"
Cheops, je suis l'éternité", ou la singularité de l'écriture,
Véronique Verneuil et
Zahi Hawass en alliés.
Un livre allègre, malicieux, érudit dont la verve nous fait voyager, fureter même, il y a 4600 ans au coeur du règne de Cheops, bâtisseur d'une pyramide énigmatique. Et il s'agit bien d'un coeur, car dans ce livre tout est vivant, tout bat au rythme de personnages parlant à la première personne. Manières, modes de vie, pouvoirs, rapports au pouvoir, la langue nous les fait voir.
On sait peu de choses sur ce pharaon et pourtant les auteurs, grâce à leurs connaissances d'égyptologues, savent inventer un roman historique où les faits sont justes, les vies sont plausibles, s'animent sous nos yeux dans de petites ou grandes épopées. Si l'amour et le pouvoir changent d'époque, la passion et l'intensité des sentiments restent toujours là, vibrant. Oui, le pharaon sera surpris d'être amoureux, et dans son corps, la jeune paysanne plus inventive que naïve. Péplum certes, car aventure d'un pharaon mortel se voulant immortel par une pyramide à sa gloire mais la complexité des personnages jamais réduite mièvrement. Ils sont là, ambivalents, jaloux, tenaces, perspicaces, polyphoniques. Comme nous, et l'identification devient possible, se fait intérêt, curiosité des méandres. Plis et replis d'un pharaon audacieux capable de choisir avec intelligence les bâtisseurs menant les travaux et les hommes. Les auteurs nous rendent attachants ces artisans, anonymes ou non, qui ont oeuvré à ce qui sera nommé "la septième merveille du monde". Organisant pour cela un véritable village, celui-là même qui fut mis à jour par
Zahi Hawass, ancien ministre des antiquités égyptiennes.
Nous avançons dans le livre en découvrant à chaque tournant une histoire, un monde, un paysage mais au bout reste le mystère d'une pyramide qui tient caché son secret. Vide et plein étrange qui laisse en suspens la vérité, préserve le plaisir d'être étonné.
Comme le dira
Montaigne, plus tard, "Tout mouvement nous découvre". Nous met à nu, ouvert, étranger à nous-mêmes, riche de cette étrangeté. En posant la parole, "Je suis l'éternité", Cheops reste l'humain, fort et fragile, puissant et vulnérable. Par une plume tendre et incisive, un art narratif tenant en haleine, l'oeil sur le ténu ou le grandiose, les auteurs nous font entendre par-delà le temps cette toujours incroyable humanité, rêvant à l'immortalité mais voyageuse d'être mortelle.