Observés au microscope, les neurones ont une apparence fixée, statique, bien éloignée de la réalité. Ils se parlent grâce à la multitude de leurs contacts synaptiques qui, loin d'être stables, se font et se défont, s'ouvrent et se ferment en fonction des signaux électriques et chimiques qui les animent : une population innombrable et changeante, grouillante d'un va-et-vient et d'un remodelage incessants. En somme, une machine plastique aux milliards de rouages qui évoluent et se plient aux exigences d'un milieu incertain.
p. 22
« Le cerveau est le terrain de « je » du corps. C'est parce qu'il a un cerveau qui éprouve tout ce qui advient dans et par son corps, avec son lot de souffrance et de plaisir, que l'homme peut dire « je ». Et tous les souvenirs, toutes les manières d'être, toutes les aptitudes et tous les comportements usuels qui constituent notre identité, ce « moi » dont nous nous parons, sont aussi le produit de notre cerveau. Mais il ne faut pas oublier que c'est à « vous » que « je » s'adresse, c'est-à-dire à un autre cerveau, voix d'une autre chair portant son propre lot de souffrance et de plaisir. Le cerveau, support de l'individuation et du moi, est donc aussi celui du « nous », de la société des hommes. On notera ainsi, dans ce livre, deux fils directeurs qui souvent s'entremêlent. Le premier est le plaisir et sa compagne la souffrance, qui gouvernent l'ensemble de nos actes et de nos représentations du monde ; le second est « l'autre », tant le besoin et la reconnaissance d'autrui constituent l'essence de l'humain. »
p. 11
Le grand psychiatre suisse Auguste Forel dans l'Ame et le système nerveux affirmait que "l'âme et l'activité du cerveau vivant sont une seule et même chose". C'est le point de vue que j'adopterai jusqu'à preuve du contraire, c'est-à-dire tant que l'on n'a pas prouvé qu'il existe des âmes sans cerveau et des cerveaux vivants sans âme.