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Critiques filtrées sur 5 étoiles  

Henni a 8 ans et sa vie bascule brutalement avec une fuite éperdue devant un drame qui frappe sa famille, drame qu'elle ne comprend pas.
Angélique Villeneuve qui m'avait déjà régalé avec La belle lumière, m'emmène cette fois, sous Les ciels furieux, dans un village d'un pays de l'est de l'Europe. Des brigands surgissent subitement dans la maison de cette famille juive tranquille. Comme le note l'autrice, la mère « couve ou se remet de ses couvaisons », cela signifie qu'elle enchaîne les grossesses et qu'elle nourrit ses bébés avant de les confier aux plus grands.
Zelda, justement, a presque trois ans de plus que Henni et elle compte beaucoup pour sa petite soeur. À 11 ans, elle s'occupe déjà de Iossif et de Kolia, deux jolis nourrissons. Quant à Henni, la voilà toute fière de se voir confier Avrom dès qu'il a fini de téter.
Saupoudré de nombreux termes en yiddish, le récit de cette fuite dans la neige et des souvenirs ayant marqué le début de la vie de Henni m'ont profondément ému. Si Henni et Zelda ont réussi à fuir l'horreur, il y a aussi Lev, le grand frère qui vit déjà sa vie et n'a pas les meilleures fréquentations.
Pour résister au froid, tenter de conserver un peu de confiance dans la vie, Henni a trouvé un moyen original en donnant à chacun de ses doigts le nom d'un membre de sa famille. Dans les moments difficiles, elle peut ainsi se raccrocher à une personne qui lui est chère.
Pendant cette fuite qui occupe vingt-quatre heures de la vie de Henni, les souvenirs affluent et cela permet de faire plus ample connaissance avec elle, avec sa famille et avec ses voisins.
J'apprends, par exemple, que son père, Arie Sapojnik, est un homme bon qui n'est pas craint par ses enfants. Par contre, la mère est soit indifférente, soit impériale…
Au cours de ma lecture, j'ai souffert du froid avec Henni dans la briquèterie, tremblé de peur lorsqu'elle entend des hommes approcher ou voit des femmes venir piller une maison déjà visitée par des brigands.
Angélique Villeneuve, contant, de son écriture toujours délicieuse et soignée, une histoire qui paraît simple, montre un vrai sens du suspense. Elle sait aussi rendre avec beaucoup de délicatesse les pensées qui agitent l'esprit de Henni car celle-ci est à la fois tourmentée et confiante.
Angélique Villeneuve que j'avais écoutée présenter Les ciels furieux aux Correspondances de Manosque 2023, m'avait donné envie de la lire à nouveau et ce fut une lecture émouvante durant laquelle inquiétude et douleur se sont mêlées, sans négliger quelques touches de poésie.
De plus, comme Henni ne manque pas d'imagination, l'autrice livre quelques scènes assez énigmatiques donnant une touche d'irréel au roman alors qu'elle a le mérite de mettre en évidence des drames, des pogroms qui ont trop souvent bouleversé des familles entières. La plupart du temps, les criminels agissaient en toute impunité avec, souvent, un pouvoir qui favorisait leurs agissements.
Enfin, attaché aux pas de Henni sous Les ciels furieux et de sa lutte pour la vie, j'aimerais tant lire la suite… Peut-être qu'Angélique Villeneuve

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J'attends, avec impatience, chaque nouveau roman d'Angélique Villeneuve, depuis que je l'ai découverte avec Les fleurs d'hiver, lecture coup de coeur en son temps.
J'ai tout lu.
J'ai tout aimé.
Et lorsque j'ai reçu, en cadeau, son dernier opus, Les ciels furieux, je me suis aussitôt plongé dans sa lecture.
Parce qu'un roman d'Angélique, c'est l'assurance d'émotions fortes, de personnages touchants, d'une part de mystère qui les entoure, et surtout d'une écriture qui sublime le récit.
Les ciels furieux n'échappe pas à la règle.
Chez Villeneuve, pour ceux qui ne la connaissent pas encore, la femme est au centre de l'histoire .
Jeunes ou âgées,  anonymes ou célébres, elles sont source d'inspiration de la romancière.
Jeune, Henni, l'est.
Très jeune, même.
Pas femme, donc.
Enfin, loin de l'être physiquement, mais tellement femme dans cette vie que lui octroie l'autrice.
À cinq ans déjà, on lui donne des responsabilités, on lui attribue des tâches dévolues d'habitude à des filles bien plus matures.
Mais dans la famille Sapojnik, c'est comme ça.
Dès qu'un nouveau né apparaît, on change de rang. On grimpe dans la hiérarchie familiale.
Jusqu'à la plus belle reconnaissance, le jour où l'on vous donne la charge de vous occuper d'un bébé.
L'autrice aime que le lecteur s'interroge, sur l'absence d'un nom ou, comme c'est le cas ici, d'un lieu, d'une époque, même si quelques indices peuvent guider.
Les ciels furieux, c'est une enfance qu'on bouscule, qu'on sort du cocon familial. Qu'on expédie en forêt, hostile, au milieu d'une nature qu'on doit apprivoiser, contre des peurs que l'on doit refouler. C'est le regard kaléidoscopique d'une enfant sur le monde qui l'entoure, sa violence, sa beauté, la vie, la mort. 
Henni.
Petite fille. Petite soeur. Mère porteuse. Adulte avant de l'être.
Un personnage qui vous marque.
Et sous la plume d'Angélique Villeneuve, comment ne pas être touché...
À noter que je trouve que la couverture proposée par l'éditeur, reflète parfaitement l'atmosphère du roman.
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Dès la première page du roman, on sait d'emblée que le monde de Henni vole en éclats. Cet effet de prolepse nous plonge dans l'innommable : un pogrom dans un shetl quelque part à l'Est, sans doute fin 19è début du 20è siècle. Angélique Villeneuve, que j'ai eu le bonheur de rencontrer le vendredi 13 octobre à la librairie Au Temps Lire de Lambersart (un nouvel antre de perdition), explique s'être inspirée du récit (non publié, rédigé en un anglais enfantin) de Sarah Mandelbaum, une femme émigrée aux Etats-Unis, la mère de l'Américain « le plus intelligent du monde ». Cette femme était rescapée d'un pogrom en Ukraine . de ce texte lui est resté une image obsédante, celle de deux pas en fuite dans la neige. C'est le début de l'écriture de ce roman.

La famille de Henni, les Sapojnik, est une famille nombreuse. Les enfants sont six : Lev, l'aîné, 14 ans, ado qui traîne à droite et à gauche, méprisant envers les filles ; Zelda, 12 ans, le modèle de Henni, celle qui lui a tout appris sur la tenue de la maison, le soin des bébés, savoir qu'elle tenait elle-même de la grand-mère morte un an plus tôt et qu'elle dispense avec tendresse ; Henni, 8 ans, petite fille très intelligente ; et enfin les bébés, trois petits garçons, les deux premiers confiés à Zelda et le dernier à Henni, à sa grande fierté. La mère est à la fois présente et absente : elle fait les enfants, elle trône sur sa chaise cirée mais ne parle pas, elle n'apprend rien à ses enfants, elle se contente de nourrir les bébés et de se plaindre quand ceux-ci font trop de bruit. le père est la figure protectrice : contrairement à ce que prône le rabbin, il n'use pas de violence envers ses enfants, « ce n'est pas son système », au contraire il encourage, permet d'apprendre en faisant des erreurs et en recommençant patiemment. Henni est sans doute sa préférée et elle est enveloppée de l'amour de ce père si rassurant.

Quand leur vie vole en éclats et que les trois aînés réussissent à fuir, c'est cet amour et celui de Zelda qui maintiennent Henni en marche. Même si Zelda ne semble plus être elle-même, Henni la suit aveuglément. Elles seront séparées quand d'autres hommes menaçants les forcent de nouveau à s'enfuir. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive, elle est trop petite, elle est dans doute en état de stupeur aussi. Nous la suivons pendant vingt-quatre heures, en mode survie. Angélique Villeneuve nous fait ressentir sa peur, son désarroi, sa faim, sa soif, son besoin d'uriner, sa fatigue : comme l'a expliqué la romancière, tout passe par le corps, « c'est le corps qui ressent », elle voulait incarner ce corps de petite fille dans ce dernier roman.

Dans ce chaos, Henni va faire preuve d'un courage incroyable. Elle se remémore sa vie d'avant, la chaleur de son foyer, les souvenirs heureux ou moins heureux de sa vie avec ses frères et soeurs. Elle va se créer son propre « système » sur les doigts de la main : chaque doigt figurera un membre de sa famille, cela lui permettra de restituer la voix du père, celle de Zelda, pour trouver le chemin de la survie d'abord, puis de renouer avec la vie. Elle devra prendre des décisions, à l'instinct, et elle va faire un choix extraordinaire qui la mènera résolument vers la lumière.

Angélique Villeneuve dit ne pas avoir eu de plan préétabli pour écrire ce roman, elle voulait simplement vivre avec cette petite fille. Pourtant, il me semble qu'il y a un magnifique (en terme de construction romanesque) parallèle entre un épisode de la vie « d'avant » et, sans pouvoir le révéler, ce choix de Henni. L'écriture sensorielle de la romancière contribue à la puissance d'évocation des Ciels furieux dont le personnage principal est inoubliable.
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En troquant "La belle lumière" pour "Les ciels furieux", Angélique Villeneuve a certes changé de continent, de personnages, quelque peu de siècle, et d'environnement, bien sûr, mais elle conserve ce désir de luminosité et, encore une fois, au milieu des ténèbres, distille cette petite lueur que l'on appelle l'espoir.

Cette fois, il s'agit de l'histoire d'une petite fille au joli prénom : Henni. Elle a huit ans et vit avec sa famille dans la Zone de Résidence dédiée aux Juifs, dans une maison d'un village quelque part à l'Est de l'Europe. Sa soeur Zelda, son modèle, sa mère quasi inexistante, son père qu'elle adore et ses petits frères dont les filles s'occupent vivent là, avec elle, tranquilles. Tranquilles jusqu'à ce soir-là, en plein hiver, où des hommes furieux l'envahissent pour casser, piller, tuer, comme ils l'ont déjà fait et le feront encore. Une partie de la fratrie réussit malgré tout à s'enfuir.

Angélique Villeneuve a ce talent remarquable de se mettre dans la tête de cette petite fille si jeune et de nous plonger au coeur même de l'enfance. Toutes ses réactions, ses pensées, ses réflexions sont superbement retranscrites. "L'espace d'un moment, on est Khaya qui court, dérapant dans la boue de neige, et ça coupe la respiration." Dit Henni en voyant cette jeune fille qui détale pour échapper, elle aussi, aux soldats. Et moi, j'ai eu, tout au long de ma lecture l'impression d'être elle, Henni, d'avoir peur, froid, d'entendre "le père" me susurrer des mots de réconfort, et puis il y a les chiens…"Bien sûr qu'on pense aux chiens. Tout est là pour qu'on y revienne, et que ça morde. Les deux hommes aboyeurs, la fratrie assaillie… En réalité, on ne sait pas combien de temps ça va prendre pour arrêter d'écouter les chiens."

L'auteure est une vraie magicienne qui parvient à transformer le noir en bleu. Son écriture est recherchée, poétique, musicale, imagée et puissante. Elle mêle tout à la fois l'effroi et la solitude, l'imaginaire et le réel, les arbres de la forêt et les animaux. On suit le périple d'Henni qui avance, avec courage, réflexion – à hauteur de ses huit ans – et détermination. On pleure et on espère.

"Les ciels furieux", est un roman que l'on ne peut oublier, une petite fille que l'on garde au creux de ses bras, et une histoire capable de raconter les horreurs de l'Histoire tout en gardant quelque part une bribe d'espérance.

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À paraître le 24 août 2023. À ne pas manquer.
Un village dans les pays de l'Est, un shtetl en fait, une famille juive, pas particulièrement religieuse, un père souvent absent, une mère perpétuellement enceinte ou allaitante, une flopée de bébés, un fils aîné Lev et surtout deux filles qui s'occupent de tout dans la maison. Voilà le cadre de ce nouveau roman étonnant, intense, obsédant d'Angélique Villeneuve. Les deux soeurs, Zelda la grande de 12 ans et Henni, âgée de 8 ans sont fascinantes, et surtout Henni pour qui sa soeur est en tout un modèle, l'objet de toute son affection et son admiration.
Un soir terrible de ce début de XXème siècle survient une bande de pillards et tortionnaires qui surgissent dans la maison, et les plus grands des enfants parviennent à s'enfuir dans cette nuit d'hiver enneigé. le garçon a très vite disparu, et les deux filles se mettent en marche dans le froid glacial pour s'éloigner au plus vite du chaos qui a dévasté leur maison, leur famille. Cette fuite durera une journée que Henni vivra tout d'abord un peu rassurée par la présence de Zelda, protectrice et réconfortante, puis seule quand leurs chemins se sépareront. le lecteur va ainsi suivre Henni dans toutes ses émotions, ses terreurs, ses espoirs, ses efforts démesurés pour survivre, elle si jeune, dans ce froid glacial, s'efforçant de trouver le courage d'avancer dans les souvenirs de cette enfance dont elle vient d'être arrachée, qu'elle se remémore inlassablement pour tenter de rationaliser cette nuit de furie.
Angélique Villeneuve use d'une langue formidablement sensuelle, la nature qu'elle décrit est vivante, odorante, tantôt éblouissante et tantôt terrifiante. Elle nous donne à vivre ce que vit Henni dans les moindres détails, au coeur de sa chair, et nous sommes emportés dans une empathie fusionnelle vis-à-vis de cette petite fille exceptionnelle. Henni nous habitera encore longtemps après avoir lu son histoire, pour notre plus grande admiration.


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J'aime énormément lire Angélique Villeneuve. L'annonce d'une nouvelle sortie est donc toujours un cadeau. Et il faut bien dire que se plonger dans la rentrée littéraire en avant première, en faisant bien attention à ne pas regarder les avis déjà parus, est aussi une chance. Je me suis donc glissée dans ce livre avec un regard neuf, pendant mes vacances, et j'ai pris de plein fouet l'écriture sublime d'Angélique Villeneuve et la violence des premières pages… Henni a huit ans et vit avec sa famille dans une modeste maison. En quatrième de couverture, il est précisé que nous sommes à l'est de l'Europe, quelque part dans la Zone de Résidence où sont cantonnés les Juifs au début du XXe siècle. Mais le lecteur ne sait rien de tout cela et il ne sait pas vraiment si le lieu décrit existe réellement, tant il apparaît avoir des contours flous, vu par les yeux de la fillette. Sa mère, qui ne bouge pas de son siège, vient d'avoir un nouveau bébé, Avrom, qui sera bientôt confié aux bons soins d'Henni. Sa soeur aînée, Zelda, en a déjà deux sous sa protection, que des garçons. Pour Henni, elle est celle qui sait tout, contrairement au frère aîné, Lev, qui n'est pas d'une grande aide. Un soir, des hommes, des brigands, pénètrent dans leur maison, brisant l'atmosphère douce qui y règne. La violence de l'intrusion fait lever leur mère de son siège, les exhortant à s'enfuir. Les aînés courent. Henni ne se doute pas qu'une longue journée d'errance solitaire l'attend, peuplée de souvenirs, de fantômes et d'épreuves… le lecteur suit les pas d'Henni, et le flux d'un récit qui semble avoir été écrit en apnée, à hauteur d'enfant. Et il est très agréable, et inquiétant à la fois, de cheminer ainsi longuement à ses côtés, entre réalité et imaginaire. Henni est un personnage qui me poursuivra longtemps je pense, et aussi ce roman qui a tous les ingrédients d'un conte des frères Grimm. Bien entendu, j'ai adoré retrouver l'écriture si singulière d'Angélique Villeneuve. Ce roman est dans la lignée de son oeuvre, un petit caillou supplémentaire dans son parcours d'une sensibilité rare. Je l'avais découverte en 2012 avec Un territoire.
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Henni la douce, la travailleuse inlassable, la petite et la grande soeur, est une fillette de huit ans qui vit dans la Zone de Résidence assignée aux juifs, dans un village du shtetl aux confins de l'Europe de l'Est au début du siècle dernier.
Henni a une grande soeur qu'elle admire. Zelda a tout appris de la grand-mère, elle sait, et peut tout faire dans la maison.
La mère se contente de pondre des bébés et de les alimenter quand on les lui présente, toujours assise sur ce siège qu'elle ne quitte jamais, dans cette maison bien entretenue dans laquelle elle ne touche à rien.
Henni a des petits frères, confiés à tour de role par le père aux deux fillettes, les deux premiers à Zelda, le petit dernier à Henni lorsqu'elle est enfin en âge de s'en occuper. Posséder un objet vivant et en avoir la responsabilité, quelle chance inouïe.
La vie s'écoule paisiblement, entre le travail de la ferme et celui dédié à la famille, dans cette maison à l'écart du village.
Jusqu'au jour où, ils sont venus, les cavaliers, les hommes seuls ou par deux ou trois, ont détruit, pillé, brûlé, tué...
Le père a dit de fuir, la mère qui ne parle jamais a dit de fuir... Alors Henni, Zelda et Lev, le grand frère ont fuit.
Réfugiés dans les entrailles de la briqueterie voisine, Henni va vivre à hauteur d'enfant les doutes, les angoisses, les terreurs et les incompréhensions qu'engendre une telle folie.
Car que peut comprendre une fillette de cet âge à la violence des hommes, comment même envisager la réalité des pogroms quand on vit en bonne intelligence à côté des autres. Que sait-on de l'antisémitisme et de l'extermination en cours et à venir d'un peuple oppressé depuis la nuit des temps.
C'est terrible et beau à la fois cette vision naïve et positive de la vie, de la famille, des autres. Henni n'est jamais seule, car chacun de ses doigts représente un membre de la famille Sapojnik, enfin, pas tous, elle n'en trouve que neuf en comptant la grand-mère décédée.

la suite est en ligne sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2023/09/09/les-ciels-furieux-angelique-villeneuve/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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COUP DE COEUR

" Sa soeur Zelda, depuis toujours, est un horizon dans lequel se jeter."

A l'est de l'Europe, quelque part dans la Zone de Résidence où sont cantonnés les juifs en ce début du vingtième siècle.

Henni a huit ans et vit dans un village ordinaire avec sa famille, ses parents, son frère aîné, les bébés et surtout Zelda, sa soeur aînée, son modèle en tout. Henni et Zelda s'occupent des bébés. Un soir, à la fin de l'hiver, des hommes en furie pénètrent dans leur maison, comme dans tant de maisons ils sont entrés et entreront encore pour piller, pour punir et pour tuer. Dans l'affolement, une partie de la fratrie parvient à s'enfuir.

Le livre raconte vingt-quatre heures de la vie d'Henni après cette intrusion.

Ce roman m'a au départ surprise tellement il est différent des romans d'Angélique Villeneuve que j'ai déjà lus, j'ai eu quelques petites difficultés à rentrer dedans mais ce ne fut que l'histoire de quelques dizaines de pages.
L'auteure réussit merveilleusement bien à se mettre dans la peau de cette petite fille de huit ans lors de son périple dans des lieux où elle n'est jamais allée, dans des lieux saccagés par la folie humaine. A travers ses pensées, ses souvenirs, le monde qu'elle recompose en pensée, nous découvrons une personnalité inoubliable, sa force, son ingénuité bouleversent. Elle avance portée par les conseils de son père, par la voix de Zelda quand elle se retrouve seule. Sa famille est avec elle grâce à ses "doigts-personnages" car elle a attribué chacun de ses doigts à un membre de sa famille " Elle n'est pas seule. Il suffit de dire le nom de chacun dans sa tête."... Quelle magnifique idée !
L'écriture d'Angélique Villeneuve est comme toujours très poétique, très visuelle, elle fait appel à tous les sens, d'emblée l'atmosphère est là avec arbres et animaux, d'emblée les personnages sont fortement incarnés. Nous découvrons le quotidien tranquille et rempli d'apprentissages d'Henni avant le jour funeste, la place de Zela et de son père dans sa vie, son regard sur sa mère immobile dans son fauteuil, son amour pour son petit frère Avrom qui lui a été désigné comme "son bébé tout à elle", le plus beau cadeau qui pouvait être fait à cette petite fille qui rêvait de posséder quelque chose de vivant.
Un texte où sauvagerie et tendresse se côtoient, une sauvagerie qui n'est que suggérée et c'est une des grandes forces de ce roman où Angélique Villeneuve a choisi de se centrer sur la petite fille.
Un texte d'une rare puissance qui a une portée universelle car si nous devinons très vite qu'il s'agit de juifs, le mot n'est jamais précisé, cette histoire de persécution peut se passer n'importe où, n'importe quand et atteindre n'importe quelle communauté. La résonnance avec l'actualité est très forte.
Un texte bouleversant qui offre une lueur d'espoir à la fin avec un dénouement ouvert qui laisse toute sa place au lecteur. Une lecture qui révolte mais qui éblouit par la grâce de l'écriture de l'auteure et par la force de son héroïne.
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Mais quelle écriture !
Ce roman nous plonge dans l'enfance de Henni, 8 ans, juive et vivant dans un pays de l'Est. Elle raconte sa famille dont chaque membre a une place sur un de ses doigts des mains. La mère est physiquement là mais absente de son rôle maternel. Elle met au monde des enfants et cela l'épuise. Alors ce sont les filles qui s'occupent chacune d'un ou deux bébés. Elle se méfie de son grand frère, Lev, qui lui fait peur. Son père est bon et gentil, pas du tout comme les autres pères craints par leurs enfants. Dès l'âge de 4 ans, Henni est initiée aux tâches ménagères. Sa grande soeur, Zelda, lui apprend tout et lui sert de mère de substitution. Henni s'occupe de « son bébé », Avrom, avec amour, et Zelda, de deux bébés, Iossif et Kolia. Les deux soeurs se relaient les nuits.
On ne connaît donc pas exactement le lieu où se déroule cette histoire ni l'époque. En tout cas, on s'y déplace à cheval et il n'y a pas d'électricité. On comprend qu'il existe une forme de racisme envers les Juifs et que c'est certainement la raison pour laquelle sa famille est attaquée ce soir-là. Tout cela est vu à hauteur d'enfant avec des mots d'une enfant de 8 ans. Henni nous plonge dans son imaginaire, ses peurs et sa poésie.
Un soir donc, des hommes débarquent dans leur maison et les menacent. Lev, Zelda et Henni s'enfuient, courent dans la neige et se réfugient dans une briqueterie. le roman se concentre sur cette nuit de peur et de froid vécue par Henni qui se retrouvent séparée de sa soeur à moment donné. Elle doit décider de son chemin, réfléchir pour éviter les dangers et surtout elle essaye de comprendre ce qu'elle voit et cela est totalement incompréhensible pour une petite fille.
Ce texte est puissant et ne peut laisser indifférent. Il ressemble par moment à un conte. L'écriture est centrée sur les sens, sur ce que ressent Henni. J'avoue ne pas avoir tout compris et il y a un certain nombre de questions qui restent en suspens à la fin de ma lecture. En tout cas j'ai ressenti tout l'amour de Henni pour sa famille. Une petite fille attachante qu'on a envie de protéger. Tout au long du roman, on espère qu'elle retrouvera sa famille, sa maison, sa vie, même si rien ne pourra plus être comme avant et qu'on sait que l'innocence et l'enfance de Henni sont désormais derrière elle. Une prouesse littéraire très réussie et bouleversante qui résonne malheureusement avec l'actualité. Si vous aimez être bousculé par vos lectures, celle-ci est de cette trempe !
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Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé
La grâce, c'est ce qui caractérise l'écriture d'Angélique Villeneuve. Une nouvelle fois, elle enveloppe ses lecteurs de ses mots à la poésie ténue qui a la légèreté des fils d'une toile d'araignée tissée avec savoir et patience.
C'est ainsi que nous sommes à hauteur de cette petite fille, Henni.
« Henni et la peur de rien. Ça n'est pas un mensonge mais pas une vérité non plus. »
L'incipit cloue le lecteur sur place, par la violence insidieuse de l'indicible, une petite fille fuit et elle a charge « d'âmes ».
Dans cette fuite éperdue, Henni convoque tout ce qui a fait son quotidien avant la déflagration de l'inhumanité.
Tous ces fragments de vie sont autant d'éclats d'obus qui déchirent notre chair.
Le biais par lequel nous découvrons cette jeune vie fait penser aux contes, ceux qui nous faisaient peur et pleurer.
Henni est une petite fille sage et laborieuse au sein d'une famille qui vit en dehors du village, on sait d'instinct qu'ils sont parqués là, à l'écart.
Comme tout enfant que la vie malmène Henni est adulte avant l'âge, elle apprend vite tout ce qui peut améliorer la vie de sa famille, pas un instant d'innocence, d'insouciance.
Tout est menace.
« Elle apprécie plus que tout l'heure où dans la maison les choses se rencoquillent dans le ronron du silence. »
Après l'intrusion, Henni reconstitue par fragments tout le précieux de sa jeune vie, sa famille.
Avec elle, nous respirons cet air dense, nous entendons ces chuchotements qui n'annoncent rien de bon, nous enregistrons les regards sombres, les mines angoissées des adultes, la tension qui règne sur la communauté dont elle fait partie, cette chappe de plomb qui dit que l'horreur resurgit. L'Histoire, celle que les hommes font, n'apprend rien du passé.
Un livre au coeur de l'actualité qui montre l'urgence à réagir. Il n'y a aucune justification aux actes de barbarie, aucune.
Pas de lieu précis, de date, juste quelque part dans le vaste monde. Chaque jour nous voyons que la bête immonde est là.
Certains mots ne sont pas prononcés cette absence fait sonner clair les noms des pourchassés, témoins de vie.
Penser au ressenti de cette petite fille symbole de l'indicible :
« On n'est plus qu'une fille qui s'appelle Henni et on ne sait pas exactement ce que ça veut dire, comment on va s'en sortir avec ça puisqu'on n'a rien d'autre.
Il y a le voile à l'intérieur du crâne qui empêche de penser, et qui gêne, et qui pèse. »
Ne pas s'habituer à la barbarie et se sentir tous concernés, un voeu pieu ?
Merci Masse Critique Babelio et les éditions le Passage pour ce privilège de lecture.
©Chantal Lafon

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