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Citations sur Regards sur le monde actuel et autres essais (58)

Le fait fondamental pour la formation de la France a donc été la présence et le mélange sur son territoire d’une quantité remarquable d’éléments ethniques différents. Toutes les nations d’Europe sont composées, et il n’y a peut-être aucune d’elles dans laquelle une seule langue soit parlée. Mais il n’en est, je crois, aucune dont la formule ethnique et linguistique soit aussi riche que celle de la France. Celle-ci a trouvé son individualité singulière dans le phénomène complexe des échanges internes, des alliances individuelles qui se sont produits en elle entre tant de sangs et de complexions différents. Les combinaisons de tant de facteurs indépendants, le dosage de tant d’hérédités expliquent dans les actes et les sentiments des Français bien des contradictions et cette remarquable valeur moyenne des individus. A cause des sangs très disparates qu’elle a reçus, et dont elle a composé, en quelques siècles, une personnalité européenne si nette et si complexe, productrice d’une culture et d’un esprit caractéristiques, la nation française fait songer à un arbre greffé plusieurs fois, de qui la qualité et la saveur de ses fruits résultent d’une heureux alliance de sucs et de sèves très divers concourant à une même et indivisible existence.
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L’avenir est comme le reste : il n’est plus ce qu’il était. J’entends par là que nous ne savons plus penser à lui avec quelque confiance dans nos inductions. Nous avons perdu nos moyens traditionnels d’y penser et de prévoir : c’est le pathétique de notre état.
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Je sentais puissamment, entre tous ces passants, que passer était notre affaire ; que tous ces êtres et moi-même ne repasserions jamais plus. J’éprouvais avec un amer et bizarre plaisir la simplicité de notre condition statistique. La quantité des individus absorbait toute ma singularité et je me devenais indistinct et indiscernable. C’est bien là ce que nous pouvons penser de plus vrai au sujet de nous-mêmes.
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Un livre assez hétérogène, tantôt limpide, tantôt abrupt, tantôt analytique, tantôt descriptif. Il consiste en une compilation plus ou moins ordonnée d’écrits, soit spontanés, soit sollicités (préfaces, articles) de l’auteur mêlant intrinsèquement politique et philosophie dans son appréciation des forces à l’œuvre en Occident, et plus particulièrement en France, en cette veille de Seconde Guerre mondiale.

L’auteur se montre plus ou moins visionnaire selon les chapitres. S’il est en effet assez troublant de le voir redouter dès cette époque l’équivalent de la fameuse et non moins fâcheuse « cancel culture », on lit avec une certaine ironie l’espoir de voir la jeune nation américaine devenir le sanctuaire de la culture européenne, abandonnée peu à peu par son espace d’épanouissement historique. Les textes sont travaillés par cette aspiration profonde de caractériser concrètement, au-delà de l’emphase patriotique, les concepts qui fondent notre identité : la nation, la France, l’Europe, etc… Ils témoignent d’un doute existentiel qui, contrairement à ce que l’on croit, n’est pas une angoisse récente liée à la mondialisation mais une blessure gravissime reçue par notre civilisation durant la Grande Guerre, qui n’est pas encore guérie et ne le sera peut-être jamais si elle continue à être mal traitée. Valéry, parmi d’autres, contribue très tôt à cette tentative de convalescence en tâchant d’exprimer ce qui fait à la fois notre unité d’Européens et notre spécificité de Français, dans un contexte pour le moins tendu puisque les sous-entendus de beaucoup de textes, lourds d’ambiguïté inquiète, prennent avec leur datation finale, frôlant par endroits l’année 1939, un caractère prémonitoire. Le chapitre « Images de la France », assez court, m’a particulièrement marqué : il défend l’idée d’un caractère proprement français largement déterminé par les caractéristiques géographiques de notre territoire.

Les thématiques sont assez diverses, les chapitres se classent globalement entre les dominantes géopolitiques (Europe, Chine, Amérique), culturelles (littérature, art, langue) et politiques (esprit des lois, des partis). Tout n’est pas passionnant, loin de là, quoique l’écriture impeccable et précise de l’auteur, même s’il peut arriver qu’il s’aventure dans un jargon philosophique pénible, en atténue heureusement l’effet, en mobilisant par exemple des images poétiques, justes mais étonnantes dans ce contexte, et en faisant appel à l’imagination du lecteur. Cela étant, l’auteur rechigne un peu à proposer des exemples concrets et développés, puisés dans l’histoire ou dans la littérature, de ce qu’il avance, ce qui complexifie la compréhension des idées et laisse souvent le propos dans une abstraction peu praticable. Un long chapitre est consacré à l’importance de la notion d’« esprit », où l'on a un peu de mal à s'y retrouver ; les derniers chapitres rendent compte d’expositions ou de projets de centres universitaires dont l’intérêt est désormais extrêmement relatif. Plutôt qu’à une lecture « normale », c’est-à-dire chronologique et exhaustive, c’est donc plutôt à une lecture thématique, aiguillée par des titres de textes assez explicites sur leur contenu, que l’œuvre semble se prêter.
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Notre homme est perdu pour le livre. Ceci est fatal et nous n'y pouvons rien.
Tout ceci a pour conséquence une diminution réelle de la culture; et, en second lieu, une diminution réelle de la véritable liberté de l'esprit, car cette liberté exige au contraire un détachement, un refus de toutes ces sensations incohérentes ou violentes que nous recevons de la vie moderne, à chaque instant.
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Notre particularité (et, parfois, notre ridicule mais souvent notre plus beau titre), c'est de nous croire et de nous sentir universels - je veux dire: hommes d'univers.
Observez le paradoxe: avoir pour particularité le sens de l'universel.
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Nôtre est ce qui nous vient d’une certaine manière qu’il suffirait de savoir reproduire, ou emprunter, ou solliciter par quelque artifice, pour nous donner le change sur nous-mêmes et nous insinuer des sentiments, des pensées et des volontés indiscernables des nôtres ; qui seraient, par leur mode d’introduction, du même ordre d’intimité, de la même spontanéité, du même naturel et personnel irréfutables que nos affections normales et qui seraient toutefois d’origine toute étrangère. Comme le chronomètre placé dans un champ magnétique, ou soumis à un déplacement rapide, change d’allure sans que l’observateur qui ne voit que lui s’en puisse aviser, ainsi des troubles et des modifications quelconques pourraient être infligées à la conscience la plus consciente par des interventions à distance impossibles à déceler.
Ce serait là faire en quelque sorte la synthèse de la possession.
La musique parfois donne une idée grossière, un modèle primitif de cette manœuvre des systèmes nerveux. […]
Notre vie en tant qu’elle dépend de ce qui vient à l’esprit, qui semble venir de l’esprit et s’imposer à elle après s’être imposée à lui, n’est-elle pas commandée par une quantité énorme et désordonnée de conventions dont la plupart sont implicites ?
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La politique fut d'abord l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde.
A une époque suivante, on y adjoignit l'art de contraindre les gens à décider sur ce qu'ils n'entendent pas.
Ce dernier principe se combine avec le premier.
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Des partis

Ce sur quoi nul parti ne s'explique.
Chacun a ses ombres particulières — ses réserves —
Ses caves de cadavres et de songes inavouables —
Ses trésors de choses irréfléchies et d'étourderies.
Ce qu'il a oublié dans ses vues, et ce qu'il veut faire oublier.

...Ils retirent pour subsister ce qu'ils promettaient pour exister.
Ils se valent au pouvoir ; ils se valent hors du pouvoir.
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Il ne suffira plus de réunir le désir et la puissance pour s'engager dans une entreprise. Rien n'a été plus ruiné par la dernière guerre que la prétention de prévoir. Mais les connaissances historiques ne manquaient point, il me semble ?
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