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Critique de lebelier


Chaque semaine, Alexandre Vialatte postait une chronique au journal auvergnat, la Montagne. Des années plus tard, les éditions Laffont les réunissent sous forme de deux pavés d'un millier de pages dans leur collection « Bouquins ». Peu de temps après, je me suis fait offrir les deux tomes à deux années d'intervalle pour mon anniversaire.
Mais je n'ai encore rien dit de l'ouvrage. En fait je suis venu à Vialatte à cause de (ou plutôt grâce à) Pierre Desproges. L'humoriste (un des rares auteurs dont j'ai lu toute l'oeuvre) le citait souvent dans ses propres chroniques de la haine ordinaire … (à relire régulièrement). Or donc, j'ai commencé la lecture de ces chroniques avec parcimonie (mais tout seul) et me voilà seulement au bout du premier tome. J'éviterai soigneusement de révéler l'endroit où je les ai lues ! Cela valait néanmoins un petit retour sur investissement. D'abord, il faut remarquer qu'il y a un ton Vialatte, une ironie toute en distance, toute en références, toute en nuances – je comprends mieux l'admiration que pouvait éprouver Desproges. On y dresse des portraits, figures d'actualité littéraire souvent (Colette, Hemingway, Sagan… ) passant par l'obligatoire obituaire (Colette, Hemingway, Camus), on se gausse des gloires éphémères : Minou Drouet, la poétesse-enfant, en prend pour son grade et devient presque sa tête de turc. Mais on a aussi ses chouchous : les Auvergnats, bien sûr, Henri Pourrat et Ferny Besson (qui fait visiblement l'objet d'une vaste correspondance avec l'auteur) mais aussi Jean Dutourd . On y fait la description précise des nouveaux auteurs ou de gens dignes d'intérêt ainsi André Parinaud en juin 1953 qui fonda l'Auto-Journal :

S'il n'avait pas l'originalité charmante d'écrire le français comme tout le monde, de citer juste des vers classiques et de sauter dans l'autobus sans déraper, on le prendrait pour un agrégé. (30 juin 1953)

On égratigne sans cesse le progrès qui rend l'homme un peu ridicule :

Il [L'homme] passe son temps avec le bloc-cuisine, le tire-bouchon et la cravate à système, à économiser les secondes grâce à un labeur acharné (22 septembre 1953)

Car le sieur Vialatte est un brin philosophe et regarde son époque à la loupe et la décortique au scalpel :

Notre civilisation ne cesse pas d'évoluer vers plus de confort et plus d'ennui. L'inconfort préservait de l'ennui. Dans le confort, il faudra qu'on s'adapte. (10 octobre 1961)

Souvent, aussi, on y trouve des appréciations presque visionnaires, en tout cas qui prouvent que rien n'est nouveau sous le soleil :

Quoi qu'il en soit, le directeur d'une grande école de journalisme vient de me confier que depuis belle lurette ses étudiants ne savent plus le français ; il faut commencer par le leur apprendre (31 octobre 1961)
Avec génie et gourmandise, le chroniqueur manie le coq-à-l'âne, campe une ambiance, nous emmène en amnésie où l'on assiste aux obsèques de Colette, la naissance de Sagan en tant qu'écrivain, où l'on voit rouler les 4Cv et les Arondes, où l'on n'est pas encore né mais où l'on guette quand même la chronique autour de sa date naissance. On lit une chronique par jour, à dose homéopathique, on a souvent peur que ça s'arrête. Alors on fait traîner.
Et c'est ainsi qu'Allah est grand, comme il disait à chaque fin de chronique. Ça aussi Desproges se l'est approprié.
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