J'ignore pourquoi, j'ai toujours eu une tendresse particulière pour ce roman. Il n'a pourtant rien de particulier. Il est conforme en tous points à la facture traditionnelle des romans de
Jules Verne : on y trouve le même attrait et le même plaisir qu'aux autres «
Voyages extraordinaires ». Ah si, peut-être une image, une illustration qui m'avait frappé : un homme à cheval sur une autruche au galop… Notre intérêt pour un livre tient parfois à peu de chose…
Paru en 1884, «
L'Etoile du Sud » est un « bon »
Jules Verne, bien qu'il ne soit pas parmi les plus connus : savoureux cocktail d'exotisme et d'aventure, avec des rebondissements constants, un voyage aventureux dans un pays dont on ne connait pas grand-chose (l'Afrique du Sud et plus précisément le Transvaal), une jolie histoire d'amour, des vilains comme s'il en pleuvait…
Cyprien Méré, un jeune ingénieur français en mission en Afrique du Sud, est amoureux de la jolie Alice Watkins, fille d'un magnat anglais,
John Watkins, dont la générosité et la bonté de coeur sont inversement proportionnelles à la fortune, qui est immense. Cyprien, pour mériter la main (et le reste) d'Alice, doit donc faire fortune. Il se lance dans l'exploitation d'une mine de diamants, et parallèlement (il est chimiste) essaye de fabriquer un diamant artificiel. Il y parvient, le fait tailler par un lapidaire d'origine hollandaise Jakobus Vandergaart. Mais le diamant disparaît, en même temps que Matakit un serviteur noir. Watkins offre alors la main de sa fille à qui ramènera
l'Etoile du Sud (c'est le nom du diamant) et le serviteur en fuite. Avec Cyprien trois autres concurrents, un Anglais, un Allemand et un Italien, sont sur les rangs, moins motivés par la main d'Alice que par la dot qui l'accompagne. Matakit est retrouvé et avoue qu'il n'est pas l'auteur du vol. Il précise toutefois que le diamant n'est pas artificiel mais bel et bien naturel. On finit par le retrouver… dans l'estomac d'une autruche ! Parallèlement, Watkins se voit démasqué par Vandergaart qu'il avait spolié, et le Hollandais reprend tous ses droits sur la concession minière. Watkins qui n'a plus de raison d'empêcher le mariage de Cyprien et Alice, y consent et meurt à moitié ruiné.
Il est amusant que l'un des thèmes abordés par l'auteur soit la spoliation et la propriété : l'idée de ce roman n'est pas de
Jules Verne : il a acheté les droits au véritable auteur André Laurie (à qui il avait déjà acheté ceux des « Cinq cents millions de la Bégum »). Il s'est contenté de changer deux ou trois personnages secondaires et d'ajouter deux chapitres, en corrigeant ça et là la rédaction du roman. S'il n'y a pas eu spoliation et que tout reste dans la légalité (c'était une pratique courante à l'époque), le procédé est quelque peu contestable, le nom d'André Laurie ne figurant nulle part. Signalons par ailleurs qu'André Laurie a écrit un autre roman très « vernien », «
L'Epave du Cynthia » (1885), signé de son propre nom et accolé à celui de
Jules Verne, bien qu'il l'ait écrit seul, ce qui l'empêche de figurer dans les «
Voyages extraordinaires ».
De toute façon, que le roman soit signé
Jules Verne ou André Laurie, il reste un excellent roman de divertissement qui ne jure absolument pas avec le reste des «
Voyages extraordinaires »
Pour nous lecteurs du XXIème siècle, les résonnances politiques ne sont pas évidentes, mais en cette fin de XIXème siècle les rivalités entre Anglais et Hollandais (Boers) faisaient déjà l'actualité : une première guerre avait eu lieu en 1880-1881, une seconde plus meurtrière interviendra de 1899 à 1902. On remarquera avec malice que dans cette histoire, à la fin, c'est le Français qui gagne !