La Dernière allumette

Zoé ne se déplace qu'à vélo, déteste le métro et ne le prend qu'en cas d'extrême nécessité. […] Et puis, avancer sous terre alors qu'à la surface se dresse la plus belle ville du monde n'est pas dans son champ des possibles, ce en quoi elle a bien raison.
(P. 63)

Je suis comme ça, j’ai foi en l’humanité, je veux croire aux miracles. C’est mon plus grand défaut.

On habite à Genevigny ( c'est en Bougogne ) , dans un papillon dans une résidence de standing (...) En fait c'est pas un vrai papillon, juste une maison avec d'autres maisons autour qui lui ressemblent et une route au milieu. Il y a des géraniums aux fenêtres et les pelouses sont bien vertes comme dans Astérix et les Bretons.

Il n’y a rien que je déteste plus que ceux qui exploitent l’empathie et la gentillesse des autres pour les manipuler.
((Page 59)

Il n'y a pas que l'homme qui lui a cassé une côte qu'elle protège. Elle se protège elle-même, ses illusions, l'idée qu'elle se fait de leur relation et de leur amour qu'elle n'a pas envie de voir abîmé dans le regard que je porterais sur eux.
(P. 56)

Elle hausse les épaules et rit à nouveau. Mais cete fois son rire est dépouillé de sa gaieté.
— Je suis tombée contre le coin du plan de travail de ma cuisine au cours d'une dispute et je me suis retrouvée à l'hôpital avec une côte cassée. Je suis maladroite, je tombe souvent.
Je pense à ma professeure de français au collège.
Une femme douce et cultivée qui adorait son métier.
Elle tombait tout le temps. Elle tombait de vélo ou dans l'escalier, elle glissait dans la douche, elle se prenait les coins des portes de placard, les bords de trottoir et les pieds dans les tapis. Elle riait de sa maladresse devant le tableau noir, enfilait des lunettes de soleil pour cacher ses coquards et continuait à vivre au jour le jour en attendant celui où sa vie commencerait vraiment. On l'appelait « Mme Maladroite ». C'était... il y a quoi ? Plus de cinquante ans... J'étais un gamin, je n'avais jamais pensé avant aujourd'hui que, peut-être, tous les soirs, elle rentrait chez elle retrouver quelqu'un qui l'aidait à tomber.
(P. 56)

Je suis comme ça, j'ai foi en l'humanité, je veux croire aux miracles. C'est mon plus grand défaut.
(P. 50)

La joie déborde dans chacun des gestes de Zoé, dans chacun de ses sourires, elle ruisselle autour d'elle comme une pluie tiède un soir d'été. Elle voit pleins les verres aux trois-quarts vides, saisit le bon côté de toute situation aussi catastrophique soit-elle et sait repérer les rares qualités des individus les plus sinistres. Elle n'ignore pas l'état apocalyptique de votre monde, les guerres, la pauvreté, l'individualisme et le réchauffement climatique, mais son émerveillement face à sa chance inouïe d'avoir un toit, de vivre dans un pays en paix, d'être en vie et en bonne santé transforme chacune de ses journées en un cadeau unique et précieux. Il n'y a pas de problèmes sans solution, les échecs ne sont que des étapes qui rapprochent du succès et, le temps guérissant tous les chagrins, aucun malheur n'est permanent.
(P. 47)

Ce qui a ébloui Gabriel, c'est cette capacité de Zoé à être heureuse non pas grâce aux circonstances extérieures, mais malgré elles.
(P. 47)

Pour simplifier, disons que Zoé Boisjoli est tout ce que Gabriel n'est pas, et réciproquement. Rien ne les prédestinait à tomber amoureux et l'improbabilité de leur amour, je l'admets, n'est pas dénuée de poésie.
Peut-être est-ce une loi fondamentale de l'univers que la lumière et l'obscurité cèdent toujours à la tentation de se fondre l'une dans l'autre.
(P. 45)