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Citations sur Regards sur le monde actuel et autres essais (58)

Mais fortunés ou non, l'allure générale des choses humaines ne leur permet rien de riant. Partout, la rigueur des économies dirigées les menace. Le mécanisme devient beaucoup trop précis pour eux; et, d'autre part, la rude main des pouvoirs, si elle daigne, ça et là, ne pas broyer dans l'oeuf à l'état naissant, ne laisse éclore que des oeuvres qui chantent, ou proclament ou démontrent que tout va mieux dans le meilleur des régimes possibles
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Il y a de l’artiste dans le dictateur, et de l’esthétique dans ses conceptions. Il faut donc qu’il façonne et travaille son matériel humain, et le rende disponible pour ses desseins.
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Mais toute politique tend à traiter les hommes comme des choses – puisqu’il s’agit toujours de disposer d’eux conformément à des idées suffisamment abstraites pour qu’elles puissent, d’une part, être traduites en actions, ce qui exige une extrême simplification de formules ; d’autre part, s’appliquer à une diversité indéterminée d’individus inconnus. Le politique se représente ces unités comme des éléments arithmétiques puisqu’il se propose d’en disposer. Même l’intention sincère de laisser à ces individus le plus de liberté possible, et de leur offrir à chacun quelque part du pouvoir, conduit à leur imposer, en quelque manière, ces avantages, dont il arrive, parfois, qu’ils ne veulent guère, et parfois qu’ils pâtissent indirectement. On a vu des peuples se plaindre d’avoir été libérés.
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Arrête! Arrête-toi! Vainqueur, sur ce moment si haut de la victoire. Prends un temps de silence et te demande ce qu'il te faut penser sur ce sommet, ce qu'il te faut penser qui ne soit pas sans conséquence.
C'est un voeu, un serment, un acte sans retour, un monument de l'âme, et comme une prière solennelle, que tu dois, sur les morts et sur les vivants, prononcer et instituer, afin que ce moment silencieux si beau ne périsse pas comme un autre.
Déclare en toi et grave dans ton coeur: que le jour ne luise jamais où le souvenir de ce jour de victoire puisse apporter une amertume et un retour funeste vers la présente joie; que jamais revivant ce qui est aujourd'hui ne te vienne à l'esprit cette lourde parole: à quoi bon?
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Qu’il nous suffise, sur la sphère, de tracer un polygone curviligne que bornent les 20e et 55e degrés de longitude Est, et les 40e et 20e degrés de latitude Nord. Cette opération nous détache un assez bel ORIENT. Je sais bien que le développement des affaires de ce temps a fait définir un ORIENT bien plus vaste, à trois degrés : un Proche, un Moyen et un Extrême. Mais pourquoi désormais s’arrêter au Japon ? Il y a de l’absurde dans l’expression : Extrême-Orient. Le relatif n’a pas d’extrême. Je m’en tiens donc à mon polygone sphérique, et j’en admire les étonnantes propriétés.

Toute la science, presque tout l’art du monde ; les voluptés les plus délicates ; les connaissances les plus abstraites, sont comme la production naturelle de ce canton du globe, comme la vigne et le blé, la rose et le jasmin, comme le térébinthe et les arbustes qui distillent les gommes, et la myrrhe et de l’encens. Ici germèrent les croyances les plus puissamment organisées, les philosophies les mieux raisonnées. L’idolâtrie y créa des monstres de magnificence et de beauté ; la rigueur, des chefs-d’œuvre de pureté solide. Quantité de villes insignes y florirent, de Ninive à Venise et d’Athènes à Ispahan...
(…)
Mais au travers de cette riche divagation créatrice, et parmi tant de variétés aberrantes, parurent deux familles privilégiées : la logique et la lucidité de leurs productions les distinguent. Je pense à l’art grec et à celui des Arabes. Ces derniers portent à l’excès du délire limpide la construction des figures par opérations accumulées, dont ils avaient reçu les principes de l’école hellénique de géométrie. L’imagination déductive la plus déliée, accordant merveilleusement la rigueur mathématique à celle des préceptes de l’Islam, qui proscrivent religieusement la recherche de la ressemblance des êtres dans l’ordre plastique, invente l’Arabesque. J’aime cette défense. Elle élimine de l’art l’idolâtrie, le trompe-l’œil, l’anecdote, la crédulité, la simulation de la nature et de la vie — tout ce qui n’est pas pur, qui n’est point l’acte générateur, développant ses ressources intrinsèques, se découvrant ses limites propres, visant à édifier un système de formes uniquement déduit de la nécessité et de la liberté réelles des fonctions qu’il met en œuvre. Dans la musique, l’harmonie imitative n’est-elle pas tenue pour un artifice secondaire et grossier ? Imiter, décrire, représenter l’homme ou les autres choses, ce n’est pas imiter la nature dans son opération : c’est en imiter les produits, ce qui est fort différent. Si l’on veut se faire semblable à ce qui produit (Natura : productrice), il faut, au contraire, exploiter l’entier domaine de notre sensibilité et de notre action, poursuivre les combinaisons de leurs éléments, dont les objets et les êtres donnés ne sont que des singularités, des cas très particuliers, qui s’opposent à l’ensemble de tout ce que nous pourrions voir et concevoir.

L’Artiste de l’Arabesque, placé devant le vide du mur ou la nudité du panneau, sommé de créer, empêché de recourir au souvenir des choses, couvre cet espace libre, ce désert, d’une végétation formelle qui ne ressemble à rien, qui s’implante par quelques points, et s’assujettit à quelques nombres ; qui se féconde elle-même par actes d’intersections et de projections, et qui peut indéfiniment proliférer, se différencier, se rejoindre à elle-même. Notre artiste est la source unique. Il ne peut compter sur aucune image préexistante dans l’esprit des autres. Il ne peut songer à rappeler quoi que ce soit : il lui incombe au contraire, d’APPELER QUELQUE CHOSE...

Je l’envie...
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Supposé que l’immense transformation que nous vivons et qui nous meut, se développe encore, achève d’altérer ce qui subsiste des coutumes, articule tout autrement les besoins et les moyens de la vie, bientôt l’ère toute nouvelle enfantera des hommes qui ne tiendront plus au passé par aucune habitude de l’esprit. L’histoire leur offrira des récits étranges, presque incompréhensibles ; car rien dans leur époque n’aura eu d’exemple dans le passé ; ni rien du passé ne survivra dans leur présent. Tout ce qui n’est pas purement physiologique dans l’homme aura changé, puisque nos ambitions, notre politique, nos guerres, nos mœurs, nos arts, sont à présent soumis à un régime de substitutions très rapides ; ils dépendent de plus en plus étroitement des sciences positives, et donc, de moins en moins, de ce qui fut. Le fait nouveau tend à prendre toute l’importance que la tradition et le fait historique possédaient jusqu’ici.
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– Mais d’où peut donc venir cette idée que l’homme est libre ; ou bien l’autre, qu’il ne l’est pas ?
Je ne sais si c’est la philosophie qui a commencé ou bien la police. Après tout, il s’agit ou d’innocenter entièrement les actes de l’homme, quels qu’ils soient, et de l’assimiler à un mécanisme ; ou bien de le rendre, comme on dit, responsable, c’est-à-dire de lui conférer la dignité de cause première : on y a employé la logique, le sentiment, toutes les sciences de la nature, et l’on a dépensé d’immenses ressources de savoir, d’ingéniosité, d’éloquence, à poursuivre l’une ou l’autre démonstration. Observez que ce grand procès, s’il a la moindre conséquence, et s’il vaut d’avoir été engagé, n’intéresse pas seulement le moraliste ou le métaphysicien : tout l’orgueil de l’artiste, toute la vanité connue des poètes est en jeu. Une œuvre est un acte.
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[sur les partis politiques]

Ils retirent pour subsister ce qu’ils promettaient pour exister.
[…]
Toute politique se fonde sur l’indifférence de la plupart des intéressés, sans laquelle il n’y a point de politique possible.
La politique fut d’abord l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde.
A une époque suivante, on y adjoignit l’art de contraindre les gens à décider sur ce qu’ils n’entendent pas.
[…]
On ne peut faire de politique sans se prononcer sur des questions que nul homme sensé ne peut dire qu’il connaisse. Il faut être infiniment sot ou infiniment ignorant pour oser avoir un avis sur la plupart des problèmes que la politique pose.
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