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Citations sur Les Fleurs d'hiver (35)

Tout lui revient.
C'est sa peur à lui qui est différente. Et pourtant.
Pourtant.
La peur.
Ici, rue de la Lune, ou avant, à Belleville, il n'a jamais eu peur. Pas peur d'elle, pas comme ça.

Il pense soudain au fromage. Là, dans sa musette, le gros morceau sec et d'un bel orangé qu'il garde depuis des jours. Le fromage, il se dit, le fromage pourrait être un laissez-passer, un cadeau de roi mage. sous sa paume, le renflement du havresac l'aide à se mettre en mouvement.
Il pose la main à plat sur le bois, et puis s'appuie, d'abord faiblement puis, prenant sa respiration, avec une belle ampleur.
C'est fait.
Il a poussé le battant mais reste sur le palier , bien droit, dans l'obscurité. Alors Jeanne, subitement, lève la tête, les yeux encore trempés du rouge des dahlias.

Si on leur demandait, maintenant, à l'un et à l'autre, il est probable qu'ils ne sauraient pas. Ce qui s'est passé. Ce qu'ils ont pensé, ressenti, à ce moment-là.
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La mobilisation.
Elle y réfléchissait encore.
La guerre.
Qu'est-ce que c'était, la guerre ? Une masse énorme, grise, impalpable, impossible. Incompréhensible. Ces mots-là, ceux de l'affiche et ceux des autres, n'étaient pas des mots pour eux.
Et pourtant, malgré son obstination et l'énergie qu'elle mettait à faire tournoyer dans sa tête mille arguments irréfutables qui prouvait qu'il s'agissait là d'une lubie, d'une trop grande précipitation du gouvernement ou d'une obscure affaire de militaires, sa certitude d'y échapper avec Toussaint se fissurait au fil des heures.
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La victoire est belle mais elle aplatit tout, voilà ce qu'elle se dit. La victoire assourdit les douleurs personnelles en en faisant plus qu'une, nationale.
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Ce que ces hommes ont traversé de commun, ce qu'ils vivent encore aujourd'hui et l'avenir qui pour eux se dessine, tout cela abandonne le reste du monde sur le bas-côté.
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8

Au début de la guerre, on disait qu'on tiendrait facilement six semaines, mais qu'on ne savait pas ce qu'on deviendrait si ça durait six mois.

On disait que dans le Nord, c'était une vraie tuerie.

On disait qu'à Reims on mourait de faim.

On disait que leurs canons tiraient à huit cents kilomètres.

On disait que dans un village, les réfugiés mangeaient du pain mêlé de paille.

On disait que Joffre allait faire sauter toute une ville.

On disait que dans les tranchées c'était presque un palais, qu'on y prenait des douches tièdes et s'installait comme au spectacle.

On disait que des rangs entiers d'Allemands s'effondraient les uns sur les autres.

On disait qu'ils coupaient les mains des enfants, qu'ils mettaient le feu aux vêtements des adultes.

On disait que leurs obus ne faisaient que des bleus, que leurs shrapnels éclataient mollement, que leurs balles traversaient la chair sans rien déchirer.

On disait que malgré les efforts du pape Benoît XV, on n'aurait pas de trêve à Noël.

On disait que dans nos rangs les pertes étaient minimes.

On disait qu'il existait en Indre-et-Loire un hôpital pour enfants mutilés.

On disait qu'à partir du quinze, ils enverraient une bombe toutes les cinq minutes sur Paris.

On disait que le printemps, un matin, allait revenir.
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Les lettres se piquaient ça et là de fautes d’orthographes et de phrases boiteuses dont ni Jeanne ni Toussaint ne s’embarrassaient, car leur orthographe, leur grammaire témoignaient d’une ardeur, d’une fantaisie et d’une tendresse sur lesquelles la guerre, qui avait bouleversé tant d’aspects de leur vie, n’avait aucune prise.

Chapitre 4
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Fermer les yeux.
Dormir.
elle va devoir se lever tôt. La nuit, dehors, sera la même nuit. À cause de ce qui s'est passé avec Sidonie, elle aura une demi-grosse de renoncules en plus de son programme quotidien à faire le lendemain.
Il faudrait laisser fondre. Au creux de son chignon, les pensées viendraient se mettre en rond et, petit à petit, dociles, suinteraient comme une huile chaude au travers des cheveux, des plumes et de la vielle laine du matelas. Les pensées tournoyantes feraient enfin place au sommeil.
Mais les pensées ne sont pas dociles. Elles tournoient.
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Même si, d'un coup, Toussaint se mettait à parler, à lui raconter nuit et jour ce qui s'est passé, dans les tranchées comme à l'hôpital, ce qu'il a vu, ce qu'on lui a fait et comment il l'a vécu, cet espace lui échappera toujours. Un pan entier de la vie de cet homme est destiné à rester noir. Absolument imperméable.
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Le premier soir, il leur faut rouvrir le lit-cage qui, depuis la dernière et si lointaine permission, gît contre le mur du fond.
Dans ce lit dont les montants de fer ne servaient plus qu'à faire sécher le linge derrière la table de travail, Léo s'endort mal, décollée de sa mère, et leurs chairs pareillement douces, leurs tiédeurs par le passé si souvent confondues s'appellent sans fracas, en un imperceptible grésillement qui persiste au- delà de la nuit. Elles se manquent.
Dans le grand lit partagé, malgré l'ampleur du corps qui prend une place immense et lourde, Jeanne a plus froid, se sent plus seule qu'avant le retour du soldat.
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Ce qui semble un univers sans mots s'installe au tour de Jeanne. Les combats de ces dernières années n'ont fait d'elle ni une veuve ni même, et dans le noir elle cherche ce nom qui n'existe pas, une mère orpheline d'enfant. Non. La guerre peut frapper autrement. La guerre peut priver de paroles.
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