiffrera mon feuilleton, le plus quotidiennement possible, contre champagne et réveillons ! » p.20
Un livre fouilles autant qu'un livre citations et hommage en leitmotiv à la Tour Eiffel, que je connais aussi, différemment.
Et des personnages, très proches portent une mantille de fiction, de souvenirs passionnés, amers ou citron, pâtes que tu souhaites de la même trempe que toi et te désoles que ce soit autrement. Et les mots s'accumulent en enfilant la toque du juge, mais une fois l'acide épuisé je crois entrevoir des éclaircis et le joli sourire du bigorneau.
Traverser les pages, les faire tourner par une envie non apaisée, oublier de suivre ou de comprendre une ligne narrative et déguster à chaque instant les nouveaux chemins que les mots empruntent en toute liberté, l'inattendu sur un tapis volant où le rêve embrasse le brouillard et le grand sourire cajole la peine, les dangers, la menace réelle ou inventée en les laissant sur le dos d'une dame dépitée qu'un ami appelle Oclès.
« Piano sans amour dans les doigts, cela ne peut pas fonctionner » p.45, piano bigorneau, tu es vie appel et souffle, marrée d'envies, flux d'histoires qui se répètent, jamais les mêmes, jamais à personne, vagabondes, uniques, instants éphémères vécus comme éternités, les identifier ? À quoi bon ? Suis pas étonnée que tu fus une bonne élève !
Oiseau aux plumes argentées ornées de quelques gouttes, perles pêchées dans les profondeurs, ornements et fardeau, tu t'élances en flèche, plonges en apnée, danses en cercles de toupie, grimpes par deux les marches du colimaçon, prends le vertige pour compagnon, vis revis et te nourris des choses de la vie qui reviennent « en boucle » p.69 comme un bigorneau.
De temps à autre, une page photo arrive comme pour changer le tempo, elle parle doucement d'une famille de galets aux couleurs du soleil et de l'eau. Une respiration nouvelle prend place et demeure laissant tout le plaisir d'une autre respiration, celle du regard, juste de lui.
Depuis que je lis ta plume, depuis que je parle avec toi, je pense de plus en plus à un lien que tu pourrais avoir avec quelques créateurs, tous colonisés par un feu, une impatience, une force fragile qui peuvent faire beaucoup de bien, du mal aussi des fois… Ils vivent le pire et le meilleur, se tiraillent, s'écartèlent, se consument et se remplissent de joie. Chacune de tes notes, chacun de tes mots sont recherchés, fouillés, déshabillés, écorchés à vif, transformés, et de ce traitement abusif le mot et la note ressortent plus forts, grâce à leur fragilité !
« Poire succulente » ou « hétère raffiné » ? Je dirais ni l'un ni l'autre mais les deux à la fois dans une alchimie heureuse de piano bigorneau !

« l'artiste ne sort jamais de lui-même »,dit Baudelaire, p.126, et moi d'ajouter mon point d' ?, mais bien sûr que si, et c'est mon humble avis. L'artiste regarde le monde, en est impressionné, s'en imprègne, nous le fait voir autrement, peut transformer la boue en beauté, « se tirer vers le beau au prix des orages » p.127, nous aide à nous émerveiller, à trouver une petite lumière dans notre nuit profonde, on en a tellement besoin.
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