AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur L'ours et le philosophe (30)

En un mot, si l’humour n’est pas digne d’être pris au sérieux, on ne voit pas très bien ce qui mériterait de l'être.
Commenter  J’apprécie          452
J'ai parfois songé à écrire un petit traité relatif aux insultes, ou du moins à rassembler un florilège de celles-ci. En soulignant ce principe fondamental de la répétition des attaques.

Trois exemples me viennent à l'esprit.

L'injure la plus terrible, celle de Jules Renard à l'un de ses détracteurs dont le nom a disparu (tant mieux pour lui !) : « Vous ne direz jamais autant de mal de moi que j'en penserais de vous, si je pensais à vous. »

La plus drôle, celle de Gabriele D'Annunzio à l'adresse de Marinetti, l'apôtre du futurisme : « Un crétin traversé par des éclairs d'imbécillité. »

Et la plus impitoyable ou la plus clairvoyante, chacun en jugera, celle de Claudel exaspéré par les surréalistes qui s'acharnaient contre lui dans leurs manifestes d'adolescents provocateurs : « Des imbéciles qui voulaient se faire passer pour des fous. »
Commenter  J’apprécie          330
Existait-il un homme plus sociable et généreux que Diderot ?

Gaffeur peut-être, à l'occasion, mais empressé à se faire pardonner.

Autant il détestait les mondanités, les vains bavardages, « cette langue froide et vide de sens qu'on parle aux indifférents », autant il était disposé a consacrer du temps à ses amis, à converser avec eux.

Si ses livres, ceux que l'on ne cesse aujourd'hui de lire ou de relire, nous touchent à ce point, c'est qu'ils semblent écrits en forme de longues conversations. Diderot considérait ses lecteurs comme des proches, dignes de ses confidences — et ses Salons ne dérogeaient pas à cette forme-là.
Commenter  J’apprécie          320
(...) le philosophe mourut subitement, le 31 juillet 1784, vers midi, alors qu'il était à table. Personne ne pouvait donc lui reprocher d'avoir refusé l'extrême-onction. Comment en aurait-il eu la possibilité ?

Ce fut dans la Chapelle de la Vierge de l'église Saint-Roch que se tint, le 1er août, la cérémonie funéraire. Falconet, paralysé depuis plus d'un an, ne pouvait assister aux obsèques de son ancien ami. Avait-il même été tenu au courant, en temps voulu, de sa mort ? Mais, en un sens, Diderot retrouva Falconet dans cette église - la seule pour laquelle le sculpteur avait longtemps travaillé, comme concepteur de ses travaux d'embellissement, dans les années 1750.

La Chapelle de la Vierge, dans le prolongement théâtral et mystérieux de la nef, avait requis tous ses soins. Il avait lui-même sculpté le groupe de Marie et de l'ange Gabriel, au moment de l'Annonciation.

Cette rencontre m'émeut au plus haut point : une chapelle décorée par Falconet, la seule dans Paris, la seule au monde, où les obsèques de Diderot se déroulèrent avant que son corps ne reposât dans un caveau, sous son dallage.

Un hasard ? Sans aucun doute.

Personne, parmi les proches ou la famille du défunt, n’avait prémédité cela.

Personne, à ma connaissance, n'a jamais souligné non plus cette présence de Falconet ou de ses œuvres, là où Diderot allait tirer sa révérence à notre monde.

Mais c'était un signe tout de même de ce qui avait uni autrefois les deux hommes.

Dans la Chapelle de la Vierge se mêlèrent, ce jour-là, les ombres du sculpteur et du philosophe.
Commenter  J’apprécie          260
Diderot est un gentil, comme on dit. Il aime ses amis, il est prévenant à leur égard, il se met en quatre pour leur rendre service, il est disposé, parfois, à sacrifier ses œuvres personnelles ou le temps qu'il devrait leur consacrer pour les offrir à ceux qui lui sont chers sous la forme de longs et éblouissants monologues.

Falconet n'est pas un gentil — ou un être sociable. Ceux qu'il considère comme ses amis, il les supporte - et c'est déjà beaucoup ! Les autres, il les rejette, un point c'est tout. Prévenant, non, il ne l'est certes pas davantage. Et l'on se persuaderait sans mal qu'il se mettrait en quatre, lui, pour éviter de rendre service - ou plutôt pour ne jamais se laisser distraire de son travail en cours.

Pourtant, c'est Diderot le gentil qui prend l'offensive et c'est Falconet, qui ne l'est pas, qui doit se défendre. Par tous les moyens s'il le faut.

Il faut bien l'admettre : les méchants, ou plutôt ceux qui ne sont pas aimables ou ne se soucient pas de l'être, sont en règle générale beaucoup plus reposants que les gentils. Ils ne demandent rien aux autres et il ne faut surtout rien leur demander en retour. Ils se replient dans leur caverne, ils hibernent, ils ronchonnent. En un sens, ils ne font de mal à personne puisqu'ils ne vont à la rencontre de personne.

On connaît cette apostrophe familière lancée à celui que l'on soupçonne d'intentions agressives à son égard :
- Alors quoi, tu me cherches ?
Commenter  J’apprécie          260
Falconet au travail se bat contre la matière. Il s'affronte au marbre, à l'argîle, il fait couler du bronze dans ses moules. Il sait d'expérience que ses ouvrages sont périssables. Uniques et périssables. Les vicissitudes de l’Antiquité lui ont donné maints exemples de saccages ou de disparitions sans recours.

Diderot, lui, ne s'attache pas à la matérialité périssable de l'écrit, du manuscrit. L'imprimerie est passée par là. Il restera toujours trace de ses ouvrages. Autrement dit sera à jamais préservée l'intégralité de ses œuvres de l'esprit. Du moins de celles qui auront déjà été publiées de son vivant, nous y reviendrons. Pour paraphraser un célèbre dicton, les statues, comme les paroles, volent, s'envolent et se brisent, les écrits restent et resteront.
Commenter  J’apprécie          261
Peut-on parler d'affections imaginaires ?

Notre littérature est nourrie de ce senriment-Ià, de cette imaginaire-là. Combien de romans pour nous rappeler que l'on ne tombe pas amoureux d'une femme mais de l'image d'une femme ou de l'idée d'une femme ? « II est plus facile de mourir pour une femme que d'en rencontrer une qui le mérite », disait-on au XVIIIe siècle. Affirmation parfaitement misogyne et que l'on serait en droit d'inverser, j’en conviens. Ce qui ne change rien à cette évidence : il est plus facile de mourir pour l'idée d'un être humain que pour un être humain.
Commenter  J’apprécie          260
Dès lors, La Religieuse en 1759, Le Neveu de Rameau qu'il commence à écrire en 1762, Le Rêve de D'Alembert en 1769 ou Jacques le Fataliste en 1771, il les gardera pour lui, dans ses papiers, ou pour le bonheur de quelques privilégiés (les abonnés de la Correspondance littéraire en particulier) à qui il les fera lire, rien de plus.

Si Diderot ne s'était pas réconforté par la douce musique de la postérité, que lui serait-il resté de ses années de labeur ?

Ses propres livres n'existaient encore qu'à l’état de manuscrits, à la merci du moindre accident, une perte, l'incendie de son bureau, la distraction ou la négligence de ses héritiers, que sais-je !... La postérité, il l'implorait de porter ses livres vers ses lecteurs tant attendus, ses premiers lecteurs, et qui vivraient forcément après lui.

Il faisait appel à elle, il n'avait d'autres recours.

Et cet appel a été couronné de succès.

On n'a cessé de lire et relire Diderot.
Commenter  J’apprécie          250
À qui suis-je redevable de Laurence Sterne et de son livre, Tristram Shandy (nous y revoilà, et il était temps !) dont je me suis emparé un jour dans cette bibliothèque ? Je me le demande encore...

Mais je voudrais m'attarder d'abord sur ce mot si beau et si grave : redevable. Sur ce mot ou sur cette dette de reconnaissance et de gratitude que je dois à ceux qui, tout au long de ma vie, m'ont conseillé des écrivains ou mieux, m'ont tendu des livres. N'est-ce pas là l'une des offrandes les plus précieuses qui soient ? Le geste le plus fondamental de toute éducation ? Oserais-je dire, de tout amour ?

Il faut bien entendu instruire nos proches, ceux que nous avons le devoir d'élever, d'entourer et de protéger par notre affection, aucun doute ! Mais un livre que l'on tend à un parent, un ami ou même un inconnu, comme ça, sans insister, sans obligation d'aucune sorte, sans attendre un retour sur investissement, pour reprendre cette abominable expression des milieux de la finance, existe-t-il là quelque chose de plus décisif ?
Commenter  J’apprécie          240
Souvent les misanthropes, les grognons, les taciturnes et les coléreux, fâchés avec leur temps comme avec leurs contemporains, se retranchent, se protègent et se consolent derrière la barrière de leurs livres. Comme s'ils ne voulaient plus converser qu'avec les morts.

Les ours seraient-ils de grands lettrés ?

À l'inverse, les lettrés et, plus encore, les collectionneurs, gardent souvent en eux un côté ours qui sommeille. C'est que l'homme qui collecdonne est un homme que ses collections ne décevront jamais. Pourtant, il demeure insatisfait. Toujours en quête de ce qui lui manque. Sa collection, c'est son œuvre, sa vie, le miroir de sa vie. Et s il estime un jour que sa collection s'achève, eh bien c'est qu'il va mourir ou qu'il l'accepte enfin.
Commenter  J’apprécie          230






    Lecteurs (38) Voir plus




    {* *}