La montagne avait perdu ses derniers lambeaux de Provence.
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- "destin", dit-il. "Eventualités, rencontres. Hasard, circonstance qui fait trouver, fortuitement ou non, une personne ou une chose."
Elle avait hésité sur le mot. Cela lui déplaisait de dire "personnel", comme si ce terme outrepassait ses droits, créait un lien là où elle n'en souhaitait pas. Il y a des mots comme cela, des insoumis qui empiètent sans cesse sur des terres qui ne leur appartiennent pas.
Je m'en fous, j'ai pas sommeil
"Destin", dit-il. "Éventualités, rencontres. Hasard, circonstance qui fait trouver, fortuitement ou non, une personne ou une chose."
On s’en branle, Sol, de la patrie. On naît où on naît. Mais tâche de ne pas renier tes vieux, c’est un truc à te foutre dans la merde. C’est renier qui n’est pas bon ? Renier, dénier, cracher, c’est pour les aigris, les fortiches, les types qui veulent croire qu’ils se sont faits tout seuls et personne avant eux. Les cons, quoi. Toi, t’as les Ecarts et puis t’as toute l’Afrique. Prends le tout, ça te fera double !
On s'en branle, Sol, de la patrie. On naît où on naît. Mais tâche de pas renier tes vieux, c'est un truc à te foutre dans la merde. C'est renier qui n'est pas bon. Renier, dénier, cracher, c'est pour les aigris, les fortiches, les types qui veulent croire qu'ils se sont faits tous seuls et personne avant eux. Les cons, quoi.
Dans ces seuls instants, quand la réalité venait absurdement rejoindre ses plus obscures expectatives, Adamsberg chancelait et se faisait presque peur. Le fond de lui-même ne lui avait jamais inspiré tout à fait confiance. Il s'en défiait comme du fond calciné de la marmite d'un sorcier.
-Ils savent tous pour le coup des poils?
- C'est pas un coup. C'est le signe du loup-garou. Il n'y en a pas d'autre. Il a les poils en dedans parce que c'est un homme à l'envers. La nuit, il s'inverse, et sa peau velue apparait.
- De sorte que Massart ne serait jamais qu'un manteau de fourrure retourné?
- Si tu veux.
- Et ses dents? Elles sont réversibles? Où les range-t-il le jour?
Au reste, on ne parlait plus des loups, mais du loup du Mercantour. Un reportage haletant, plus nourri que les précédents, lui était consacré en début de journal. On réveillait l'effroi, la haine. On mêlait dans un bain insalubre les ingrédients cousins de la jouissance et de la terreur. On maudissait les carnages avec volupté, on détaillait la puissance de la bête : insaisissable, féroce et, surtout, colossale. Cela, avant toute chose, formait le levier de l'intérêt passionné que le pays entier portait à présent à la "Bête du Mercantour". Sa taille hors norme, en l'arrachant au vulgaire, en l'excluant du commun, lui faisait prendre rang au sein des cohortes du diable. On s'était découvert un loup de l'enfer et pour rien au monde on n'y aurait renoncé