Citations sur Paris au XXe siècle (44)
L’étude des belles lettres, des langues anciennes (le français compris) se trouvait alors à peu près sacrifiée; le latin et le grec étaient des langues non seulement mortes, mais enterrées; il existait encore, pour la forme, quelques classes de lettres, mal suivies, peu considérables, et encore moins considérées. Les dictionnaires, les gradus, les grammaires, les choix de thèmes et de versions, les auteurs classiques, toute la bouquinerie des de Viris, des Quinte-Curce, des Salluste, des Tite-Live, pourrissait tranquillement sur les rayons de la vieille maison Hachette.
-Ah ! Tu as des amis, répondit l’oncle […]
-J’en ai deux, répliqua Michel.
-C’est beaucoup, s’ils se trompent, répondit sentencieusement le bonhomme, et c’est assez, s’ils t’aiment.
Dans cette triste salle, ridiculement dorée, on mangeait vite et sans conviction. L'important, en effet, n'est pas de se nourrir, mais bien de gagner de quoi se nourrir. Michel sentait cette nuance ; il suffoquait.
Michel devait bien avoir quelque part un oncle, un certain Huguenin, duquel on ne parlait jamais, un de ces hommes instruits, modestes, pauvres, résignés, dont rougissent les familles opulentes ; mais on interdisait à Michel de le voir, et il ne le connaissait même pas ; il n'y fallait donc pas songer.
"Quoi ! se disait Michel, de la science ! de l'industrie ! ici comme au collège, et rien pour l'art ! Et j'ai l'air d'un insensé à demander des ouvrages littéraires ! suis-je fou ?"
Ce peu d'art n'avait donc pas échappé à l'influence pernicieuse du temps ! La science, la chimie, la mécanique, faisaient irruption dans le domaine de la poésie !
Ne pense plus au vieillard qui serait mort depuis longtemps, n'était sa douce habitude de venir trouver chaque jour ses vieux amis sur les rayons de cette salle.
"Moi je veux étonner mon siècle ! Ne rions pas ! le rire est puni de mort à notre époque, qui est sérieuse !
- Etonner son siècle, répétait machinalement le jeune homme.
- Voilà ma devise, répondit Quinsonnas ; l'étonner, puisqu'on ne peut plus le charmer ! Je suis né comme vous, cent ans trop tard ; imitez-moi, travaillez ! gagnez votre pain, puisqu'il faut en arriver à cette chose ignoble : manger !
Le petit salon, qui formait tout l'appartement avec la chambre à coucher, était tapissé de livres ; les murs disparaissaient derrière les rayons ; les vieilles reliures offraient au regard leur bonne couleur brunie par le temps. Les livres, trop à l'étroit, faisaient invasion dans la chambre voisine, se glissant au-dessus des portes et dans la baie intérieure des fenêtres ; on en voyait sur les meubles, dans la cheminée et jusqu'au fond des placards entrouverts ; ces précieux volumes ne ressemblaient pas à ces livres des riches logés dans des bibliothèques aussi opulentes qu'inutiles ; ils avaient l'air d'être chez eux, maîtres au logis, et fort à leur aise, quoique empilés ; d'ailleurs, pas un grain de poussière, pas une corne à leurs feuillets, pas une tache à leur couverture ; on voyait qu'une main amie faisait chaque matin leur toilette.
"Tu ne sais rien de la vie, et toute la vie il faut apprendre à vivre, a dit Sénèque ; je t'en conjure, ne te laisse pas aller à des espérances insensées, et crois aux obstacles !
- En effet, reprit le pianiste, cela ne va pas tout seul en ce monde ; il faut, comme en mécanique, faire la part des milieux et des frottements ! frottement des amis, des ennemis, des importuns, des rivaux ! milieu des femmes, de la famille, de la société ; un bon ingénieur doit tenir compte de tout !
Le bruit court que les chaires des lettres, en vertu d'une décision prise en assemblée génerale des actionnaires vont etre supprimées pour l’exercice 1962.(…)
- Il n’oseront pas (…)
- Ils oseront, répondit M. Richelot,et ce sera pour le mieux! qui se soucie des Grecs et des Latins, bons tout au plus à fournir quelques racines aux mots de la science moderne! Les élèves ne comprennent plus ces langues merveilleuses et à les voir si stupides, ces jeunes gens, le degout me prend avec le desespoir.
- votre classe est réduite à trois eleves!