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Citations sur La Dame du Job (6)

Monsieur Lamourette, quand la pièce se vidait, nous prenait souvent sur ses genoux pour nous raconter des histoires qui arrivaient à des écureuils, à des renards ou à des gros loups, de grands gros loups, de petits gros loups et toutes sortes de gros loups intermédiaires. Notre imagination était pleine d'animaux et de confusions magnifiques. Rien n'existait, ni le temps, ni l'espace. Quand nous songions en été à l'hiver, il nous semblait que nous avions changé de pays. A travers les nuits et les jours la maison nous portait comme un bateau brillant dans le brouillard et la tempête, et parfois, sous le grand soleil, elle voguait comme une frégate des vieilles images parmi les îles océaniques.(...)

Nous retrouvions ces personnages, et bien d'autres, dans un grand journal illustré, peint d'images vivement coloriées, que nous allions lire en été sur les fauteuils du grand salon, en le dépliant sur le tapis vert. Les fenêtres étaient fermées, mais un rayon de soleil filtrait par les persiennes et réglait d'or le coin du grand tapis aussi calme qu'un miroir d'eau. Un moustique bourdonnait. C'était la musique même, cette heure grave et fiévreuse où nous attendions, sur la foi des promesses de ces images, au milieu de cette pièce ennuyeuse, je ne sais quel bonheur solennel qui n'est pas venu au rendez-vous.(...)
Je ne saurais dire quel sortilège se cachait au fond de ces images ; elles nous appelaient sur la route et nous faisaient signe de partir. Il faut longtemps avant d'apprendre, en quelque point du vaste monde, devant un spectacle pareil à ceux que nous avaient promis les dessinateurs du journal, que ce qu'on allait chercher si loin, ce n'était pas ce qu'il y avait sur l'image, mais le souvenir de cette heure où l'on avait pu croire un jour qu'il existe des paradis hors de ceux qu'on s'invente soi-même.
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- A ce moment là, disait Frédéric, il m'a semblé que tout marchait dans l'univers par le moyen de déclics soudains, par une espèce de jeu de balance, de compensations affolantes, et qu'on peut tout, jusqu'au moment où, sans aucun avertissement, il est trop tard. Il faut trouver le mot, la clé ; je ne m'étais pas assez hâté.(...)
Jamais rien ne nous vient comme nous l'attendions, mais tout nous vient de ce que nous attendions "vraiment". Toutes les fois que nous n'allons pas au bout de nous-mêmes, un système de compensations crée du malheur autour de nous.
Je ne sais pas si je répète bien ce que m'expliqua ainsi Frédéric par la suite. Mais quand je retourne ses phrases, il me semble, à travers les arguments logiques, discerner, comme on voit un sou au fond d'un puits, cette idée folle qu'on peut forcer le miracle à force de le désirer. Qu'on arrive à forcer le miracle à condition de le payer assez cher ; que le destin peut nous ouvrir toutes les portes au prix d'un péage sanglant.(...)
Quoi qu'il en fût, le caporal Crégut était couché dans la fougère. Ange et Briffoul le regardaient. Et le grand soldat roux - je crois qu'il s'appelait Vergnaud - avait mis un genou par terre et se penchait profondément sur le caporal, en s'appuyant des deux mains sur son arme. Je fus surpris, touchant le canon par hasard, de sentir qu'il était tout chaud.

Nous regardions la vallée violette et les ombres qui s'avançaient. Un château entouré d'herbage et d'eau vive ; une ville poussait au loin, blanche et fine comme une fumée, longue, à peine indiquée sur le bleu pâle du ciel. C'était peut-être Saugues-les-Bois.
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Chanson de Fred

Mon roseau noir, ma tour d'opale,
Mon enfant, mon matin d'été,
mon hirondelle et ma cymbale,
Ma douceur, ma sévérité,

Mon liseron, ma transparence,
Mon ombre et mon opacité,
Mon remords et ma complaisance,
Mon mensonge et ma vérité,

Ma Chien et ma rive étrangère
Mon lointain, ma proximité,
Mon pilote et ma passagère,
Ma conteuse et ma racontée,
Mon horizon, ma familière,
Et mon impossibilité,

Ma mélodie et mon silence,
Ma halte et ma mobilité,
Ma maison, mon fleuve et ma danse,
Mon départ et mon arrivée,

Mon roseau noir, ma tour d'opale
mon masque et ma solennité,
mon hirondelle et ma cymbale,
Mon luxe et ma nécessité,

Mon pain, mon vin, ma fausse oronge,
mon pardon, ma complicité,
Herbe du rite et fleur du songe,
Porte de mes félicités.
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C’était pour nous, après le goûter, une heure fiévreuse et nostalgique, pleine de frissons, d’ardeurs mélancoliques et d’on ne sait quel espoir déçu qu’il m’arrive de retrouver encore quand un train passe à l’horizon.
Nous attendions le passage de l’express.
Il arrivait comme un bolide, de très loin, brusquement, d’un tournant de l’espace comme pour nous écraser soudain avec des flammes, dans un cyclone, puis s’éloignait, rapetissait, assourdissait son tonnerre inégal qui était devenu soudain métallique sur le pont et qui finissait dans l’espace comme la dernière vibration d’une corde de violon.
L’émoi, la peur, la fièvre, le désir et l’extase, puis le regret accompagnaient son bref passage dans nos oreilles, prolongeaient le roulement estompé de nos cœurs.
- Sauges-les-Bois, Sauges-les-Bois, criait Frédéric dans sa fièvre, comme pour attraper brusquement quelque chose qui s’en allait à tout jamais.
Ce n’était que la première station. Mais elle nous paraissait lointaine et merveilleuse comme le but même de l’express, comme ces noms qu’on trouve dans les livres, sur les cartes, et qui font rêver : Ampasimbé-la-Sablonneuse, ou Orkozoum…
Sauges-les Bois, patrie du bonheur…
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Et aujourd'hui, me souvenant de ces enfants qui partaient loin de leur foyer sur la grand-route avec des mères apeurées dans une carriole au trot lent, j'envie le grand espoir qui nous menait alors malgré les larmes de nos mères et je regrette cet automne riche et rouge, et vert, et si baigné d'adieux et de promesses qu'il nous semblait que nous mordions à même la vie. Elle avait un goût de brouillard, de pommes, de feu de sarments, elle était longue comme une route et chatoyante comme un bazar.
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Le drame se noya pour nous dans la découverte du monde. Comme la nuit nous donne la lune, il nous laissa une déesse en papier.
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