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Arrivée à l'âge de la retraite, la narratrice a envie de transmettre quelque chose d'elle aux générations futures. Elle n'a pas connu ses grands-parents, elle ne sait rien de ses aïeux? Alors, elle se choisit une ancêtre: Dhuoda. Celle-ci a vécu en 840, au moment du partage des terres de Charlemagne. « Reniant ses promesses à Louis le Pieux, son époux a rallié Charles et le camp du vainqueur, auquel il confie, en gage de sa fidélité, leur fils Guillaume de quinze ans, sa belle épée et sa monture. Gage rime avec otage ». « Dhuoda n'a rien eu à dire. Sans doute a-t-elle courbé la tête, caché le désespoir, subi l'exil et l'arrachement. Est-ce pour ne pas sombrer qu'elle a préféré voir dans son bourreau un seigneur et un maître? Et pour survivre qu'elle a pris plume et solitude? » C'est ainsi que Dhuoda rédige son Manuel pour son fils, dans lequel elle lui donne des conseils et lui laisse le texte qu'elle aimerait qu'on grave sur sa pierre tombale, car elle est malade et pense qu'elle n'a plus longtemps a vivre.
« Manuel » signifie, à cette époque, « miroir ». C'est donc un miroir d'elle-même qu'elle va laisser à Guillaume et elle ne prévoyait certainement pas « qu'au-delà de l'an 2000, d'autres visages se pencheraient sur le miroir tendu. »
C'est la lecture de ce texte qui motive Marie-France Versailles. « Je vais tenter moi aussi de dresser un miroir entre rien et demain. Ou après-demain, pour les enfants des enfants de mes enfants... »
Son livre ne se résume donc pas. Elle égrène des souvenirs, parle de découvertes, saute du passé au présent, de son enfance à celle de ses enfants, leur départ, ses impressions, ses réactions, l'arrivée des petits-enfants.
L'écriture est belle, lumineuse, poétique. Certaines pages ont d'ailleurs la forme de poésies. Il y a des images très touchantes qui entrent vraiment en résonance avec ce que je ressens. Ce livre est un bijou. Je l'ai adoré. C'est mon coup de coeur.
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La narratrice, une femme Belge d'un certain âge (tout comme l'auteure), ne connait pas ses grands-parents. Elle n'a pas de souvenirs d'eux et se demande ce qu'on peut garder en héritage, en tout inconscience, de nos aïeux. Pour pouvoir alors répondre à ses questions, faire son cheminement et aboutir, elle va se choisir une aïeule. Elle la trouvera en la personne de Dhuoda, femme de l'an 840 qui écrivit un manuel, appelé « miroir », pour son fils, comme testament en quelque sorte. Cette femme a perdu très tôt ce premier fils Guillaume, enlevé par son père pour aller servir le roi, en gage de sa fidélité. Elle lui écrit alors pour lui transmettre ses valeurs profondes, valeurs morales, comme la loyauté, le respect, l'amour et le don de soi. Et ainsi lui donner ce qu'elle n'a pu. Il est parti trop tôt loin d'elle.

Mais c'est avant tout pour écrire, elle aussi, son manuel que la narratrice parcourt celui de Dhuoda et se rapproche de cette femme. Une volonté d'apprivoiser sa vieillesse inéluctable, ce passage obligé, et de transmettre à ses descendants, enfants, petits-enfants et cetera. « Quand l'âge amène à conjuguer l'imparfait plus souvent que le futur, cela modifie le regard. » Ce sera alors l'occasion pour elle de s'interroger sur ses valeurs, sur son enfance, sur ses souvenirs, sur ce qui fait qu'on est ce qu'on est, et sur ce qu'on donne à nos progénitures, volontairement ou non. Elle raconte aussi le départ de ses enfants dans leur vie d'adulte et la dure réalité de la perte, du changement, et de savoir se positionner. Elle a peur de vieillir, de déranger, de peser, de demander. Mais on doit faire face. Accepter de vieillir, accepter de laisser derrière soi de belles années, accepter qu'un jour viendra où l'on ne fera plus partie d'eux, de notre famille. Alors comment garder ce lien, tenir ce fil ténu toujours présent même après la mort ? de Dhuoda à elle, puis après elle, à travers les générations…. Elle a trouvé sa réponse. Par l'amour des mots. La plume. « Transmettre. Etre un couloir. Un regard, un point de vue, un chaînon. » Dhuoda a donné son intimité dans son manuel, sa douleur et sa solitude. La narratrice y donnera sa vieillesse, sa nostalgie, ses interrogations. Et toutes deux y laisseront leur amour pour leurs enfants. Ecrire pour dire au revoir.

Elle retrace ici alors aussi l'itinéraire de Dhuoda, sa vie, ses activités dans un siècle qui n'est pas du tout le même. Elle s'interroge sur la manière dont cette femme est parvenue à acquérir toute sa culture et son instruction. Elle va pour se faire s'imaginer la vie de cette femme, d'après son imaginaire et ses connaissances de l'époque. Tout d'abord petite fille, comme pour y chercher les racines et l'héritage de Dhuoda. Mais aussi en tant que femme, épouse et mère. C'est alors une poésie de tous les sens que nous offre l'auteure. « Dans les appartements des femmes où elle se glisse, ou dans les cuisines, on parle, on raconte, on colporte les nouvelles de la cour comme celles du village. Elle aime le toucher frais du linge qui a séché sur le pré, l'odeur surette de la laine filée. Elle écoute. Maîtresses et servantes chantent en tissant, en préparant les teintures, en cousant, en brodant. Chansons dites de toile, mélodies populaires, chansons d'amour. Charmée, Dhuoda fredonne. » C'est ce cheminement qui permettra à la narratrice de pouvoir poser ses mots.

Le manuel, le « miroir », elle s'y regarde, elle y contemple les reflets à travers des siècles et une femme. Dans ce roman, c'est poser des mots pour poser ses pensées, pour les éclaircir et pour donner un sens, sens à son existence. Une transmission. Une écriture d'un lyrisme évident, une écriture poétique, ciselée. Mais aussi d'une grande pureté et vérité. Bas les masques. Tout y est en pudeur mais tout y est dévoilé. Les sentiments, les doutes, les souvenirs, l'amour. Incitant à la pause pour la réflexion. Et dans le but de toujours transmettre.

Une nostalgie contenue, une recherche d'un fil conducteur au travers des générations en amont, la légitimité d'une vie, l'héritage à ses enfants et petits enfants. Une résignation, une paix intérieure du chemin accompli, du chemin tracé, chemin bordé par les mots à jamais scellés sur la route de la vie. Dans l'espoir d'accompagner au mieux, d'avoir fait ce qu'il fallait. « Son manuel, elle le veut antenne de ce cordon ombilical violemment sectionné » (en parlant de Dhuoda) « Manuel d'éducation et testament spirituel ». »Les paroles s'envolent et les écrits restent », c'est bien à cela que cette démarche me fait penser.

Un très beau premier roman de Marie France Versailles, d'une écriture fluide et poétique. Un moment paisible, une rencontre. On en sort serein. C'est magnifique. Je vous le conseille à l'évidence !
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Un roman magnifique, vibrant comme un poème, qui nous submerge d'émotions.

Sur la pointe des mots initie une réflexion sur la fin de vie, la vieillesse et les relations à la famille. A plusieurs reprises, les souvenirs évoqués par la narratrice ont fait écho à mon propre vécu et m'ont rappelé des épisodes de ma propre enfance.

Et, plusieurs fois, au détour d'une phrase ou d'un paragraphe, j'ai ressenti la nécessité de stopper ma lecture pour plonger dans mes propres souvenirs et me mettre dans la position de la narratrice. Avec une question qui revenait « Et moi, qu'aurais-je envie de laisser à mes enfants ? »

C'est aussi un roman intéressant au niveau historique car il dresse le portrait d'une enfance qui s'est déroulée dans les années 1950 en Belgique, ce qui nous donne un aperçu de la vie de l'époque.

Des mots simples d'une grande tendresse, qu'une femme adresse à ses enfants et à ses petits-enfants et, par moments, sans qu'on la sente venir, l'émotion qui nous submerge, la gorge qui se serre et les larmes qui montent… Un roman qui touche droit au coeur !
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Un livre qui m'a donné quelques difficultés au départ, j'ai eu du mal à entrer dans le récit qui combine les ressentis deux femmes que tout semble séparer. La narratrice est une femme belge d'un certain âge qui voit sa dernière étape de vie approcher. Elle va mêler son introspection à celle de Dhuoda, aristocrate de l'an 840, auteur d'un ouvrage écrit sur un parchemin à son fils Guillaume parti combattre avec son père. Sur les pas de ce témoignage antique, la narratrice nous confie son appréhension de la mort. Quelle empreinte laisse-t-elle dans la mémoire des générations à venir ?
Le vieillissement et la séparation sont au centre de son questionnement. Deux étapes malaisées qu'elle approche avec beaucoup de pudeur.

C'est un texte juste où se mêle douceur et finesse. Je me suis laissée emmenée par Marie France Versailles dans ce premier roman empli de poésie.
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Lisez-le, c'est très vrai !
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» Être cette femme qui s'offre le temps de s'arrêter. le temps de consentir à l'inévitable. [...] Aimer et quitter. Laisser partir. Partir. «

Les mots de ce livre là, ce sont rencontres, auteures et lectrices. Cette lecture, c'est ce moment rare et fabuleux du sentiment de parfaite » entente « , de fraternité entre celle qui lit et celle qui écrit; ce moment généreux où l'on envisage spontanément d'écrire à son tour, en confiance, en confidence, à l'auteure. Lui écrire bravo, lui écrire merci. Lui écrire » vos mots sont devenus miens « . Peut-être lui écrire simplement » j'espère tant vous lire encore « .

Ce moment, l'année 2011 me l'avait offert avec Karen et moi, le premier roman de l'auteure belge Nathalie Skowronek. Il m'est à nouveau donné en 2012 avec ce premier roman de l'auteure belge Marie France Versailles.

Au-delà de cette première expérience d'écriture romanesque, au-delà de la nationalité des auteures que je tenais à préciser, j'ai lu des correspondances entre ces deux récits. Correspondances, encore un mot pour ce livre Sur la pointe des mots.

La narratrice de ce récit découvre et s'attache à une femme du Moyen-Age découverte grâce au livre qu'elle a écrit, qui lui a survécu, préservé, parvenu jusqu'à nous. Ce livre est un Manuel, un petit ouvrage que l'on appelait un miroir. La femme se nomme Dhuoda. Elle écrit à son fils, pour son fils, que son père vient d'emmener, qu'elle ne reverra pas.

La narratrice est à ce terme de son existence où elle doit accepter son temps passé. Et celui d'après. Elle se retourne vers ce qui fut, ce et ceux qui fit/firent sa vie, se tourne vers Dhuoda qu'elle choisit comme aïeule. A travers ce miroir qui ne renvoie pourtant pas de reflets, c'est tout l'effet de psyché.

» Je la lis avec des yeux d'aujourd'hui. [...] Je tiens le Manuel serré dans mes mains. Entre Dhuoda et moi, onze siècles, mais aussi que de différences. Pourquoi, alors, cette émotion ? Pourquoi pareille attirance pour cette lointaine parente ( parente de coeur, parente virtuelle, parente d'élection, je cherche le mot juste ) ? de quoi étais-je orpheline avant de la découvrir ? «
Psyché au féminin qui interroge sur la maternité, sur la mémoire, sur ce qui a été transmis, sur ce qui le sera, malgré ces différences et l'absence d'informations sur Dhuoda.

» Les femmes de son époque partageaient les choses de la vie, les choses du corps, du sang, de la mort. Gynécées bavards et rassurants au chevet des maternités comme au chevet des mourants. Bassines d'eau frémissante et linges frais comme on en voit sur les peintures.

A toutes les époques, les femmes ont oeuvré à faire de leurs mains actives barrage à la souffrance et au malheur.

Mais quand le père désenfante la mère ? Nulle digue ne peut contenir la vague qui se fracasse.

L'Histoire n'a rien retenu , rien transmis des larmes, de la révolte, de la soumission de Dhuoda, duchesse de Septimanie. Car le malheur et les larmes, comme le rire et la joie, sont de toujours. «

Au silence, à la dignité de la douleur de Dhuoda, la narratrice répond par ses souvenirs et ses questions. La pointe des mots par le bout du coeur, deux femmes « occupée(s) à chercher les mots qui relient et les mots pour dire adieu. Relier et (se) relire. Méditations en médiation. Fragments en héritage, pas seulement ceux de Dhuoda. » Outre la famille proche, toutes les familles d'élection nous ont modelés. «

La narratrice l'invite à l'accompagner à l'heure de vieillir, de s'y résoudre, d'accueillir cet âge des enfants des enfants, cet âge que Dhuoda n'a pas connu; vivre pleinement cette » vieillesse consciente, pas si consentante « .

Malgré ce thème, mot ici dans son sens musical de mélodie - variations de gammes et improvisation pour cette narratrice -, ce récit n'a rien de solennel, de sévère ou de tragique. Bien que testament, les pages sont celles d'une lettre, les mots, s'il sont justes, s'ils sont si réalistes et vrais, s'y font doux et dons. Les premières lignes décrivent la main » abandonnée au vif du courant [... à ] la fraîcheur de l'eau [ d'un torrent ] dans la tiédeur de l'été. » Sensations à l'image de cette plume limpide qui s'attarde en beauté sur les lieux; le délié de cette plume contemporaine inspirée par cette plume grave médiévale; ressentis de lecture lumineux, chaleureux.

Une modestie, une pudeur aussi, de ces livres qui donnent à lire ce qui n'est pas écrit.

A l'élégance du renoncement, à la profondeur de la foi de Dhuoda, il me semble que la narratrice parvient à répondre par un accomplissement.
Lien : http://www.lire-et-merveille..
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Deux femmes, à onze siècles de distance l'une de l'autre, et malgré tout une rencontre : celle-ci se fait par le biais d'un petit Manuel ou « Miroir » à un fils arraché à sa mère, Dhuoda. Cette femme du 9e siècle, dont on sait bien peu de choses, va devenir l'aïeule de coeur/de choix de la narratrice qui va l'imaginer au fil du récit : son enfance, sa vie quotidienne, mais pas sa vieillesse. Cette période de la vie, c'est la narratrice qui va l'offrir à celle qui la précède, en la narrant et surtout en en faisant l'apprentissage. Ce qui lie ces deux femmes par-delà les siècles, c'est cette médiation de l'écriture pour supporter la souffrance et apprivoiser l'absence des enfants devenus grands, à qui on souhaite malgré tout léguer quelques mots.

Le récit qui résulte de ce projet peut sembler décousu, comme une conversation ou quelques notes écrites au fil des jours et de la vie, mais c'est aussi cela qui m'a plu. La narratrice nous fait partager son expérience, sa vieillesse qui débute, ses souvenirs et son « manuel » laissé à ses enfants tel un testament, en toute simplicité et surtout avec beaucoup de poésie. Les phrases sont souvent courtes, presque hachées, avec des retours à la ligne fréquents, ce qui crée un rythme de lecture fragmenté, au gré des pensées et des souvenirs.

Il y a énormément de thèmes abordés dans ce texte dont je n'ai pas parlé dans cet avis, j'ai privilégié ceux qui m'ont marqué lors de cette lecture-ci : sans doute d'autres surgiront-ils la prochaine fois. Car je relirai ce premier roman, c'est certain. Il s'en dégage une immense tendresse vers laquelle j'ai envie de revenir et vers laquelle je vous invite à aller.
Lien : http://minoualu.blogspot.be/..
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