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Citations sur Les mers du Sud (23)

Le métro ,tous les métros sont des animaux résignés à leur esclavage souterrain .Une part de cette résignation déteint sur les visages des citoyens ,coloriés par une lumière utilitaire ,lentement secoués par le va-et-vient circulaire de la machine fatiguée .
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Rien n'est plus révoltant que l'inculture quand on a les moyens d'y remédier.
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Pas un gramme de graisse excédentaire dans ce corps de Romain au crâne presque rasé pour gagner sans appel la partie contre la calvitie. Planas avança en compagnie de Carvalho, les mains jointes derrière le dos, regardant fixement le sol, tandis qu’il préparait ses réponses. Aucune déception économique dans la vie de Stuart Pedrell. Les affaires avaient le vent en poupe. Il n’avait jamais entrepris d’opérations spéculatives dramatiques, insista-t-il ; elles étaient toutes parfaitement couvertes et offraient toutes les garanties. La majorité du capital initial n’appartenait ni à Stuart Pedrell, ni à lui, mais au marquis de Munt.
– Vous n’avez pas encore eu d’entretien avec lui. C’est un type singulier, un grand homme, Alfredo.
De fait, son chantier le plus remarquable, c’était le quartier de San Magin, un quartier neuf d’un bout à l’autre, jusqu’au dernier réverbère. Il y eut un temps où c’était facile, pas comme maintenant. On dirait que le capitalisme est un péché et un ennemi public. « Pourquoi Stuart Pedrelle était-il parti ? »
– Il n’avait pas su dépasser le traumatisme de la cinquantaine. Et il avait déjà passé avec difficulté celui des quarante, quarante-cinq ans. Mais quand il a atteint les cinquante, il s’est brisé. Il avait trop romancé la chose. Il avait aussi fait de son travail une parodie. Il avait trop pris de distances. Il y avait comme deux hommes en lui : celui qui travaillait et celui qui pensait. Un peu de distanciation, c’est bien, mais pas au point de se détacher de tout. On finit par devenir nihiliste, et un entrepreneur nihiliste ne peut plus rien entreprendre. Un bon entrepreneur doit être un peu primaire, sinon il n’arrive plus à rien et il ne permet plus aux autres d’aboutir.
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Stuart Pedrell avait habité une maison du Putxet, une des collines qui dominaient autrefois Barcelone comme les collines romaines dominent Rome. À présent elles étaient toutes couvertes d’un tissu continu de résidences pour la moyenne bourgeoisie avec, de-ci, de-là, un dernier étage duplex pour la haute bourgeoisie parfois liée aux anciens résidents des manoirs de l’endroit. Le duplex pour le « petit » ou la « petite » avait été le joli cadeau généralisé, à la portée des propriétaires des manoirs rescapés ; aussi joli et généralisé que ce qui se pratique du côté de Pedralbes et de Sarria, derniers contreforts où la très haute bourgeoisie s’est maintenue dans ses vieux manoirs dignes et a essayé de garder ses couvées dans des logements voisins.
La maison de Stuart Pedrell venait de l’héritage d’une grand-tante sans enfants, qui lui avait laissé cette bâtisse fin de siècle, réalisation d’un architecte inspiré par le style métallique anglais. Les grilles étaient déjà une déclaration de principes, et une crête de fers forgés, surchargés comme la crinière d’un dragon vitrifié, parcourait la colonne vertébrale d’un toit de céramique. Des fenêtres néo-gothiques, des façades dissimulées sous le lierre, des meubles de bois laqué blanc garnis de tissu bleu, le tout dans un jardin rigoureux, où une haute et élégante haie de cyprès encadrait la liberté surveillée d’un petit bois de pins et la géométrie exacte d’un mini-labyrinthe de rhododendrons. Par terre, du gravier et du gazon. Un gravier habitué à crisser à peine sous les roues ou sous les pas. Un gazon presque centenaire, bien nourri, brossé, coupé, un vieux manteau douillet sur lequel la maison semblait flotter comme sur un tapis volant. Un service de table en soie et en piqué noir et blanc. Un jardinier rigoureusement déguisé en paysan, un majordome avec des favoris homologables et un gilet à rayures comme de la belle toile à matelas. Carvalho regretta l’absence des guêtres chez le chauffeur qui montait dans l’Alfa Romeo pour aller chercher Mme Stuart Pedrell ; mais il fut sensible à la coupe stylée de son costume gris garni de revers de velours, et à tout ce qu’on pouvait lire derrière le cuir fin gris perle de ses gants, qui faisait contraste avec le volant noir.
Carvalho demanda qu’on lui ouvre toute la maison, et le majordome la lui offrit avec une inclinaison de tête qui aurait pu aussi bien être une invitation à danser. Et comme dans un bal fin de siècle, au rythme d’une valse lente, fredonnant mentalement la Valse de l’Empereur, Carvalho parcourut les deux niveaux de la maison, que reliait un escalier de marbre grenat avec une balustrade en fer forgé et une main courante en bois de santal. L’escalier baignait dans les lumières polychromes d’un vitrail qui représentait saint Georges terrassant le dragon.
– Monsieur cherche-t-il quelque chose en particulier ?
– Les appartements de M. Stuart Pedrell.
– Voulez-vous avoir l’obligeance de me suivre ?
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– D’accord. Ça n’est peut-être pas très sport de le liquider en le traitant de grande gueule. Il l’est, oui et non : on ne peut pas classer les gens dans une seule boîte.
Les yeux cachés dans la forêt de poils brillaient de satisfaction devant l’excellente disposition réceptrice de Carvalho. C’était comme si le détective était une toile blanche sur laquelle on pouvait peindre la silhouette de Stuart Pedrell.
– Comme tout homme riche et inquiet, Stuart Pedrell était regardant. Il recevait chaque année des dizaines de propositions d’ordre culturel. On lui a même proposé une université. Ou peut-être est-ce lui qui l’a proposée ? Je ne m’en souviens plus. Imagine-toi : des maisons d’édition, des revues, des bibliothèques, des donations, des fondations. Dès qu’on sent l’argent et l’intérêt pour la culture, tu peux te figurer, surtout avec le peu d’argent qu’il y a dans ce domaine et le manque d’intérêt des riches pour le sujet. Et pour ça Stuart Pedrell faisait traîner les choses. Mais il était un peu espiègle. Il s’intéressait aux projets les plus variés, mettait les promoteurs dans le coup, et soudain, paf ! il se dégonflait et les laissait choir.
– Comment le considérait-on parmi les intellectuels, les artistes et les entrepreneurs ?
– Dans tous les milieux on le regardait comme un oiseau rare. Les intellectuels et les artistes ne l’aimaient pas parce qu’ils n’aiment personne. Le jour où nous autres artistes et intellectuels nous nous mettrons à aimer quelqu’un, ce sera la fin des artistes et des intellectuels. Ça voudra dire qu’on n’a plus d' »ego ».
– C’est la même chose pour les bouchers.
– Oui, s’ils sont patrons, mais pas s’ils sont employés.
Carvalho attribua à la troisième bouteille de vin la démagogie socio-freudienne d’Artimbau.
– Chez les riches on le respectait davantage parce que les riches de ce pays respectent ceux qui ont fait de l’argent sans trop forcer, et Stuart Pedrell était de ceux-là.
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La veuve Stuart Pedrell avait dû être une fillette avec toutes les facultés d'enthousiasme du monde. Il y avait encore des mers dans ses yeux, et ses traits fatigués évoquaient le visage d'une jeune fille pleine d'espoir qui ignore la brièveté de cette maladie qui sépare la naissance de la vieillesse et de la mort.
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Il y a longtemps, je lisais des livres et dans l'un d'eux quelqu'un avait écrit : J'aimerais arriver à un endroit d'où je ne voudrais pas revenir. Cet endroit-là, tout le monde le cherche. Moi aussi. Il y a ceux qui ont les mots pour exprimer ce besoin, il y a ceux qui ont l'argent pour le satisfaire. Mais il y a des millions et des millions de gens qui veulent aller vers le Sud.
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_ Ton père était tout aussi égoïste que n'importe quel être humain. Il a vécu sa vie et voilà tout.
_ Non, ce n'est pas certain. On ne peut pas vivre en pensant que le monde entier est égoïste, que le monde entier, c'est de la merde.
_ Moi, j'arrive à vivre, et je le pense. J'en suis convaincu.
_ Je suis une merde ?
_ Tu en seras une, c'est sûr.
_ Les gens que tu as aimés, c'était de la merde ?
_ Ca, c'est le piège. On a besoin d'être bienveillant avec ceux qui le sont envers nous. C'est un contrat non écrit, mais c'est un contrat. Ce qui se passe, c'est que nous vivons comme sans savoir que tout et tous sont de la merde. Et plus on est intelligent moins on l'oublie, plus on l'a présent à l'esprit. Je n'ai jamais connu quelqu'un de vraiment intelligent qui aime les autres ou leur fasse confiance. Au plus il les plaignait. Ce sentiment-là, oui, je le comprends.
_ Mais les autres n'ont pas de raison d'être méchants, ou d'être victimes. C'est ça la distinction que tu fais entre les gens ?
_ Il y a aussi les imbéciles et les sadiques.
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_ Mais de quoi se vante-t-il ? Dites-le-moi.
_ D'appartenir à l'ETA. Vous savez. Il habitait une sous-location dans l'immeuble où j'ai ma petite affaire et il bavardait toujours avec moi ou avec ma femme. Que les Basques ont des couilles, que ceci, que cela. Ils mettent quatre bombes, ils tuent quatre malheureux, et ils se prennent pour Dieu sait qui, Kirk Douglas ou Tarzan.
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_ J'ai appris à boire du vin blanc entre les repas grâce au roman de Goytisolo, Senas de identidad. Plus tard, le vin blanc a superbement été utilisé dans le film de Resnais, Providence. Jusqu'alors j'étais resté fidèle aux portos et au bon vieux xérès. Ca, c'est une bénédiction. De plus, c'est la boisson alcoolisée à plus basses calories, à part la bière. Quel vin blanc buvez-vous ?
_ Du blanc de blanc, Marqui de Monistrol.
_ Je ne connais pas. Moi je suis un fanatique du chablis, de ce chablis. Et s'il n'y a pas de chablis, un albarino fefinanes. C'est un vin bâtard impressionnant. Des racines alsaciennes dans un sol galicien. C'est une des meilleures choses que nous ait données le Chemin de Saint-Jacques.
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