Un roman choral puissant qui dépeint le Sud des États-Unis dans un subtil mélange de délicatesse et de cruauté.
Parce qu'en 2019, être Noir sur les bords du Mississippi est toujours très compliqué et Jasmin Ward n'a pas besoin d'en rajouter pour souligner cette réalité. On sent la menace constante qui pèse sur chaque personnage, le clivage et les fantômes du passé.
Des fantômes, il y en a plein dans ce superbe roman. Qu'ils soient historiques, philosophiques ou spectraux, ils vous guident tantôt glaçants, tantôt réconfortants.
Jesmyn Ward opte pour un rythme lent qui surprend au début mais la puissance de ces mots vous captent et le style scandé de son récit prend le dessus sur tout. A chaque page les émotions sont au rendez-vous.
L'autrice nous embarque dans un road trip à travers le Sud et sa mémoire, à travers l'amour et la mort, à travers les liens qui enchaînent et sauvent les humains. Passant de l'ombre à la lumière, les mots sont forts, envoûtants et poétiques. Ils vous surprennent et vous empêchent de détourner le regard.
Parce qu'on ne se voile pas la face quand la misère s'expose.
Et de la misère, Jojo et Kayla en connaissent un rayon. Enfants malmenés, délaissés et livrés à eux-mêmes mais pourtant aimés… Maladroitement, certes, mais les quelques tendresses qu'ils reçoivent sont émouvantes.
La vie de ces gosses est cruelle, la vie tout court l'est aussi, mais le roman de Jesmyn ne l'est pas et c'est la toute sa force. Pas de violence gratuite, pas de surenchère, elle conte une détresse avec lyrisme et affection.
Les personnages sont tous attachants, qu'ils soient bienveillants, perdus ou fragiles, je n'ai eu de cesse que de vouloir les aider, leur tendre une main aidante et espérer à chaque page que tout irait bien, mieux, bientôt.
La symbolique des revenants est si belle, mélange de tradition, rituel de mort et liens profonds qu'on entretient avec nos fantômes.
Un roman magistral !