"Les russes cultivés, qui s'abreuvaient de ce torrent de littérature, s'abonnèrent en grand nombre à des périodiques tel que le Messager russe, où des romans étaient publiés par épisodes. La littérature joua un rôle clé dans la russie impériale. Les russes ne pouvaient débattre librement en politique, les partis étaient interdits dans l'ensemble du pays jusqu'en 1905 et tout propos s'apparentant à une critique de l'autocratie pouvait se révéler très dangereux. Dans un tel contexte, la littérature permettait d'aborder les problèmes sociaux et politiques qu'il était impossible d'évoquer ouvertement, de réfléchir sur la nature du pouvoir politique (par exemple l'évocation de Napoléon dans le roman Guerre et paix) ou encore sur des problèmes de société comme le servage. Lors de sa publication en 1852, l'ouvrage Récits d'un chasseur, de Tourgueniev, fut perçu par les autorités comme une condamnation ouverte du servage ; elles exilèrent immédiatement l'auteur dans sa propriété à la campagne"
Bon il me semble qu'exiler Tourgueniev dans son propre pays n'est pas le bon mot, parlons plutôt d'assignation à résidence, comme le fut d'ailleurs Pouchkine, mais ce dernier exemple est bien la preuve que par le livre ou la revue littéraire, il n'y avait pas de liberté vraiment dès lors qu'on touchait au régime impérial. Il convient de parler d'une véritable censure qui s'exerçait sur les éditeurs qui enlevaient carrément les passages sujet à caution plutôt que de se faire épingler par la censure. Les éditeurs russes craignaient terriblement la censure et s'interdisaient de passer outre. La seule réponse possible était où la clandestinité, ou l'exil .
Dans les années 1840, le jeune Dostoïevski rejoignit un mouvement clandestin d'intellectuels libéraux, le cercle de Petrachevski.
En 1848, les révolutions battaient leur plein dans la plupart des pays d'Europe occidentale, ce qui incita le tsar (Nicolas 1er) à réprimer sévèrement toute forme d'opposition. Arrêté et condamné à mort, Dostoïevski fut sauvé in extremis de l'exécution et exilé en Sibérie, où il passa quatre ans. Son expérience le conduisit à revoir ses conceptions libérales. Il se tourna alors vers la religion orthodoxe, rejetant toute idée de révolution comme moyen d'améliorer la condition de la Russie et prônant, au contraire, l'exaltation des idéaux nationalistes. En 1880, il affirma le caractère unique de l'âme russe et déclara : " la destinée de la Russie est paneuropéenne et universelle". Sa vision semi-mystique de son pays s'inspirait de la tradition slavophile, selon laquelle la Russie devait suivre son évolution propre dans la lignée de son histoire plutôt que de copier le modèle occidental. Les dernières oeuvres de Dostoïevski furent fortement influencées par ses croyances religieuses ; il y dénonça aussi le nihilisme des révolutionnaires russes.