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Philippe Sadzot (Illustrateur)Tomasz - (Illustrateur)
EAN : 9782872911530
50 pages
GRIP (02/01/2020)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Il est impossible de déterminer le nombre d’armes à feu qui circulent dans le monde mais une chose est certaine : il n’y en a jamais eu autant! Selon des estimations récentes, il y en aurait aujourd’hui plus d’un milliard. Et si l’on considère les quantités qui sortent des arsenaux chaque année, ce flux n’est pas près de diminuer.

Lorsqu’on parle du commerce des armes, on imagine souvent des deals entre des types louches au fond de parkings sombres, a... >Voir plus
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Au début du mois de juin 1967, au moment où éclatait la guerre des Six jours, trois de mes camarades alors âgés de 13 à 14 ans tombaient dans la région de Bitche ( Moselle ) touchés par des éclats d'un obus qu'ils avaient déterré près d'une casemate datant de la Grande Guerre, et qu'ils s'étaient aventurés à jeter contre une pierre dans un fossé. L'un perdit un oeil, l'autre atteint à la carotide ne dut son salut qu'à la présence d'esprit, au sang-froid de l'un de ses copains et à la diligence des pompiers. le dernier, celui qui avait lancé l'objet meurtrier, eut le ventre ouvert et perdit la vie... à 14 ans... à cause d'un obus tout rouillé vieux de 50 ans !!!
Ce souvenir est toujours présent dans ma mémoire.
Le petit mort, qui n'eut jamais la chance de savoir ce qu'était que d'être un "poilu" ( un homme ), fut mon colocataire, mon voisin de banc durant toute l'année de 6ème.
Alors qu'il mourait à cause du jeu malsain auquel jouent les gamins, une vraie guerre tuait des hommes en Palestine... on la voyait à la télé, ça faisait des pages très impressionnantes dans Paris Match... mon père et ses collègues militaires ne parlaient presque que de ça.
Mon père au passage qui a deux fois "sauté sur une mine... en Indochine et en Algérie...
La guerre n'a jamais cessé...
Elle sévit toujours ici ou là...
Mais qui aurait pu imaginer que ce fléau viendrait à nouveau planter ses serres au coeur de l'Europe ?
Pour faire la guerre, il faut des armes... et à l'énoncé de tout ce matériel de mort utilisé par les barbares poutiniens et celui livré aux malheureux Ukrainiens agressés... l'idée m'est venue de chercher et de trouver des informations sur le commerce des armes.
J'avais lu précédemment quelques bouquins.
J'avais vu l'excellent film d'Andrew Niccol - Lord of War -, cette histoire vraie d'un trafiquant d'armes Soviétique... natif d'Ukraine...
J'avais été troufion pendant 12 mois dans une caserne alsacienne, tiré au fusil, tenu une grenade en main... mais j'avais passé surtout les dix mois qui suivent les classes, à buller dans une infirmerie...
Donc, tout cela ne me suffisait pas.
J'avais besoin de remettre à jour mes connaissances, faire le point sur mes lacunes.
Quelques recherches et je suis tombé sur - le commerce des armes : un business comme les autres ? - de Benjamin Vokar et Philippe Sadzot.
Quelle jubilation que de joindre l'utile "l'info, la connaissance, l'apprentissage" à l'agréable " le plaisir intemporel, gourmand, ludique d'une plongée dans des vignettes, des planches de dessins au graphisme personnalisé et stylisé, aux couleurs "pupilonantes", au toucher "proustien" ... grâce à une bande dessinée traitant du sujet ô combien sérieux ( grave ) du commerce des armes !
Cette BD que l'on doit aux éditions GRIP... acronyme pour "Groupe de recherche sur la paix et la sécurité, outre ses qualités graphiques, sa structure narrative, a le mérite d'être didactique, pédagogique, instructive, honnête et porteuse de valeurs humanistes essentielles.
Son scénario est construit sur le schéma d'un cours du soir pour adultes.
Un "prof" ( en l'occurrence Jean-Claude van Duyk, chercheur au GRIP ) face à un auditoire et à côté d'un tableau.
Un panel de gens comme vous et moi qui font office de Candide et posent toutes les questions que l'on se pose sur ce commerce.
Chaque question donne lieu à deux ou trois pages brillamment illustrées sur le thème soulevé.
Vous saurez donc d'entrée ce que rapporte le commerce des armes, puis qui les vend, leur cadre légal... ou pas, pourquoi est-ce qu'on laisse faire, la question des contrôles, les emplois générés, est-ce un commerce dont nos économies pourraient se passer, qui sont les victimes, qui sont les trafiquants etc etc etc
L'avantage de cette BD de moins de 60 pages, c'est que vous pouvez la ranger dans votre bibliothèque et en relire à l'occasion quelques pages pour garder à l'esprit telle ou telle info.
Elle propose une approche que je qualifierais "d'essentielle"... ce n'est pas un essai fouillé, une thèse de doctorat.
C'est une vulgarisation intelligente que chacun peut s'approprier.
En tant que lecteur français, j'ai été un peu frustré de la lire "vue du côté Belge"... mais ça n'est vraiment qu'un tout petit détail.
Par ailleurs, publiée avant l'invasion de l'Ukraine, elle peut sembler légèrement "décalée"... chronologiquement parlant.
Rassurez-vous, ça n'enlève rien au fond du propos et au traitement proposé.
Pour ceux qui ont envie d'en savoir un peu plus sur cette monomanie obsessionnelle et thanatosienne de notre espèce.
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« Chaque seconde, plus de 10 000€ tombe dans la poche des producteurs d’armement à travers le monde » *
C’est sur cette phrase que s’ouvre l’excellente BD produite par le GRIP, GRoupe d’Information sur la Paix et la sécurité, une association Bruxelloise qui œuvre au quotidien en faveur de la prévention des conflits et du désarmement.

Une fois les présentations faites, l’ordre du jour est établi, le but est de faire le tour de la question de la vente d’arme : on va donc aborder les armes... et leur vente (malin).
Tout d’abord le GRIP focalise son attention sur les armes dites « conventionnelles », c’est-à-dire conformes aux traités internationaux qui régissent les guerres (oui : on « régit » les guerres à échelle mondiale, enfin on essaye). Si l’accent est mis sur ce secteur, c’est avant tout car c’est le plus volumineux. Il va des armes tous calibres aux avions et blindés. Ce commerce est majoritairement légal. Airbus est d’ailleurs à la 7ème place mondiale dans l’armement (avec 17% de CA dans le militaire).

Pour vendre, l’industrie ne manque pas de faire sa pub dans de nombreux salons aux quatre coins de la planète. A Paris on a Eurosatory (cocorico !). C’est comme le salon du chocolat, mais sans chocolat et avec du matos de guerre. Évidemment on y entre pas comme dans un moulin, encore moins d’exubérants pacifistes.
C’est un peu comme à Dysneyland : y’a des simulations d’opérations orchestrées à l’américaine dont l’armée française fourni les figurants. Ils appellent ça des « démonstrations dynamiques » ; tout est plus doux en novlangue. D’ailleurs, on ne parle pas « armement » mais « technologie de défense » (de ses intérêts). Mais des fois y’a plus aucune retenue, quand les types estampillent leur matos « combat proven » par exemple.

Pour ce qui est des sous, le milieu est assez pudique également. On évite « pot-de-vin » qu’on remplace par « frais commerciaux exceptionnels ». Enfin tout ça c’était avant... Depuis 1999 on a la convention anticorruption de l’OCDE. Mais bon, en France, GIAT/Nexter (détenue à 100% par l’Etat) s’est quand même fait chopée pour des virements obscures vers des paradis fiscaux (Arfi « Histoire secrète des chars français », Mediapart 28/09/2018). De la corruption pure et simple. Et s’il n’y avait que ça... On estime que 40% de la corruption dans le commerce international est liée au business des armes.

En France, on est loin des guerres. La notion de « Loi de proximité ** » explique bien pourquoi on est plus ému par Notre-Dame en feu que par les populations Yéménites détruites avec les armes que notre industrie a vendu à ceux qui les utilisent illégalement (alors que notre pays prétend le contraire).
Alors, c’est sur : y’a de l’argent et de l’emploi à la clé... Mais « est-ce qu’on préfère sauvegarder à tout prix des emplois ici ou préserver des droits humains fondamentaux de l’autre côté du globe? »
De toute façon, on a pas la main sur la décision, elle se trouve dans celle de la politique et bien sûr d’un puissant lobby par-dessus. Mais il faut savoir qu’en Belgique par exemple, le nombre recensés de travailleurs plus ou moins actifs dans l’industrie de l’armement est inférieur à 5000. Moins de 0,1% des travailleurs ; mais 0,1% quand même.

Sur 2014-2018, environ 80% des exportations d’armes ont été réalisées par les USA 🇺🇸 , la Russie 🇷🇺 , la France 🇫🇷, l’Allemagne 🇩🇪, la Chine 🇨🇳 et le UK 🇬🇧. Soit les 5 membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU (à l’exclusion de l’Allemagne), censés garantir la paix mondiale... Ça facilite les affaires ceci dit, tout le monde y gagne : les chefs d’Etat vendent leur produits nationaux et ramènent de l’emploi, les acheteurs acquièrent du dernier cri en matière de « technologie de défense », mais aussi un soutien diplomatique officieux du pays vendeur (qui eux gagnent la dépendance technologique de leurs acheteurs parfois sur des décennies). Quelle belle mécanique !

Les US hébergent 7 producteurs d’armement du Top 10 et 38 du Top 100. Mais l’Europe, et surtout la France (pays des Droits de l’Homme rappelons-le), n’est pas en reste. Entre 2013 et 2018, l’export s’est majoritairement tourné vers des pays bien démocratiques comme l’Arabie Saoudite, l’Irak, les EAU et quelques autres... Pour l’éthique on repassera. Alors quand on nous dit « on peut pas accueillir toute la misère du monde », prière de se rappeler que si les gens fuient la guerre, c’est beaucoup à cause des armes qu’on a fabriqué chez nous.

Ce qui est le plus fou, c’est de se dire (cf. Lord Of War) que statistiquement, 1/8ème des humains est armé (d’une arme légère). Les US sont champions « merci la NRA » avec un ratio supérieur à 1. Si dans les autres pays la proportion est bien moindre, certaines régions sont bien contaminées ; et parfois même une fois les conflits terminés, ce qui n’est jamais gage d’un retour à la stabilité rapide. Elles peuvent très bien alimenter les réseaux de grand banditismes où le braconnage.

Malgré des vœux pieux de plusieurs organisations (dont les nations unies) en 2015 pour éradiquer la pauvreté et protéger la planète d’ici 2030, la situation ne s’améliore pas beaucoup. Les 17 objectifs de development durable (ODD) signés par 193 pays sont ambitieux mais interdépendants et il semble difficile de favoriser « le recours aux énergies renouvelables » ou encore « l’accès à une éducation de qualité » lorsqu’on est sous les feux de la destruction.
Difficile de contrôler le trafic d’arme (légal ou non) lorsque des circuits opaques sont mis en place entre paradis fiscaux et cabinets spéciaux pour camoufler producteurs et utilisateurs. Les facteurs limitants sont nombreux : manque de moyens, de contrôle, de transparence et bien évidemment, la corruption.
Il n’est pas rare d’ailleurs que les armes dérivent ou empruntent des chemins sinueux pour arriver à leur commanditaire final. On a même retrouvé des armes dont les numéros de série ont trahi qu’elles n’étaient pas là où on attendait qu’elles soient légalement. En terme d’armes manquantes des registres officiels, les quantités se chiffrent parfois en dizaine de milliers...

Même si on constate un progrès dans la législation générale, notamment certains traités internationaux, certains pays comme les USA 🇺🇸, la Russie 🇷🇺 ou la Chine 🇨🇳 restent en retrait de tout ça.
Il existe toujours la solution de l’embargo. Si l’ONU s’en mêle c’est normalement 193 pays qui doivent suivre... La pression populaire peut jouer sur les décisions nationales, mais seulement si le peuple est informé.

Pour une première, le GRIP frappe fort. Les quelques 50 p. s’égrène super vite en exposant une densité d’information étonnante et très bien sourcée. Malgré un thème assez morbide, les cases ne manquent pas d’humour et permettent d’appréhender le sujet avec une grande pédagogie.
Je recommande, clairement.

* 328 Milliards d’€ de CA/an (2016)
** https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Loi_de_proximité
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