Ainsi est-on toujours le mouton de Panurge de quelqu'un, fût-ce de soi-même.
M. Albert Ducrocq a construit un robot-poète pour vous étonner aussitôt. Pourtant, qu’est-ce que ça a d’extraordinaire ? Au siècle dernier, il y avait déjà Victor Hugo.
Je veux une vie en forme d'arête
Je veux une vie en forme d'arête
Sur une assiette bleue
Je veux une vie en forme de chose
Au fond d'un machin tout seul
Je veux une vie en forme de sable dans des mains
En forme de pain vert ou de cruche
En forme de savate molle
En forme de faridondaine
De ramoneur ou de lilas
De terre pleine de cailloux
De coiffeur sauvage ou d'édredon fou
Je veux une vie en forme de toi
Et je l'ai, mais ça ne me suffit pas encore
Je ne suis jamais content
Boris Vian nous a quitté le 23 juin 1959.
(...)
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir
Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche
Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...
LA VIE C'EST COMME UNE DENT
La vie, c'est comme une dent
D'abord on y a pas pensé
On s'est contenté de mâcher
Et puis ça se gâte soudain
Ça vous fait mal, et on y tient
Et on la soigne et les soucis
Et pour qu'on soit vraiment guéri
Il faut vous l'arracher, la vie.
Y A DU SOLEIL DANS LA RUE
Y a du soleil dans la rue
J'aime le soleil mais j’aime pas la rue
Alors je reste chez moi
En attendant que le monde vienne
Avec ses tours dorées
Et ses cascades blanches
Avec ses voix de larmes
Et les chansons des gens qui sont gais
Ou qui sont payés pour chanter
Et le soir il vient un moment
Où la rue devient autre chose
Et disparaît sous le plumage
De la nuit pleine de peut-être
Et des rêves de ceux qui sont morts
Alors je descends dans la rue
Elle s'étend là-bas jusqu'à l'aube
Une fumée s'étire tout près
Et je marche au milieu de l'eau sèche
De l’eau rêche de la nuit fraîche
Le soleil reviendra bientôt.
DONNEZ LE SI
Donnez le si
Il pousse un if
Faites le tri
Il nait un arbre
Jouez au bridge, et le pont s'ouvre
Engloutissant les canons les soldats
Au fond, au fond affectionné
De la rivière rouge
Ah, oui les Anglais sont bien dangereux.
Je mourrai un peu, beaucoup,
Sans passion, mais avec intérêt
Et puis quand tout sera fini
Je mourrai.
Le monde est aux mains d'une théorie de crapules qui veulent faire de nous des travailleurs, et des travailleurs spécialisés, encore : refusons, Parinaud. Sachons tout. Sachez ce qu'il y a dans le ventre de ce robot. Soyez un spécialiste de tout. L'avenir est à Pic de la Mirandol. Mirandolez, éclaboussez ce robot-poète de vos connaissances en cybernétique, expliquez-lui comment il marche et vous l'aurez tout humble à votre merci.
La vie, c'est comme une dent
D'abord on y a pas pensé
On s'est contenté de mâcher
Et puis ça se gâte soudain
ça vous fait mal, et on y tient
Et on la soigne et les soucis
Et pour qu'on soit vraiment guéri
Il faut vous l'arracher, la vie.