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Les Rougon-Macquart tome 13 sur 20

Armand Lanoux (Autre)
EAN : 9782253004226
605 pages
Le Livre de Poche (03/11/1971)
4.12/5   8268 notes
Résumé :
Une des grandes grèves du siècle dernier racontée par un journaliste de génie qui en a fait un réquisitoire, un formidable « J’accuse » contre le capital, le roman de la lutte des classes et de la misère ouvrière. Un livre de nuit, de violence et de sang, mais qui débouche sur l’espoir d’un monde nouveau lorsque le héros, Étienne Lantier, quittant la mine « en soldat raisonneur de la révolution, » sent naître autour de lui une « armée noire, vengeresse… dont la germ... >Voir plus
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4,12

sur 8268 notes
Germinal, c'est un monument. Un chef-d'oeuvre qui n'a pas pris une ride. Une plongée en apnée au coeur de la mine, et on souffre avec ces hommes et ces femmes qui descendent jour après jour dans la fosse, pour un salaire qui ne leur permet pas de manger à leur faim.

On retrouve Etienne Lantier, à la recherche d'un travail, prêt à accepter n'importe quoi pour ne pas mourir de faim. C'est ainsi que son sort se lie aux herscheuses, aux haveurs et à tous ces forçats que la mine détruit un peu plus chaque jour qui passe.

Les patrons sont prompts à trouver le moindre prétexte pour réduire encore les maigres émoluments dispensés aux ouvriers. Dame, les affaires ne vont pas si bien pour ces bourgeois repus : la mine ce n'est plus ce que c'était!

Alors la révolte gronde et le charisme d'Etienne fait le reste : la grève est déclarée. Avec nombre de victimes innocentes.

Zola décrit avec un réalisme époustouflant la misère et la lutte pour survivre du peuple des mines. En contraste, la vie des bourgeois qui tirent les ficelles, et qui dégustent des mets de luxe à s'en rendre malades, est sidérante.

La révolte dans sa détermination n'est pas sans rappeler celle qui agite notre pays depuis plus d'un an. On y ressent le pouvoir et force d'un mouvement de foule qui dépasse la simple volonté des individus.

C'est un roman violent, et je m'étonne de l'avoir lu pour la première fois à 15 ans.


Aucun regret, au contraire, de l'avoir redécouvert, bien au contraire, c'est un incontournable dans la série des Rougon-Macquart.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Treizième volume des Rougon-Macquart, Germinal met en scène Etienne Lantier, fils de Gervaise Macquart et d'Auguste Lantier. Jeune machiniste, il est licencié pour ses prises de position politiques. Il se rend alors à Montsou, bien décidé à se faire embaucher par la Compagnie des Mines. Très vite, il se démarque de ses collègues. La misère sociale le bouleverse, de même que l'exploitation des patrons envers les pauvres gens. Chassez le naturel, il revient au galop, et Etienne ne peut s'empêcher de devenir un fervent militant. Au-delà de toutes ces querelles intestines, il fait la connaissance de Catherine Maheu, fille de la famille qui le loge. Cependant, celle-ci est convoitée par un autre mineur, Antoine Chaval. Etienne va alors devoir faire face à un double combat, et le mot n'est pas trop fort, vous le verrez en lisant cette oeuvre magistrale. D'un côté, il se bat pour ses idées, notamment lorsque la Compagnie des Mines baisse les salaires. de l'autre, il lutte pour conquérir le coeur de sa belle. Une lutte acharnée, sans merci...

Etienne, Catherine ou Chaval représente une catégorie sociale mise en avant par Zola. Ces pauvres gens subissent de plein fouet une magistrale crise économique. Ils tentent d'améliorer leurs conditions... Roman résolument moderne n'est-ce-pas ?

Comme à son habitude, l'auteur s'est documenté pour écrire ce roman. Il est allé au plus près des grévistes d'Anzin, dans le Nord de la France, grève considérable regroupant plus de 10 000 employés du 21 février au 17 avril 1884. Il est descendu dans la mine. SI le roman reste résolument noir, le titre laisse apercevoir un espoir, un avenir meilleur, un renouveau. D'ailleurs, la fin est sans équivoque : "Maintenant, en plein ciel, le soleil d'avril rayonnait dans sa gloire, échauffant la terre qui enfantait. du flanc nourricier jaillissait la vie, les bourgeons crevaient en feuilles vertes, les champs tressaillaient de la poussée des herbes. de toutes parts, des graines se gonflaient, s'allongeaient, gerçaient la plaine, travaillées d'un besoin de chaleur et de lumière. Un débordement de sève coulait avec des voix chuchotantes, le bruit des germes s'épandait en un grand baiser. Encore, encore, de plus en plus distinctement, comme s'ils se fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l'astre, par cette matinée de jeunesse, c'était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre."

Si le monde de la mine vous intéresse, je vous conseille également l'excellent livre, plus récent puisque paru en 1939, de Richard Llewellyn, Qu'elle était verte ma vallée ! Souvent comparé au roman de Zola, il met en avant non seulement les affres des mineurs irlandais du Pays de Galles mais également toute une dimension psychologique prenant en compte les sentiments de chacun, ce que l'on ne trouve pas assez à mon goût, dans ce roman de Zola. Ceci dit, j'aime tellement cet auteur que je lui passe aisément ce dernier point.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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♬ Au nord, c'étaient les corons
La terre c'était le charbon
Le ciel c'était l'horizon
Les hommes des mineurs de fond... ♬

Quel roman ! Quel roman !
Époustouflant, prodigieux, exceptionnel... je ne vais pas trouver assez de qualificatifs pour rendre justice à ce chef-d'oeuvre.
Émile Zola nous emmène chez les mineurs et nous fait partager leur vie. L'immersion est saisissante parce que parfaitement réussie. L'écrivain ne se contente pas de présenter un texte à ses lecteurs, il le leur fait vivre.

Chaque tome des Rougon-Macquart offre des personnages forts, un décor merveilleusement bien décrit et une histoire prenante. En plus de cela, dans Germinal, tout est tellement réaliste, authentique, humain, vivant, que le lecteur est emporté dans les pages, qu'il vit tout de l'intérieur et ne fait plus de différence entre fiction et réalité.
Germinal est une expérience de lecture à part. Rare et intense.

Pendant plusieurs jours, j'ai vécu avec la famille Maheu et toutes les autres familles du coron.
Je me suis levée avant l'aube et préparée pour ma journée de travail. Je suis allée chercher ma lampe, bouée de survie dans les entrailles de la terre.
Je suis descendue dans la fosse. J'ai senti le froid et l'humidité, j'y ai trouvé l'obscurité.
J'ai marché pour aller rejoindre la taille qui m'avait été assignée. Je me suis courbée lorsque les voies s'amincissaient.
Durant des heures interminables, j'ai peiné dans les différents travaux de la mine.
J'ai connu l'extraordinaire solidarité de ces travailleurs pauvres mais dignes, j'ai partagé leurs maigres repas, j'ai vécu dans leurs maisons dépourvues du moindre confort.
J'ai vécu leurs vies de labeur et de peines.
J'ai ressenti l'inquiétude permanente de la Maheude qui se demande comment elle va faire pour nourrir ses enfants, j'ai partagé le quotidien de ces mineurs fatalistes et résignés de pères en fils, condamnés à vie comme l'étaient leurs parents et comme le seront leurs enfants, au "bagne souterrain".
En descendant dans la fosse, c'est une longue descente dans une autre époque, dans un autre monde, que j'ai effectuée.

Quand Étienne Lantier (fils de Gervaise Macquart de L'Assommoir) est arrivé avec ses aspirations justes et ses rêves utopistes, je l'ai suivi. Lorsqu'il a prononcé ses discours enflammés je me suis laissée emporter avec les autres mineurs. J'ai embrassé le désir de révolte qu'il avait fait naître, ressenti la soif de justice qui traversait tout le coron, compris sa légitimité.
J'ai rêvé d'un monde meilleur et j'ai espéré, d'un espoir fou et absolu.

Émile Zola est au sommet de son art dans ce roman magistral.
Je ne vais surtout pas vous raconter l'histoire (les "critiques" qui racontent tout m'exaspèrent car elles gâchent le plaisir du futur lecteur), et simplement donner mes ressentis sur certains aspects.

Le puits dans lequel Maheu et ses enfants en âge de travailler descendent m'a captivée.
L'auteur n'est pas avare d'expressions terribles pour le personnifier : il est "toujours affamé", il "engloutit" les mineurs, il a une "gueule" avec laquelle il semble "boire".
Au début, ce n'était qu'un nom, et puis il a fini par me fasciner, et par m'effrayer. À chaque fois qu'il apparaît dans le texte, la peur et un pressentiment de malheur arrivent avec lui.
D'ailleurs, ce "monstre", cette "bête", ce trou qui "avalait des hommes par bouchées de vingt et de trente, et d'un coup de gosier si facile, qu'il semblait ne pas les sentir passer" porte bien son nom : le Voreux.
Voreux comme "vorace", Voreux comme "dévore".

Les discours exaltés d'Étienne face aux mineurs en grève sont incroyables. Quelles pages ! Quel enthousiasme, quelle force de conviction, quelle fougue ! Zola montre là tout son talent de plume politique.

L'écrivain fut journaliste littéraire puis journaliste politique avant de commencer le cycle des Rougon-Macquart dont ce tome est l'un des piliers.
Roman social par excellence, Germinal dénonce l'enrichissement facile et sans danger des actionnaires exploitant les mineurs qui prennent tous les risques : accidents à court terme, maladies et infirmités diverses à long terme.
Ce treizième volume est particulièrement percutant par son sujet et son réalisme car il résulte d'un immense travail de documentation mené par Zola. Mais cette recherche en amont ne fait pas tout, il faut tout le talent de l'auteur pour donner sa force à Germinal.
La volonté également : Zola s'est constamment impliqué dans la vie de son époque. Nous connaissons tous son fameux "J'accuse...!" mais l'ardent défenseur de Dreyfus s'est engagé dans bien d'autres combats. Lors de ses obsèques, Anatole France déclara "Il fut un moment de la conscience humaine" et une délégation de mineurs de Denain accompagna le cortège funèbre aux cris de "Germinal ! Germinal !"

L'ouvrage se conclut sur une note d'espoir, ténu et fragile, annoncé dans le titre. Mais que de malheurs pour en arriver là !
Comme la végétation sortant de terre au moment de la germination, les mineurs finiront-ils par sortir de leur fosse ? La nouvelle saison qui arrive annonce-t-elle une vie nouvelle ? le printemps qui débute et incarne le cycle de la vie préfigure-t-il la fin du cycle de la misère ?

J'ai fini ma lecture. Je suis ressortie de la fosse, j'ai quitté le coron, mais une partie de moi est restée là-bas avec ceux qui sont devenus mes amis. Et une partie d'eux ne me quittera plus jamais.
Germinal a laissé une marque indélébile en moi.
Comment ne pas aimer lire encore plus après une pareille aventure ?
Et comment accepter que des imbéciles incultes osent qualifier les librairies de commerces "non essentiels" ?

Umberto Eco a dit : "Celui qui ne lit pas aura vécu une seule vie. Celui qui lit, aura vécu 5000 ans. La lecture est une immortalité en sens inverse."
En lisant Germinal, j'ai vécu des vies sombres, des vies pauvres, des vies tristes, des vies émouvantes.
Peu importe si je n'ai pas gagné la moindre part d'immortalité, j'ai gagné à coup sûr une grande part d'humanité.
Zola est un génie et je ne peux que me féliciter d'avoir prénommé l'aîné de mes fils "Émile".

Pour finir, je veux ajouter une réflexion, que certains jugeront peut-être hors sujet, mais je ne trouve pas qu'elle le soit.
"Était-ce possible qu'on se tuât à une si dure besogne dans ces ténèbres mortelles, et qu'on n'y gagnât même pas les quelques sous du pain quotidien ?"
Oui, c'était possible. C'était là toute la vie des mineurs au dix-neuvième siècle, mais ne croyez pas pour autant que ces temps soient révolus.
L'exploitation des êtres humains existe encore, mais on préfère fermer les yeux dessus pour rester sans mauvaise conscience dans notre petit confort.
Juste un exemple : les conditions d'extraction du cobalt, cet élément indispensable à nos batteries de smartphones, de vélos ou de voitures électriques. (Voir article ci-dessous)
Au lieu d'aller à l'école, des enfants de la République démocratique du Congo travaillent dans des mines malsaines et dangereuses, dans lesquelles des effondrements réguliers tuent abondamment. Mais ici, des industriels sans scrupules, soutenus par des politiciens corrompus, nous vantent à grand renfort de publicité les mérites d'une voiture "propre".
Ben, voyons !
Ils auraient tort de se gêner, ça fonctionne tellement bien !
Ils réussissent même à faire culpabiliser ceux qui ne changent pas leur véhicule, les faisant passer pour d'infâmes égoïstes responsables de tous les maux de la planète alors que les moteurs "traditionnels" ont fait d'immenses progrès et polluent de moins en moins, y compris les diesels... chose que l'on nous cache soigneusement, parce que l'on tient là un moyen simple de vendre toujours plus de voitures électriques et de forcer la main à des propriétaires qui auraient pu garder leur ancien véhicule encore en parfait état de marche.
Que la pollution liée aux batteries usagées qu'on ne sait pas recycler soit un vrai fléau, que le gaspillage de voitures passées à la casse inutilement soit scandaleux et que l'exploitation des enfants dans les mines soit révoltante ne compte visiblement pas face à tout l'argent que certains trouvent à gagner.
Où est l'écologie dans tout ça ? Loin, très loin.
De beaux mensonges pour enrober une sale réalité.
Non, Germinal n'est pas qu'un vieux roman, hélas...

https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/dossier-pour-nos-batteries-de-smartphones-ou-voitures-des-enfants-creusent-en-afrique-6971213
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Émile Zola a imaginé et construit une immense fresque, Les Rougon-Macquart, bâtie sur vingt romans pour décrire et aussi décrier un certain univers social sous le Second Empire.
Je continue de cheminer pas à pas et de manière chronologique, dans cette oeuvre puissante, et me voici parvenu au treizième roman, Germinal, dont l'un des protagonistes est Étienne Lantier. Il est fort possible de lire Germinal indépendamment de l'ordre chronologique, mais vous vous privez alors de connaître d'où vient Étienne Lantier, de quelle lignée. Il est le fils de Gervaise Macquart et d'Auguste Lantier, vous savez, la fameuse Gervaise, ce beau et poignant personnage dans L'Assommoir. Mais surtout il appartient à la branche Macquart qui porte le poids d'une hérédité compliquée pour laquelle Zola n'hésite pas à utiliser le terme de dégénérescence. Étienne Lantier, magnifique héros du roman échapperait-il au destin terrible de la lignée à laquelle il appartient ?
Ma découverte de Germinal commence très jeune par le trouble d'une dictée où j'avais fait une faute à « Chacun havait le lit de schiste », le verbe présumé me semblant pourtant si facile et si évident.
Mais c'était sans compter sur l'émotion qui s'ensuivit, la lecture d'une oeuvre prodigieuse. Germinal est sans doute un des grands romans qui a marqué mon cheminement de lecteur dès le plus jeune âge et m'a offert ce goût des livres.
Chômeur, animé d'un idéal de vie échevelé, Étienne Lantier part dans le Nord de la France à la recherche d'un nouvel emploi. Il se fait embaucher aux mines de Montsou et découvre très rapidement les effroyables conditions de travail. Il trouve à se loger dans une famille de mineurs, les Maheu, et tombe amoureux de l'une des filles, la jeune Catherine. Celle-ci est la maîtresse d'un ouvrier brutal, Chaval, et bien qu'elle ne soit pas insensible à Étienne, elle se refuse à quitter Chaval...
Germinal, c'est l'inspiration des grandes grèves du siècle dernier. Elle nous est racontée par un journaliste d'investigation de génie, mais ce serait trop réducteur de qualifier ainsi l'écrivain sur ce seul registre. Car Zola est bien plus que cela ici, chroniqueur social, peintre des caractères et des moeurs, poète humaniste, tragédien... C'est tout cela Émile Zola...
Car Germinal est autant un réquisitoire social implacable, qu'une oeuvre romanesque de toute beauté qui dit l'humanité avec ses rêves, ses espoirs et ses douleurs.
Germinal, c'est le roman de la lutte des classes par excellence et ici plus que jamais je continue de penser que Zola est un romancier dont le propos n'a pas pris une ride. Ou alors c'est le monde autour de nous qui n'a pas changé. Ou bien alors, c'est le sentiment étrange qu'il continue de nous manquer furieusement pour poser ses mots sur les maux de notre époque...
L'humanité est là au fond de cette fosse qui s'appelle le Voreux, mais à la surface aussi, l'humanité à fleur de peau, sa misère, son désenchantement, broyée par la violence du capitalisme industriel, humiliée par le mépris et la fausse pitié gluante des bourgeois qui veulent tirer à toutes forces les rênes de cette histoire.
Le souffle romanesque est là, traversant les pages. Ce sont des tableaux qui s'enchaînent et se déploient comme une marée : une journée dans la mine, les réunions où gronde déjà la révolte ici dans l'arrière-salle d'une taverne, là dans une clairière, la confrontation avec les soldats, leurs frères, les frères des ouvriers, ces soldats qu'on croyait frères, l'agonie dans la fosse noyée et les jours d'attente, presque désespérés, et l'amour qui s'invite même jusqu'au fond de la mine...
Les paysages sont sombres qu'ils soient peints à la surface des corons ou de manière souterraine.
Il y a quelque chose de vertical dans ce mouvement de va-et-vient entre ce coin de ciel presque illusoire qui apparaît comme par intermittence et le fond de la mine où il faut chaque jour descendre, chaque jour remonter avec le poids des illusions chaque fois plus lourd. Alors, à force, c'est de plus en plus dur de descendre, de plus en plus dur de remonter. Ici nous sommes dans le ventre de la terre, qui gronde et gémit comme une bête.
Germinal, c'est un paysage englouti par des rêves brisés.
Les personnages de Germinal sont beaux parce qu'ils sont réels. Et sans doute le personnage qui m'a ici le plus touché est celui de Catherine, sa bouleversante destinée sonne comme un coup au ventre.
La force de Germinal se terre dans une puissance créatrice disant la beauté humaine qui se redresse, se lève face à l'oppression...
Dans ces colères qui s'agrègent de corons en corons, celles des foules, - l'âme furieuse des foules, il y a une âme collective. C'est une épopée.
On sent tout d'abord une force tranquille, puis qui se déploie telle une horde aveugle...
Il y a cette famille d'ouvriers, les Maheu, une tragédie poignante à elle seule qui traverse ce roman, avec son cortège de douleurs, les accidents de travail qui rendent inaptes, un enfant qui naît et c'est encore une bouche à nourrir, l'alcool, le désir, la jalousie, la mort...
Et cet amour qui se bataille jusqu'au fond de la mine, jusque sous la terre...
Il y a la fatalité de la mine qui tue à coup de grisous, et il y a l'ordre là-haut, le poids de l'ordre et des contingences économiques qui tue aussi ou fait tuer...
C'est presque digne d'une tragédie antique, il y a ici chez Zola un art sublime de conter...
Tout est magnifiquement rendu, emporté dans un mouvement vertigineux.
La compassion de Zola pour ce peuple de la mine est magistrale.
Ce peuple qui a faim, qui arrête de travailler mû par des forces fatales, va faire grève au prix d'un sacrifice effroyable, c'est une force qui bouillonne, bouscule, les envoie contre l'autre versant de leur destin avec la violence des histoires humaines, le bouillonnement des flots comme une mer en furie.
C'est une complainte, un chant qui vient des ténèbres.
On a envie d'évoquer le mot de misérables, puisqu'il est universel.
Au bout du compte, on sort de la mine, mais à quel prix , avec des images inoubliables qui étreignent comme un cauchemar. Mais surtout il y a la vie grandiose et chaotique.
Et puis Germinal, quel titre ! Un titre qui sent la sève, le parfum de la terre, un avril révolutionnaire, un geste qui sort des ténèbres, une graine qu'une main met en terre, le germe de l'espoir, une graine que Zola met dans nos mains...
Ce soir, je me souviens d'une école, d'une dictée au collège, d'une professeure de français qui m'a peut-être donné envie de lire et aimer Zola, ou tout simplement déposé une graine dans le coeur...
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Il fait froid, il fait sale. Des poussières du Nord. Bienvenue chez les ch'tis où les hommes battent leurs femmes avant ou après d'aller boire une bière entre potes, où les filles se font prendre dès l'âge de floraison, où il n'y a même plus assez de patates pour faire des frites, seuls quelques quignons de pains rassis trônent encore sur la table ou dans la soupe. Une lecture du grand Nord, celui des Hauts-de-France maintenant, celui des bas-fonds d'antan, le temps de Zola. Cette poussière noire se retrouve sur tout le paysage, et même là où on ne l'attend pas, dans les bronches et les poumons. Les gars qui descendent à la mine, en ressortent le teint noir. Leurs crachats sont mêmes devenus noirs. Même la misère leurs fait broyer du noir. Ne pense pas à ton petit noir du matin, même dilué avec un ersatz de chicorée, le goût reste infect et l'amertume prenante. L'eau noir probablement. L'amertume de la vie les emporte au tréfonds de la terre, à creuser des galeries souterraines pour un extraire une substance qui n'a rien à voir avec l'or noir, et pourtant. Back in Black.

Il y a Maheu, puis la Maheu, et pis le Etienne le ch'ti nouveau qui débarque dans l'espoir de trouver un boulot, même dans le noir, même mal payé, parce que c'est la misère d'être là. Lui aussi veut descendre six pieds sous terre, pour extraire l'essence de la vie, quelques francs en fin de semaine pour boire comme les autres hommes des bières sans être obligé de se faire inviter. C'est l'essence même des gars du Nord que de se retrouver dans une taverne poussiéreuse où la bière claire avale quelques poussières au fond de la gorge. Mais pour ça, il faut que les brasseurs et autres taverniers n'insufflent pas une grève les fûts en cale sèche. A propos de grève, le cariole communale n'a pas ramené son flot de gens entassés. le peuple est obligé d'aller au taf à pied, les sabots crottés dans la gadoue. Bah, de toute façon, la mine affiche porte close, comme les grilles du métro des années plus tard, même les maisons sont closes. Grève générale comme on annonce tournée générale…

Tu n'entends pas ? ces cris de révolte et de colère qui sortent du sol et du sous-sol même, c'est-à-dire du peuple et du bas peuple. Ces pauvres gens qui n'ont rien et ne rêvent que d'une tranche de lard sur une tranche de pain pour accompagner un demi-bol de soupe brûlante, encore faudrait-il qu'il y ait du charbon pour entretenir le foyer de cette flamme incandescente d'une vie indécente de misère et de pauvreté. Oui le peuple grogne comme un bulldog qui n'aurait plus d'os à ronger ou comme un poivrot à qui la serveuse ne voudrait plus le servir. C'est un relent d'actualité qui s'évapore de ces pages d'un siècle passé mais à la poussière toujours aussi présente. C'est la naissance du syndicalisme, la tentative d'une organisation pour contrer le capitalisme naissant des riches et des bourgeois. C'est mon premier livre de Zola, il était temps me diras-tu, c'est qu'enfoui sous la poussière miséreuse de ma vie, j'avais échappé à ça ; et en ça, parle-je des descriptions contemplatives de la région, ce noir ce soir, ce noir qui blanchit même la neige et la vie, ou de cet étrange sentiment que, quel que soit le siècle, le paysage social n'évolue guère. le pays espérait une révolution, il a eu du sang et des larmes. Et en même temps, la neige s'est remise à couvrir les terrils froids laissés un temps à l'abandon…
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Fichez-moi donc la paix, avec votre évolution ! Allumez le feu aux quatre coins des villes, fauchez les peuples, rasez tout, et quand il ne restera plus rien de ce monde pourri, peut-être en repoussera-t-il un meilleur.
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Devant le buffet ouvert, Catherine réfléchissait. Il ne restait qu’un bout de pain, du fromage blanc en suffisance, mais à peine une lichette de beurre ; et il s’agissait de faire les tartines pour eux quatre. Enfin, elle se décida, coupa les tranches, en prit une qu’elle couvrit de fromage, en frotta une autre de beurre, puis les colla ensemble : c’était « le briquet », la double tartine emportée chaque matin à la fosse. Bientôt, les quatre briquets furent en rang sur la table, répartis avec une sévère justice, depuis le gros du père jusqu’au petit de Jeanlin.

Catherine, qui paraissait toute à son ménage, devait pourtant rêvasser aux histoires que Zacharie racontait sur le maître-porion et la Pierronne, car elle entrebâilla la porte d’entrée et jeta un coup d’œil dehors. Le vent soufflait toujours, des clartés plus nombreuses couraient sur les façades basses du coron, d’où montait une vague trépidation de réveil. Déjà des portes se refermaient, des files noires d’ouvriers s’éloignaient dans la nuit. Était-elle bête, de se refroidir, puisque le chargeur à l’accrochage dormait bien sûr, en attendant d’aller prendre son service, à six heures ! Et elle restait, elle regardait la maison, de l’autre côté des jardins. La porte s’ouvrit, sa curiosité s’alluma. Mais ce ne pouvait être que la petite des Pierron, Lydie, qui partait pour la fosse.

Un bruit sifflant de vapeur la fit se tourner. Elle ferma, se hâta de courir : l’eau bouillait et se répandait, éteignant le feu. Il ne restait plus de café, elle dut se contenter de passer l’eau sur le marc de la veille ; puis, elle sucra dans la cafetière, avec de la cassonade.
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L'ouvrier ne pouvait pas tenir le coup, la révolution n'avait fait qu'aggraver ses misères, c'étaient les bourgeois qui s'engraissaient depuis 89, si goulûment, qu'ils ne lui laissaient même pas le fond des plats à torcher. Qu'on dise un peu si les travailleurs avaient eu leur part raisonnable, dans l'extraordinaire accroissement de la richesse et du bien -être, depuis cent ans ? On s'était fichu d'eux en les déclarant libres : oui, libres de crever de faim, ce dont ils ne se privaient guère. ça ne mettait pas du pain dans le huche, de voter pour des gaillards qui se gobergeaient ensuite, sans plus songer aux misérables qu'à leurs vieilles bottes. Non, d'une façon ou d'une autre, il fallait en finir, que ce fût gentiment, par des lois, par une entente de bonne amitié, ou que ce fût en sauvages, en brûlant tout et en se mangeant les uns les autres. Les enfants verraient sûrement cela, si les vieux ne le voyaient pas, car le siècle ne pouvait s'achever sans qu'il y eût une autre révolution, celle des ouvriers cette fois, un chambardement qui nettoierait la société du haut en bas, et qui la rebâtirait avec plus de propreté et de justice.


Pages 179-180
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— Ah ! ils sont en grève, dit-elle tranquillement, lorsqu’il l’eut consultée. Eh bien, qu’est-ce que cela nous fait ?… Nous n’allons point cesser de manger, n’est-ce pas ?

Et elle s’entêta, il eut beau lui dire que le déjeuner serait troublé, que la visite à Saint-Thomas ne pourrait avoir lieu : elle trouvait une réponse à tout, pourquoi perdre un déjeuner déjà sur le feu ? et quant à visiter la fosse, on pouvait y renoncer ensuite, si cette promenade était vraiment imprudente.

— Du reste, reprit-elle, lorsque la femme de chambre fut sortie, vous savez pourquoi je tiens à recevoir ces braves gens. Ce mariage devrait vous toucher plus que les bêtises de vos ouvriers… Enfin, je le veux, ne me contrariez pas.
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Mais les femmes avaient à tirer de lui d’autres vengeances. Elles tournaient en le flairant, pareilles à des louves. Toutes cherchaient un outrage, une sauvagerie qui les soulageât.
On entendit la voix aigre de la Brûlé.
- Faut le couper comme un matou !
- Oui, oui ! au chat ! au chat !… Il en a trop fait, le salaud !
Déjà, la Mouquette le déculottait, tirait le pantalon, tandis que la Levaque soulevait les jambes. Et la Brûlé, de ses mains sèches de vieille, écarta les cuisses nues, empoigna cette virilité morte. Elle tenait tout, arrachant, dans un effort qui tendait sa maigre échine et faisait craquer ses grands bras. Les peaux molles résistaient, elle dut s’y reprendre, elle finit par emporter le lambeau, un paquet de chair velue et sanglante, qu’elle agita, avec un rire de triomphe :
- Je l’ai ! je l’ai !
Des voix aiguës saluèrent d’imprécations l’abominable trophée.
- Ah ! bougre, tu n’empliras plus nos filles !
- Oui, c’est fini de te payer sur la bête, nous n’y passerons plus toutes, à tendre le derrière pour avoir un pain.
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