C'était ma première incursion dans l'univers de
Jules Verne, à ma grande honte car, comme Les trois mousquetaires, c'est le genre de livre qu'on lit très jeune et je rougis à chaque fois que quelqu'un cite ses lectures d'enfant et que je ne m'y retrouve pas. Cependant, d'une certaine façon, on peut rapprocher Verne de l'univers de Tintin, du moins en ce qui concerne les "
voyages extraordinaires" d'où est issue cette série et là, au moins j'ai eu ces lectures.
Phileas Fogg, un gentleman anglais décide sur un pari de faire le tour du monde en 80 jours. Il sera accompagné tout le long de son serviteur, Passepartout qu'il a engagé le jour même et vivra mille aventures à rebondissements multiples.
Ce qui frappe d'abord chez Verne, c'est la simplicité et la tenue de la narration. En bon lecteur de journaux scientifiques, l'auteur passe d'un paragraphe à l'autre avec le brio des grands rationnels et des admirateurs de la fameuse "concaténation" d'
Edgar Poe. L'introduction, dès le départ d'un vol évoqué au Club de Fogg, permet toutes les suppositions et les malentendus qui justifient la présence de l'inspecteur Fix de Scotland Yard. de même le voyage se déroule en utilisant tous les moyens de transport imaginables à l'époque : chemin de fer, éléphant, divers bateaux à voile et à vapeur, traîneau à voile sur la neige aux Etats-Unis. Parallèlement, le lecteur est embarqué parmi les colonies anglaises de l'empire victorien: Inde, Hong Kong...où chaque pays offre l'occasion d'une description ethnologique sur ses moeurs et coutumes (barbarie de certaines pratiques superstitieuses en Inde où l'on délivre la belle Mrs Aouda, discours Mormon à bord d'un train) mais aussi où l'on montre l'évolution des nouvelles technologies : rapidité des bateaux américains, importance de la voie ferrée (Railway Road) reliant l'est et l'ouest des Etats-Unis, gain de temps qu'offrent les percements de canaux comme Suez ou les ponts suspendus, qui ajoutent à l'aventure.
Au milieu de ces aventures, évoluent des personnages fortement typés, au nom sans équivoque. Phileas Fogg, l'instigateur du voyage est le type même du gentleman anglais impassible qui se sort toujours des situations avec phlegme et perspicacité. On le dote néanmoins d'un grand humanisme, défenseur de la veuve et de l'orphelin, fidèle à son honneur et ses convictions. Passepartout quant à lui est un Français hâbleur mais sportif, dynamique, entier faisant montre d'un humanisme égal à son maître bien qu'exprimé différemment. La belle Indienne, Aouda représente la femme moderne dans une Inde archaïque que la civilisation britannique tente de rendre à la raison. Mrs Aouda a d'ailleurs reçu une éducation anglaise. Çà et là,
Jules Verne fait l'apologie du colonialisme, ce qui le rapproche une fois encore d'
Hergé. Fix, le détective, fort de son devoir, poursuit Fogg jusqu'au bout du monde et l'on doute parfois que Scotland Yard va payer toutes ses notes de frais! le roman repose sur le suspens durant lequel Fogg, n'exprimant aucun sentiment, d'un calme tout anglais, risque sa ruine pour quelques minutes de retard. Mais là encore la fin du récit offre bien des rebondissements.
Voilà donc un univers romanesque à la fois désuet et plein de charme. Tout adulte que je suis devenu, j'ai toujours cette approche fraîche d'un roman que je n'ai pas lu, et finalement mon inculture de jeunesse, se nourrit de cette fraîcheur, de cette candeur voire de cette naïveté. Donc je fus absolument passionné par cette lecture de
Jules Verne.