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Qu'est ce que la postérité ?
Que peut espérer un artiste de la postérité ?

Eternelles questions qui, au au siècle des Lumières, ont alimenté une polémique et une brouille entre « L'ours et le philosophe », entre Etienne Maurice Falconet et Denis Diderot. Leur correspondance, non datée, alternant du tutoiement au vouvoiement, s'échelonne sur plusieurs années car le philosophe recommande le sculpteur à Catherine, impératrice de Russie, et celui ci part à Saint-Pétersbourg de 1766 à 1778. L'universitaire Yves Benot, a publié en 1958 « Diderot et Falconet - le pour et le contre, Correspondance polémique sur le respect de la postérité, Pline et les Anciens auteurs qui ont parlé de peinture et de sculpture » et Marc Buffat a repris la question dans « Diderot, Falconet et l'amour de la postérité » en 2008.

Frédéric Vitoux a profité du confinement pour relire ces lettres et repenser notre rapport à la postérité dans une époque ou le mouvement woke entend « du passé faire table rase ». L'académicien observe qu'un sculpteur inscrit son oeuvre de son vivant dans le marbre et l'enracine en un lieu. Ce n'est pas nécessairement le cas d'un écrivain dont les livres sont parfois édités après sa mort et Denis Diderot, emprisonné quelques mois pour « La Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient », a la prudence de laisser au fond de ses tiroirs la plus grande partie de son oeuvre, ou de la réserver aux rares et riches abonnés de la Correspondance littéraire. On comprend ainsi pourquoi il attend et espère beaucoup de la postérité !

Diderot, Falconet et Vitoux ont vécu une partie de leur existence sur l'Ile Saint Louis et ce voisinage crée une camaraderie littéraire qui incite notre académicien à arbitrer le match qui oppose les polémistes. Il analyse le fond et la forme de la dispute. Diderot assaille et cherche à vaincre ou à convaincre. Falconet ne demande rien à personne et joue en défense. Ce combat du siècle annonce le combat de boxe du 8 mars 1971 opposant Cassius Clay, alias Muhammad Ali, et Joe Frazier au Madison Square Garden.

La digression, la divagation et la diversion composent le style de Frédéric Vitaux qui navigue entre les siècles et évoque aussi bien Henri de Latouche, injustement oublié dans l'ombre de Marguerite Desbordes-Valmore, que Laurence Sterne auteur de Tristam Shandy, dont l'exergue est « Non enim excursus hic ejus, sed opus ipsum est », que Louis-Ferdinand Céline ou Serge Rezvani.

Mais revenons à notre ours. Frédéric Vitoux sort de l'ombre « Mademoiselle Victoire » (ne pas confondre avec la fiancée du sapeur Camember dessinée par Christophe), Marie-Ange Collot, sa muse, sa bru, qui sculpte la tête de Pierre le Grand, « Le cavalier de bronze ».

Le philosophe à sa mort en juillet 1784 est enterré dans la chapelle décorée par Falconet à Saint-Roch ; le sculpteur est enterré en janvier 1791 à Saint-Louis-en-l'ile où Diderot s'est marié.

Falconet ne croyait pas en la postérité, Diderot l'espérait. Frédéric Vitoux fait revivre l'époque des encyclopédistes, annexe des repères chronologiques et livre une bibliographie qui permettent au lecteur séduit par cette étude aussi limpide que pédagogique d'être « cultivé » et non pas « augmenté » car l'homme est un héritier et Frédéric Vitaux a l'immense mérite de transmettre à la postérité l'héritage des Lumières.

PS : ma lecture de la comédie de Terracina
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Librairie Caractères / Issy - Choisi le 26 février 2022

Un grand bonheur de lecture... avec le plaisir d'apprendre, encore et encore, par des chemins buissonniers, imprévus et joyeux !....

« J'aime Diderot.Qui n'aimerait pas Diderot ?
Mais Falconet ?
L'entreprise est plus difficile.
Il est temps que j'en vienne aux aveux.
J'ai dit qu'il était un Ours.
Eh bien voilà ,j'aime les ours.Je crois que je les ai toujours aimés. (p.33) »

Très heureuse d'être « tombée » sur le dernier ouvrage de Frédéric Vitoux, qui nous plonge dans le Siècle des Lumières, avec un célèbre sculpteur au caractère sauvage, Falconet, un « ours fort mal léché »…et son contraire, le très sociable, bavard et philosophe, Denis Diderot.

Ces deux-là, aux tempéraments opposés, seront toutefois, un temps durant, les meilleurs amis du monde… C'est que que Frédéric Vitoux nous offre dans ce récit : la naissance et l'évolution de cette Amitié peu ordinaire ; les parcours intellectuels et artistiques des deux hommes, aux personnalités antinomiques, leurs désaccords, leur admiration et affection l'un pour l'autre et puis finalement, la brouille !…

Ce qui peut-être déroutant dans cette narration… c'est qu'alors que nous voguons en plein 18e siècle… Frédéric Vitoux enchaîne sur le présent, ou son passé personnel : évocation d'amis, d'écrivains, de rencontres, des anecdotes liés à ses livres…Il y mêle ses affections, ses admirations, dont celle, indéfectible, pour Bernard Frank, que l'on retrouve dans d'autres de ses ouvrages dont « le Bar des Mariniers » ; sans omettre sa passion totale, exclusive pour "son" Ile Saint-Louis, lieu magique de toute sa vie, à nul autre , comparable….qui parcourt quasiment tous ses livres !


L'impression parfois de sauter du coq à l'âne… ou d'être, comme dans les écrits de Diderot, immergé dans une conversation à bâtons rompus, entre amis….
L'auteur, comme « son » Diderot, a un goût immodéré pour les chemins de traverse…et une curiosité toujours en mouvement…

Cela fait parfois sourire… toutefois, ce procédé narratif a le mérite de rendre l'ensemble très vivant, et très prodigue en informations…comme une des phrases de la quatrième de couverture l'exprime justement : « Quand l'érudition se fait jubilation. »...

Pour ma part, j'ai appris, avec stupéfaction et plaisir que Frédéric Vitoux, par le plus grand des hasards, s'est vivement intéressé à un personnage qui fut très célèbre au XIXe : Henri Latouche.

Personnalité littéraire, de premier plan, polémiste virulent, un autre « ours mal léché », dont Frédéric Vitoux rêvait de consacrer, un jour, un ouvrage… Henri Latouche me parle beaucoup, car je l'ai souvent croisé, recroisé pendant mes années de bibliographe et catalographe en Librairie ancienne….

Je vais donc transcrire un long extrait sur son caractère et son parcours, car, Vitoux a bien raison de le sortir de cet oubli injuste où il a sombré , depuis!!!

« En attendant, c'était lui, Latouche, qui avait retrouvé et rassemblé les poèmes d'André Chénier pour leur assurer une première édition, posthume bien sûr, en 1819. C'était lui qui avait suggéré à Vigny le sujet de –Chatterton.- C'était lui qui avait encouragé son ami Balzac à écrire –Les Chouans-, son premier vrai succès public. C'était lui, bien entendu, qui avait encouragé sa compatriote George Sand à venir à Paris, où il avait veillé à ses débuts journalistiques et littéraires. Ajoutons qu'il partagea un peu plus tard la vie de la poétesses Marceline Desbordes-Valmore… […]
Ce sauvage était partout. Influent sans doute mais vulnérable. Irascible, intransigeant, et donc entouré d'adversaires, il faisait peur. Chacun louait sa causticité, son intelligence fulgurante. Mais il ne pouvait compter sur personne pour le défendre. Il n'était pas un homme de clan. Il haïssait les coteries- et les coteries lui rendaient bien »….

Si j'ai alourdi quelque peu cette chronique [et je m'en excuse, par avance !] avec ce portrait de Henri Latouche, c'est pour montrer aux autres lecteurs combien Frédéric Vitoux nous embarque bien au-delà du 18e et de nos deux artistes, Falconet et Diderot….Il nous emporte dans une longue promenade artistique, littéraire et amicale à travers le temps! J'ai dévoré toutes ces pérégrinations culturelles ,éclectiques, multiples, colorées de Frédéric Vitoux, en une nuit !!!

Une lecture joyeuse , des plus enrichissantes pour tous les "accrocs" de Littérature, de Beaux-Arts, d'Histoire... Il y en a, en fait, pour presque tous les goûts !!
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C'est l'histoire d'une amitié et de ses aléas, la vie n'est pas un long fleuve tranquille entre deux génies : un philosophe, en la personne de Diderot et Falconet sculpteur tout aussi reconnu, qui se sont connus probablement en 1760, lors de la préparation de l'Encyclopédie. Leurs vies vont se mêler, s'entremêler, se déchirer, notamment quand Falconet a poussé son ami à répondre à l'invitation de Catherine II, à Saint-Pétersbourg, l'invitant à résider chez lui et lui refusant l'hospitalité à la dernière minute.

Une querelle va les opposer autour de la postérité. Que reste-t-il d'une oeuvre lorsque l'auteur meurt ? Pour Falconet, l'oeuvre, en l'occurrence la sculpture se construit ici et maintenant, au présent, elle est et elle demeure, alors que pour le philosophe, tout se joue au futur car nombre de manuscrits reste dans les tiroirs et ne sont publiés qu'après la mort, ce qui impose une quête de perfection pour convaincre et nécessite une réflexion sur la trace qu'on va laisser.

Frédéric Vitoux base toute son argumentation sur les lettres échangées entre les deux hommes profitant des confinements pour se replonger dans cette correspondance, dont les beaucoup des originaux ont disparu.

On revisite aussi l'aventure de l'Encyclopédie, ses partisans comme les philosophes, les réticents, surtout les monarchistes, les religieux le pape en tête et le premier accroc dans l'amitié lorsque Diderot a demandé à Falconet de se charger de la rédaction de l'article sur la sculpture, ce qu'il refuse bien-sûr ce qui donne une envolée lyrique sur Tom et Jerry de son cher Tex Avery.

Régulièrement, l'auteur apporte avec humour ce qu'il ressent avec sa tirade sur les ours, car il compare Falconet à un ours, on le comprend très vite, ce qui lui permet de partir sur les traces des grizzlis ou des ours polaires ainsi que leur habitat, qu'ils soient ou non mal léché, grognent ou bougonnent … Je vous laisse imaginer le paragraphe sur l'ours !

L'ours est non seulement sauvage mais solitaire ; il reste seul dans sa caverne ou dans le creux d'un vieil arbre, il y passe une partie de l'hiver, sans en sortir pendant plusieurs semaines.

De temps en temps, on a des digressions, (la libre association fonctionne bien dirait l'ami Sigmund) au gré de l'humeur de l'auteur, et s'invitent alors Philippe Tesson, Jorge Amado, Jean d'Ormesson, Marguerite Desbordes-Valmore, tirant au passage de son ombre Henri de Latouche, ou encore Céline … même Tex Avery dont il raconte un cartoon pour étayer son propos, ou encore les famille Morisot…

Dans sa réflexion sur l'amitié, la manière dont elle naît, se développe et peut se traduire par des disputes, des conflits, des rancunes, l'auteur évoque une autre amitié, celle qui unissait Lawrence d'Arabie et le dramaturge Noël Coward

Frédéric Vitoux illustre son propos avec des portraits, tel celui de Mademoiselle Victoire (bru et amie de Falconet), sculptures de Falconet

Une réflexion amusante sur la bibliothèque immense et variée de Falconet :

Souvent les misanthropes, les grognons, les taciturnes et les coléreux, fâchés avec leur temps comme leurs contemporains, se retranchent, se protègent et se consolent derrière la barrière de leurs livres. Comme s'ils ne voulaient plus converser qu'avec les morts.

J'ai pris mon temps pour lire ce roman superbe, pour profiter de la plume ciselée de l'auteur, de « le banquier anarchiste » de Fernando Pessoa et de ce fait écrire ma chronique a été difficile : ne pas tomber dans l'idolâtrie avec des propos dithyrambiques ou ne pas en dire suffisamment pour donner envie de découvrir l'ours et le philosophe. le propos est tout simplement brillant.

Étant donné mon enthousiasme je me suis procuré le livre en version papier pour pouvoir m'y replonger régulièrement. Il est inutile de préciser que j'ai des phrases surlignées partout (pratiquement toutes les deux pages).

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteur qui je l'espère ne m'en voudront pas trop pour ce long retard.

#Loursetlephilosophe #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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4e de couverture :
L'Ours, c'est le sculpteur Falconet, auteur de la statue équestre de Pierre le Grand à Saint-Pétersbourg
Le philosophe, Diderot, qui insiste auprès de Catherine II pour que son ami bénéficie de cette commande qui assurera sa célébrité dans toute l'Europe.
Misanthrope, pessimiste, bougon, cultivant l'art de se fâcher avec ses contemporains, Falconet se moque éperdument de la postérité. Diderot, dont la plupart des grands livres restent alors, de par sa volonté, à l'état de manuscrits, place en elle tous ces espoirs.
Cette querelle, qui nourrit leur correspondance, est au coeur de notre époque, où la mémoire vacille quand le passé n'est pas purement et simplement trafiqué. La postérité a-t-elle aujourd'hui un avenir ?
Rien n'est désincarné ou théorique dans ce récit où revivent, autour de Diderot et Falconet, les protagonistes de la prodigieuse aventure du XVIIIe siècle que fut l'Encyclopédie...

Mon avis : Ce roman biographique sur Diderot et Falconet est admirablement bien écrit. C'est un peu romancé et les dialogues rendent la lecture plus vivante, ce sera certainement apprécié de ceux qui apprécient peu les documentaires.
Frédéric VITOUX, de l'Académie française, nous dévoile les correspondances de ces deux êtres que tout oppose, et toujours la même question sur la postérité et la survivance de l'oeuvre après l'artiste.
Un pur régal.

À lire avec une chapka sur la tête, un verre de vodka (petite eau en russe) et des blinis tartinés de caviar.

Mon compte Instagram : @la_cath_a_strophes
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je n'ai jamais lu une définition de l'ours, du misanthrope qui me convienne aussi bien. le livre nous décrit cette époque des lumières qui commencent à s'éteindre , la caractère énervant de ce génie de Diderot et de ses contemporains sculpteurs, tous égocentrés et hypersensibles. Un livre d'érudit qui s'adresse à tous
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À la question d'où vient l'élan qui pousse Frédéric Vitoux de l'Académie française à écrire son nouveau roman L'Ours et le Philosophe, l'auteur répond par un syntagme qui en dit long sur ce que nous oserions appeler la clé capable de déchiffrer l'entièreté de son oeuvre littéraire de la vie de Céline à Sérénissime, La Comédie de Terracina, L'Ami de mon père¸ Clarisse, Jours inquiets dans l'île Saint-Louis, Les Désengagés, Au Rendez-vous des Mariniers, L'Express de Bénarès, Longtemps, j'ai donné raison à Ginger Rogers et tant d'autres.

Selon lui, il s'agit d'un mélange de sentiments et d'imaginaires nommé des affections imaginaires.
Lien : https://lettrescapitales.com..
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