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Citations sur Battling le ténébreux, ou, La mue périlleuse (22)

Le temps a passé depuis lors, les mois, les années. Les petits trains qui nous attendaient à la gare ont sifflé sur les petits viaducs pour nous emporter vers nos petits destins. Nous avons appris que les routes terrestres tournent en rond autour de la terre, terrestrement (Gallimard 1982 : p. 166).
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Les maîtres, les maîtres imprudents qui apprennent à lire à leurs élèves, ne savent pas le tort qu'ils se font.
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Le docteur Meyer-Fehr était un homme méticuleux, joyeux et doux, dont le crâne rond, passé au papier de verre, reflétait indifféremment les roses grimpantes, les arbres, les toits, les oeufs posés sur les jets d'eaux, et plus généralement tous les objets de la nature qui s'élevaient à plus d'un mètre soixante au-dessus du sol. Il avait une petite barbe poivre et sel, un sourire gai et des yeux tristes, une femme insignifiante et féconde, des enfants qui foisonnaient dans son jardin, une griffe de panthère du Kâfiristan à sa chaîne de montre, et une connaissance des hommes si parfaite qu'il en était au désespoir.
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Il avait une âme hypertrophique et encombrante avec laquelle Dieu l'avait chargé de se débrouiller dans la vie comme il pourrait ; il la traînait comme un sac de fantassin sur la fin d'une marche, d'un pas lourd et résigné, en serrant les dents, le souffle court ; il s'imaginait pouvoir arriver à la cacher ; s'il pensait qu'on risquait de la voir, il mettait la main devant et se félicitait de sa ruse (Gallimard 1982 : p. 52).
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Il me suffit de fermer les yeux pour entendre encore ronronner les becs de gaz de la petite étude, voir les murs verts et les grandes cartes géographiques, le Bassin parisien avec ses auréoles, le Tonkin violet, l'Annam rose, et trente têtes penchées patiemment sur des cahiers. C'est là que nous vivions nos seize ans. Nos yeux graves démentaient notre mauvais sourire ; nous avions des tabliers noirs, des doigts tachés d'encre et des signatures indécises ornées de paraphes copiés. Les vieux pupitres, invraisemblablement ravinés de formules, de dates et de devises, proposaient à la mémoire des patronymes fameux. C'est là que la génération précédente avait sculpté ses noms au couteau avant d'aller mourir à la guerre. Maintenant les pupitres avilis cachaient des photographies de femmes, découpées dans des magazines, des collections de timbres et des croûtons de pain, les déchets d'un âge inutile. Une République au profil grec regardait dans le vide avec des yeux de plâtre, horizontalement, plus loin que nous.
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L'herbe brillait, toute fraîche de pluie, drue comme la force de nos jeunesses ; l'arc-en-ciel bâtissait un viaduc double, beau comme un démenti à l'expérience humaine ; ce miracle - un effet d'optique - nous autorisait à tout. [...]
Depuis ce temps, plusieurs d'entre nous sont entrés dans la tombe étroite, dans le garde-à-vous solennel de l'au-delà. [...] La gaîté emportée avec eux dans leur guérite horizontale.
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Il s'assit sous la tonnelle ; il alluma une cigarette, il prit son front dans sa main gauche et découvrit sur ses souliers blancs, qu'il avait nettoyés le matin, une grosse tache rose qu'avait dû y faire une fraise écrasée ; alors il songea au soin inutile qu'il avait pris inconsciemment de se faire beau pour l'étrangère, - maintenant il en comprenait la raison - ; cette tache de fraise gâchait sa chance, il lui sembla qu'elle gâtait toute sa vie ; il se sentit pris presque sans raison d'une grande pitié pour lui-même qui lui fit monter les larmes aux yeux.
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- Il faut aimer la vie, mon petit, mais avec patience. Moi, j'ai voulu me rattraper trop vite. Et maintenant je suis dégoûtée de tout. S'il n'y avait pas la peinture...
- Et moi ? dit Manuel. Je ne compte pas ?
- Oh toi, mon petit, je ne me fais pas d'illusions sur ton compte. Tu seras heureux comme tu le mérites. Mais je crains que ce ne soit pas brillant. Si tu m'écoutais, tu ferais quelque chose. Mais tu es paresseux, tu aimes les femmes et tu n'auras jamais le courage de choisir. Donne-moi encore une caporal et dis-moi l'heure.
- Cinq heures et quart.
- Déjà ? On n'a pourtant pas entendu le clairon de ton camarade ?
Un coup de fusil claqua dans l'air sec des jardins.
- Il s'exerce au tir, dit Manuel. Tu entends ? ... Il veut absolument s'engager l'année prochaine.
- C'est un sentimental, dit Erna. Comme toi, n'est-ce pas ? Viens m'embrasser, mon petit ; mens-moi bien. Dis-moi que tu m'aimes. (...)

Il est mort : Voici la chambre qui sent les pommes parce qu'elle servit autrefois de resserre pour les fruits ; voici le "calendrier du facteur" où les spahis passent l'oued sur un couchant rouge, et une femme porte une amphore, tournée vers eux ; voici les objets qui t'appartinrent, plus émouvants, plus accusateurs, plus grands déjà, plus symboliques : la montre d'or de ta première communion, le paroissien vert, le stylographe où tant de fois s'imprima la trame merveilleuse de tes doigts moites, délicate, mystérieuse et compliquée comme une empreinte de fougère dans la houille ; voici tes yeux fermés, tes mains vides et cette pauvreté parfaite... Et cette vieille femme accrochée à tes draps, tordue comme le bois de la vigne, ces remous qui font houler ses épaules comme si quelque bête était entrée en elle qu'il lui fallût chasser avec de grands efforts. La flamme des cierges toute pâle dans la lumière de la fenêtre sans volets. Sous la chaleur, exaspérée, la terre craque et se dessèche, les vignes écartelées sur les treilles se rôtissent contre la chaux. Mais quel été réchauffera jamais ta tête vide, tes jambes mortes, tes mains transparentes, que toutes les eaux de l'argile vont laver ?
Il est mort : par les convois éternels, ce soir, il débarque aux stations surnaturelles pareilles à quelque halte nostalgique dans les champs, mais sans timbre, sans cailles, sans roses, sans tilleuls, sans étoiles ; il débarque d'un train sans bagages, avec sa poitrine trouée, ses jambes encore inhabiles, son âme excessive et si lourde dans ce corps qui voulait tant vivre comme ces chevaux qui chargent encore dans la bataille, emportant leur cavalier mort.
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Madame Chaussade apporta d'ailleurs de la discrétion dans sa méthode ; elle se contenta de répandre le bruit que le jeune homme était un garçon assez dangereux, non point qu'elle affirmât qu'il eût fait de grosses sottises, mais qu'il semblait devoir tenir du tempérament de son oncle Seygrolles, et que chacun - nous sommes entre nous, bien entendu - savait pertinemment que cet oncle Seygrolles courait les cotillons des villages et "faisait des bâtards dans tous les coins", suivant la forte expression de Mme Chasles, la veuve du notaire, qui ne laissait pas son franc-parler au portemanteau.

p.44
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Supposition ridicule: les adolescents ne peuvent pas compter sur les adultes. Les adultes arrondis par le temps, les adultes aux âmes vulgaires et à la logique impeccable, ont peur de tant de richesse et de scorie. Nos regards exigeants leur inspiraient de la gêne; nos bouches menteuses, du dégoût. Orgueilleux et vils à la fois, c'est en les méprisant que nous les prenions pour modèles.
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