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EAN : 9782246828983
384 pages
Grasset (02/02/2022)
4.18/5   11 notes
Résumé :
L'ours, c'est le sculpteur Etienne Maurice Falconet, auteur de la statue équestre de Pierre Le Grand à Saint-Pétersbourg. Le philosophe, c'est Diderot qui intervint avec empressement auprès de Catherine II pour que son ami bénéficiât de cette commande qui allait assurer sa célébrité dans toute l'Europe.
A travers leur amitié, leur correspondance et leur longue querelle épistolaire autour de la notion de postérité, Frédéric Vitoux restitue ici une époque et d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Qu'est ce que la postérité ?
Que peut espérer un artiste de la postérité ?

Eternelles questions qui, au au siècle des Lumières, ont alimenté une polémique et une brouille entre « L'ours et le philosophe », entre Etienne Maurice Falconet et Denis Diderot. Leur correspondance, non datée, alternant du tutoiement au vouvoiement, s'échelonne sur plusieurs années car le philosophe recommande le sculpteur à Catherine, impératrice de Russie, et celui ci part à Saint-Pétersbourg de 1766 à 1778. L'universitaire Yves Benot, a publié en 1958 « Diderot et Falconet - le pour et le contre, Correspondance polémique sur le respect de la postérité, Pline et les Anciens auteurs qui ont parlé de peinture et de sculpture » et Marc Buffat a repris la question dans « Diderot, Falconet et l'amour de la postérité » en 2008.

Frédéric Vitoux a profité du confinement pour relire ces lettres et repenser notre rapport à la postérité dans une époque ou le mouvement woke entend « du passé faire table rase ». L'académicien observe qu'un sculpteur inscrit son oeuvre de son vivant dans le marbre et l'enracine en un lieu. Ce n'est pas nécessairement le cas d'un écrivain dont les livres sont parfois édités après sa mort et Denis Diderot, emprisonné quelques mois pour « La Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient », a la prudence de laisser au fond de ses tiroirs la plus grande partie de son oeuvre, ou de la réserver aux rares et riches abonnés de la Correspondance littéraire. On comprend ainsi pourquoi il attend et espère beaucoup de la postérité !

Diderot, Falconet et Vitoux ont vécu une partie de leur existence sur l'Ile Saint Louis et ce voisinage crée une camaraderie littéraire qui incite notre académicien à arbitrer le match qui oppose les polémistes. Il analyse le fond et la forme de la dispute. Diderot assaille et cherche à vaincre ou à convaincre. Falconet ne demande rien à personne et joue en défense. Ce combat du siècle annonce le combat de boxe du 8 mars 1971 opposant Cassius Clay, alias Muhammad Ali, et Joe Frazier au Madison Square Garden.

La digression, la divagation et la diversion composent le style de Frédéric Vitaux qui navigue entre les siècles et évoque aussi bien Henri de Latouche, injustement oublié dans l'ombre de Marguerite Desbordes-Valmore, que Laurence Sterne auteur de Tristam Shandy, dont l'exergue est « Non enim excursus hic ejus, sed opus ipsum est », que Louis-Ferdinand Céline ou Serge Rezvani.

Mais revenons à notre ours. Frédéric Vitoux sort de l'ombre « Mademoiselle Victoire » (ne pas confondre avec la fiancée du sapeur Camember dessinée par Christophe), Marie-Ange Collot, sa muse, sa bru, qui sculpte la tête de Pierre le Grand, « Le cavalier de bronze ».

Le philosophe à sa mort en juillet 1784 est enterré dans la chapelle décorée par Falconet à Saint-Roch ; le sculpteur est enterré en janvier 1791 à Saint-Louis-en-l'ile où Diderot s'est marié.

Falconet ne croyait pas en la postérité, Diderot l'espérait. Frédéric Vitoux fait revivre l'époque des encyclopédistes, annexe des repères chronologiques et livre une bibliographie qui permettent au lecteur séduit par cette étude aussi limpide que pédagogique d'être « cultivé » et non pas « augmenté » car l'homme est un héritier et Frédéric Vitaux a l'immense mérite de transmettre à la postérité l'héritage des Lumières.

PS : ma lecture de la comédie de Terracina
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Librairie Caractères / Issy - Choisi le 26 février 2022

Un grand bonheur de lecture... avec le plaisir d'apprendre, encore et encore, par des chemins buissonniers, imprévus et joyeux !....

« J'aime Diderot.Qui n'aimerait pas Diderot ?
Mais Falconet ?
L'entreprise est plus difficile.
Il est temps que j'en vienne aux aveux.
J'ai dit qu'il était un Ours.
Eh bien voilà ,j'aime les ours.Je crois que je les ai toujours aimés. (p.33) »

Très heureuse d'être « tombée » sur le dernier ouvrage de Frédéric Vitoux, qui nous plonge dans le Siècle des Lumières, avec un célèbre sculpteur au caractère sauvage, Falconet, un « ours fort mal léché »…et son contraire, le très sociable, bavard et philosophe, Denis Diderot.

Ces deux-là, aux tempéraments opposés, seront toutefois, un temps durant, les meilleurs amis du monde… C'est que que Frédéric Vitoux nous offre dans ce récit : la naissance et l'évolution de cette Amitié peu ordinaire ; les parcours intellectuels et artistiques des deux hommes, aux personnalités antinomiques, leurs désaccords, leur admiration et affection l'un pour l'autre et puis finalement, la brouille !…

Ce qui peut-être déroutant dans cette narration… c'est qu'alors que nous voguons en plein 18e siècle… Frédéric Vitoux enchaîne sur le présent, ou son passé personnel : évocation d'amis, d'écrivains, de rencontres, des anecdotes liés à ses livres…Il y mêle ses affections, ses admirations, dont celle, indéfectible, pour Bernard Frank, que l'on retrouve dans d'autres de ses ouvrages dont « le Bar des Mariniers » ; sans omettre sa passion totale, exclusive pour "son" Ile Saint-Louis, lieu magique de toute sa vie, à nul autre , comparable….qui parcourt quasiment tous ses livres !


L'impression parfois de sauter du coq à l'âne… ou d'être, comme dans les écrits de Diderot, immergé dans une conversation à bâtons rompus, entre amis….
L'auteur, comme « son » Diderot, a un goût immodéré pour les chemins de traverse…et une curiosité toujours en mouvement…

Cela fait parfois sourire… toutefois, ce procédé narratif a le mérite de rendre l'ensemble très vivant, et très prodigue en informations…comme une des phrases de la quatrième de couverture l'exprime justement : « Quand l'érudition se fait jubilation. »...

Pour ma part, j'ai appris, avec stupéfaction et plaisir que Frédéric Vitoux, par le plus grand des hasards, s'est vivement intéressé à un personnage qui fut très célèbre au XIXe : Henri Latouche.

Personnalité littéraire, de premier plan, polémiste virulent, un autre « ours mal léché », dont Frédéric Vitoux rêvait de consacrer, un jour, un ouvrage… Henri Latouche me parle beaucoup, car je l'ai souvent croisé, recroisé pendant mes années de bibliographe et catalographe en Librairie ancienne….

Je vais donc transcrire un long extrait sur son caractère et son parcours, car, Vitoux a bien raison de le sortir de cet oubli injuste où il a sombré , depuis!!!

« En attendant, c'était lui, Latouche, qui avait retrouvé et rassemblé les poèmes d'André Chénier pour leur assurer une première édition, posthume bien sûr, en 1819. C'était lui qui avait suggéré à Vigny le sujet de –Chatterton.- C'était lui qui avait encouragé son ami Balzac à écrire –Les Chouans-, son premier vrai succès public. C'était lui, bien entendu, qui avait encouragé sa compatriote George Sand à venir à Paris, où il avait veillé à ses débuts journalistiques et littéraires. Ajoutons qu'il partagea un peu plus tard la vie de la poétesses Marceline Desbordes-Valmore… […]
Ce sauvage était partout. Influent sans doute mais vulnérable. Irascible, intransigeant, et donc entouré d'adversaires, il faisait peur. Chacun louait sa causticité, son intelligence fulgurante. Mais il ne pouvait compter sur personne pour le défendre. Il n'était pas un homme de clan. Il haïssait les coteries- et les coteries lui rendaient bien »….

Si j'ai alourdi quelque peu cette chronique [et je m'en excuse, par avance !] avec ce portrait de Henri Latouche, c'est pour montrer aux autres lecteurs combien Frédéric Vitoux nous embarque bien au-delà du 18e et de nos deux artistes, Falconet et Diderot….Il nous emporte dans une longue promenade artistique, littéraire et amicale à travers le temps! J'ai dévoré toutes ces pérégrinations culturelles ,éclectiques, multiples, colorées de Frédéric Vitoux, en une nuit !!!

Une lecture joyeuse , des plus enrichissantes pour tous les "accrocs" de Littérature, de Beaux-Arts, d'Histoire... Il y en a, en fait, pour presque tous les goûts !!
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C'est l'histoire d'une amitié et de ses aléas, la vie n'est pas un long fleuve tranquille entre deux génies : un philosophe, en la personne de Diderot et Falconet sculpteur tout aussi reconnu, qui se sont connus probablement en 1760, lors de la préparation de l'Encyclopédie. Leurs vies vont se mêler, s'entremêler, se déchirer, notamment quand Falconet a poussé son ami à répondre à l'invitation de Catherine II, à Saint-Pétersbourg, l'invitant à résider chez lui et lui refusant l'hospitalité à la dernière minute.

Une querelle va les opposer autour de la postérité. Que reste-t-il d'une oeuvre lorsque l'auteur meurt ? Pour Falconet, l'oeuvre, en l'occurrence la sculpture se construit ici et maintenant, au présent, elle est et elle demeure, alors que pour le philosophe, tout se joue au futur car nombre de manuscrits reste dans les tiroirs et ne sont publiés qu'après la mort, ce qui impose une quête de perfection pour convaincre et nécessite une réflexion sur la trace qu'on va laisser.

Frédéric Vitoux base toute son argumentation sur les lettres échangées entre les deux hommes profitant des confinements pour se replonger dans cette correspondance, dont les beaucoup des originaux ont disparu.

On revisite aussi l'aventure de l'Encyclopédie, ses partisans comme les philosophes, les réticents, surtout les monarchistes, les religieux le pape en tête et le premier accroc dans l'amitié lorsque Diderot a demandé à Falconet de se charger de la rédaction de l'article sur la sculpture, ce qu'il refuse bien-sûr ce qui donne une envolée lyrique sur Tom et Jerry de son cher Tex Avery.

Régulièrement, l'auteur apporte avec humour ce qu'il ressent avec sa tirade sur les ours, car il compare Falconet à un ours, on le comprend très vite, ce qui lui permet de partir sur les traces des grizzlis ou des ours polaires ainsi que leur habitat, qu'ils soient ou non mal léché, grognent ou bougonnent … Je vous laisse imaginer le paragraphe sur l'ours !

L'ours est non seulement sauvage mais solitaire ; il reste seul dans sa caverne ou dans le creux d'un vieil arbre, il y passe une partie de l'hiver, sans en sortir pendant plusieurs semaines.

De temps en temps, on a des digressions, (la libre association fonctionne bien dirait l'ami Sigmund) au gré de l'humeur de l'auteur, et s'invitent alors Philippe Tesson, Jorge Amado, Jean d'Ormesson, Marguerite Desbordes-Valmore, tirant au passage de son ombre Henri de Latouche, ou encore Céline … même Tex Avery dont il raconte un cartoon pour étayer son propos, ou encore les famille Morisot…

Dans sa réflexion sur l'amitié, la manière dont elle naît, se développe et peut se traduire par des disputes, des conflits, des rancunes, l'auteur évoque une autre amitié, celle qui unissait Lawrence d'Arabie et le dramaturge Noël Coward

Frédéric Vitoux illustre son propos avec des portraits, tel celui de Mademoiselle Victoire (bru et amie de Falconet), sculptures de Falconet

Une réflexion amusante sur la bibliothèque immense et variée de Falconet :

Souvent les misanthropes, les grognons, les taciturnes et les coléreux, fâchés avec leur temps comme leurs contemporains, se retranchent, se protègent et se consolent derrière la barrière de leurs livres. Comme s'ils ne voulaient plus converser qu'avec les morts.

J'ai pris mon temps pour lire ce roman superbe, pour profiter de la plume ciselée de l'auteur, de « le banquier anarchiste » de Fernando Pessoa et de ce fait écrire ma chronique a été difficile : ne pas tomber dans l'idolâtrie avec des propos dithyrambiques ou ne pas en dire suffisamment pour donner envie de découvrir l'ours et le philosophe. le propos est tout simplement brillant.

Étant donné mon enthousiasme je me suis procuré le livre en version papier pour pouvoir m'y replonger régulièrement. Il est inutile de préciser que j'ai des phrases surlignées partout (pratiquement toutes les deux pages).

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteur qui je l'espère ne m'en voudront pas trop pour ce long retard.

#Loursetlephilosophe #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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4e de couverture :
L'Ours, c'est le sculpteur Falconet, auteur de la statue équestre de Pierre le Grand à Saint-Pétersbourg
Le philosophe, Diderot, qui insiste auprès de Catherine II pour que son ami bénéficie de cette commande qui assurera sa célébrité dans toute l'Europe.
Misanthrope, pessimiste, bougon, cultivant l'art de se fâcher avec ses contemporains, Falconet se moque éperdument de la postérité. Diderot, dont la plupart des grands livres restent alors, de par sa volonté, à l'état de manuscrits, place en elle tous ces espoirs.
Cette querelle, qui nourrit leur correspondance, est au coeur de notre époque, où la mémoire vacille quand le passé n'est pas purement et simplement trafiqué. La postérité a-t-elle aujourd'hui un avenir ?
Rien n'est désincarné ou théorique dans ce récit où revivent, autour de Diderot et Falconet, les protagonistes de la prodigieuse aventure du XVIIIe siècle que fut l'Encyclopédie...

Mon avis : Ce roman biographique sur Diderot et Falconet est admirablement bien écrit. C'est un peu romancé et les dialogues rendent la lecture plus vivante, ce sera certainement apprécié de ceux qui apprécient peu les documentaires.
Frédéric VITOUX, de l'Académie française, nous dévoile les correspondances de ces deux êtres que tout oppose, et toujours la même question sur la postérité et la survivance de l'oeuvre après l'artiste.
Un pur régal.

À lire avec une chapka sur la tête, un verre de vodka (petite eau en russe) et des blinis tartinés de caviar.

Mon compte Instagram : @la_cath_a_strophes
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je n'ai jamais lu une définition de l'ours, du misanthrope qui me convienne aussi bien. le livre nous décrit cette époque des lumières qui commencent à s'éteindre , la caractère énervant de ce génie de Diderot et de ses contemporains sculpteurs, tous égocentrés et hypersensibles. Un livre d'érudit qui s'adresse à tous
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critiques presse (2)
NonFiction
18 avril 2022
L’auteur, cultivant l’art de la digression, retrace l’amitié entre Diderot et le sculpteur Falconet et leur dispute épistolaire sur la postérité.
Lire la critique sur le site : NonFiction
LePoint
03 mars 2022
« Invoquer sa postérité, c'est faire un discours aux asticots », écrit Céline, dont c'est sans conteste l'un des meilleurs traits d'esprit. Autour de ce thème, Frédéric Vitoux, expert en célinisme, nous offre un livre vif et profond, un "roman" où tout est vrai.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
(...) le philosophe mourut subitement, le 31 juillet 1784, vers midi, alors qu'il était à table. Personne ne pouvait donc lui reprocher d'avoir refusé l'extrême-onction. Comment en aurait-il eu la possibilité ?

Ce fut dans la Chapelle de la Vierge de l'église Saint-Roch que se tint, le 1er août, la cérémonie funéraire. Falconet, paralysé depuis plus d'un an, ne pouvait assister aux obsèques de son ancien ami. Avait-il même été tenu au courant, en temps voulu, de sa mort ? Mais, en un sens, Diderot retrouva Falconet dans cette église - la seule pour laquelle le sculpteur avait longtemps travaillé, comme concepteur de ses travaux d'embellissement, dans les années 1750.

La Chapelle de la Vierge, dans le prolongement théâtral et mystérieux de la nef, avait requis tous ses soins. Il avait lui-même sculpté le groupe de Marie et de l'ange Gabriel, au moment de l'Annonciation.

Cette rencontre m'émeut au plus haut point : une chapelle décorée par Falconet, la seule dans Paris, la seule au monde, où les obsèques de Diderot se déroulèrent avant que son corps ne reposât dans un caveau, sous son dallage.

Un hasard ? Sans aucun doute.

Personne, parmi les proches ou la famille du défunt, n’avait prémédité cela.

Personne, à ma connaissance, n'a jamais souligné non plus cette présence de Falconet ou de ses œuvres, là où Diderot allait tirer sa révérence à notre monde.

Mais c'était un signe tout de même de ce qui avait uni autrefois les deux hommes.

Dans la Chapelle de la Vierge se mêlèrent, ce jour-là, les ombres du sculpteur et du philosophe.
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Diderot est un gentil, comme on dit. Il aime ses amis, il est prévenant à leur égard, il se met en quatre pour leur rendre service, il est disposé, parfois, à sacrifier ses œuvres personnelles ou le temps qu'il devrait leur consacrer pour les offrir à ceux qui lui sont chers sous la forme de longs et éblouissants monologues.

Falconet n'est pas un gentil — ou un être sociable. Ceux qu'il considère comme ses amis, il les supporte - et c'est déjà beaucoup ! Les autres, il les rejette, un point c'est tout. Prévenant, non, il ne l'est certes pas davantage. Et l'on se persuaderait sans mal qu'il se mettrait en quatre, lui, pour éviter de rendre service - ou plutôt pour ne jamais se laisser distraire de son travail en cours.

Pourtant, c'est Diderot le gentil qui prend l'offensive et c'est Falconet, qui ne l'est pas, qui doit se défendre. Par tous les moyens s'il le faut.

Il faut bien l'admettre : les méchants, ou plutôt ceux qui ne sont pas aimables ou ne se soucient pas de l'être, sont en règle générale beaucoup plus reposants que les gentils. Ils ne demandent rien aux autres et il ne faut surtout rien leur demander en retour. Ils se replient dans leur caverne, ils hibernent, ils ronchonnent. En un sens, ils ne font de mal à personne puisqu'ils ne vont à la rencontre de personne.

On connaît cette apostrophe familière lancée à celui que l'on soupçonne d'intentions agressives à son égard :
- Alors quoi, tu me cherches ?
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À ma demande, une documentaliste, heureuse de s'entretenir avec un homme qui avait lu Latouche, me confia un dossier qui lui était consacré. Quelle vie, quelle carrière il avait menées !

Très vite, cet enfant de La Châtre avait gagné Paris, y avait fait ses classes puis ses preuves dans la presse et l'édition. Républicain farouche, il avait marqué ses distances avec ses amis les romantiques, Hugo en tête, qui affichaient, dans les premières années de la Restauration, un royalisme bon teint, alors même qu'ils exigeaient une totale liberté littéraire. À chacun ses contradictions ! En attendant, c'était lui, Latouche, qui avait retrouvé et rassemblé les poèmes d'André Chénier pour leur assurer une première édition, posthume bien sûr, en 1819. C'était lui qui avait suggéré à Vigny le sujet de Chatterton. C'était lui qui avait encouragé son ami Balzac à écrire Les Chouans, son premier vrai succès public. C’était lui, bien entendu, qui avait encouragé sa compatriote George Sand à venir à Paris, où il avait veillé à ses débuts journalistiques et littéraires. Ajoutons qu'il partagea un peu plus tard la vie de la poétesse Marceline Desbordes-Valmore...

Consacra-t-il assez de temps à ses romans, à ses œuvres poétiques ? Il le confessera par la suite avec une ironie désabusée : « J'ai fait, comme on l’a dit, plus d'auteurs que d'ouvrages. »
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J'ai parfois songé à écrire un petit traité relatif aux insultes, ou du moins à rassembler un florilège de celles-ci. En soulignant ce principe fondamental de la répétition des attaques.

Trois exemples me viennent à l'esprit.

L'injure la plus terrible, celle de Jules Renard à l'un de ses détracteurs dont le nom a disparu (tant mieux pour lui !) : « Vous ne direz jamais autant de mal de moi que j'en penserais de vous, si je pensais à vous. »

La plus drôle, celle de Gabriele D'Annunzio à l'adresse de Marinetti, l'apôtre du futurisme : « Un crétin traversé par des éclairs d'imbécillité. »

Et la plus impitoyable ou la plus clairvoyante, chacun en jugera, celle de Claudel exaspéré par les surréalistes qui s'acharnaient contre lui dans leurs manifestes d'adolescents provocateurs : « Des imbéciles qui voulaient se faire passer pour des fous. »
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À qui suis-je redevable de Laurence Sterne et de son livre, Tristram Shandy (nous y revoilà, et il était temps !) dont je me suis emparé un jour dans cette bibliothèque ? Je me le demande encore...

Mais je voudrais m'attarder d'abord sur ce mot si beau et si grave : redevable. Sur ce mot ou sur cette dette de reconnaissance et de gratitude que je dois à ceux qui, tout au long de ma vie, m'ont conseillé des écrivains ou mieux, m'ont tendu des livres. N'est-ce pas là l'une des offrandes les plus précieuses qui soient ? Le geste le plus fondamental de toute éducation ? Oserais-je dire, de tout amour ?

Il faut bien entendu instruire nos proches, ceux que nous avons le devoir d'élever, d'entourer et de protéger par notre affection, aucun doute ! Mais un livre que l'on tend à un parent, un ami ou même un inconnu, comme ça, sans insister, sans obligation d'aucune sorte, sans attendre un retour sur investissement, pour reprendre cette abominable expression des milieux de la finance, existe-t-il là quelque chose de plus décisif ?
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Vidéo de Frédéric Vitoux
Frédéric Vitoux "Je veux croire en l'immortalité de l'esprit" (vidéo publiée par KTO TV le 20/04/24)
Parmi les nombreux romans, biographies et essais écrits par Frédéric Vitoux, de l'Académie française, certains ont été récompensés, notamment par le Prix Goncourt de la biographie pour sa « Vie de Céline » (Grasset). Dans son nouvel ouvrage, intitulé « L'Assiette du chat » (Grasset), présenté pour la première fois sur KTO, il invite le téléspectateur à découvrir une sorte de madeleine de Proust, dévoilant les dessous de sa propre histoire familiale. Devant Marie Brette, il accepte de lever aussi le voile sur ses sujets d'inspiration et autres secrets de famille. Bien que se définissant comme catholique, l'écrivain partage ses doutes avec sincérité : « Je suis catholique, ce qui ne m'empêche pas d'être pétri d'incertitude... Je veux croire en l'immortalité de l'âme ».
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