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3,8

sur 729 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dès les premières pages, ce roman surprend par la tonalité singulière qu'il choisit d'emprunter. Jojo, 13 ans, est avec son grand-père qui lui montre comment tuer une chèvre, c'est cru, direct, saisissant. On sent toute la fragilité de l'existence de Jojo dans ce corps-à-corps avec la bête, sa lutte pour surmonter son dégoût, pour aiguiser sa force en prise directe avec le monde des adultes.

Et le monde des adultes, il n'est pas beau pour Jojo, élevé avec sa jeune soeur par des grands-parents maternels certes plein d'amour mais qui ne peuvent le protéger d'une mère immature quasi indigne, Leonie. Et y a la route à prendre pour aller chercher le père qui sort de taule, une odyssée cauchemardesque pour les petits. Et il y a le racisme virulent des beaux-parents car leur fils est blanc et la mère de ses enfants noire.

Thématiques classiques de la littérature américaine qui scrute les marges. Et c'est vrai qu'il y a quelque chose de faulknerien dans la façon qu'à Jesmyn Ward de convoquer les pensées de Jojo et de Leonie grâce au procédé de flux de conscience. Chaque chapitre donne sa voix en alternance à ces deux personnages en des quasi monologues intérieurs, parfois calmes et apaisés, mais le plus souvent qui s'écoulent sans contrôle apparent.

Jojo, Leonie, mais aussi Richie, un très jeune adolescent afro-américain qui a partagé le quotidien du grand-père lorsqu'ils étaient enfermés dans le terrible pénitencier agricole de Perchman des années 1950, où les prisonniers survivaient dans un état de quasi esclaves à trimer dans des plantations. Lui aussi a droit à ses chapitres monologues. Mais lui est un fantôme. Et c'est là la très belle idée du roman que de connecter le monde des vivants qui s'épuisent à chercher à survivre et celui des revenants qui sont morts dans la violence et l'injustice.

Jojo est hanté par Richie, tabassé à mort dans son pénitencier. Leonie, elle, se débat avec le fantôme de son frère, victime d'une crime racial. C'est très fort de voir la mère et le fils se déchirer sans savoir qu'ils partagent ce don de voir les morts et de les entendre. Cette irruption du fantastique et du mystique est très bien intégrée au reste du récit qui lui est au contraire d'un naturalisme glaçant. On pense à Beloved de Tony Morrison et cela charge puissamment les enjeux romanesques.

Pour réussir cette porosité entre les vivants et les morts, il fallait une plume aiguisée. Elle l'est, luxuriante jusqu'à un lyrisme dense. Elle m'a terrassée d'émotions à plusieurs reprises, notamment lorsque l'auteure décrit la tendresse qui unit le frère et la soeur dans des gestes délicatement décrits, lorsqu'elle ouvre le coeur de Leonie pour donner à comprendre son endurcissement. Comme si tous les personnages tiraient derrière eux tout le poids de l'Histoire, comme si le traumatisme du racisme originel étouffait encore le présent des Etats-Unis. Triste réalité.

Un magnifique roman, sombre et intense, d'une grande beauté formelle et poétique, empli de rage et de compassion. Complexe aussi par sa non-linéarité qui pourra rebuter les lecteurs en quête de lisibilité immédiate.
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🎼Sing, Unburied, Sing🎼 (National Book Award).
Incantations magiques et expiatoires dans la communauté noire sud-américaine.
Roman choral et polyphonique, il ne m'a pas semblé lire mais bien entendre. Oui, c'est un livre qu'on écoute. Ému.
D'abord la voix de Jojo, treize ans, qui a le don de voir les morts, responsabilisé très jeune, devenu repère parental pour sa soeur, Kayla, agrippée en permanence à lui. Ils se portent un amour inconditionnel souffrant silencieusement de la distance de leur mère et de l'absence de leur père Michael, incarcéré.
Heureusement ils nouent une relation de tendresse infinie avec leurs grands-parents maternels noirs, susbstituts parentaux et affectifs qui les arriment à la vie face à des géniteurs irresponsables « victimes de l'araignée, inconscients de la toile » .
Puis vient la voix de Léonie la mère alternante, addict à la drogue dure qui erre hors-réalité, hantée par son frère Given, mort trop jeune. Pas Given, son fantôme, est présent à chaque défonce « dans la lumière de lait » planté en face d'elle, témoin de sa déchéance.
Enfin la voix de Richie, flottant entre deux mondes, que son grand-père a connu très jeune alors qu'ils étaient emprisonnés.
Michael est enfin libéré de prison. Leonie décide de partir le chercher et embarque ses enfants avec elle dans un road trip ponctué de bad trip et de mauvaises rencontres.
Dans ce monde sans filtre les attaques ne sont pas souterraines mais frontales et d'une violence à en cracher ses viscères.
On navigue entre ombre et lumière dans l'humidité du bayou poisseux, poreux et secret à l'atmosphère fantomatique.
L' écriture est brutale, poétique et lyrique à la fois.
Le véritable atout de ce roman c'est sa force. Les mots par moment sont des coups, l' impact est puissant jusqu'à une scène quasi apocalyptique entre monde tangible et forces obscures avec prières et rites de délivrance.
En filigrane bien sûr on ressent le poids de la ségrégation raciale et de l'esclavagisme comme une fatale malédiction.
Un voyage chaotique aux confins des âmes, entre apparitions et mémoire.
Mais que cherchent les revenants? comment se dégager du monde spectral ?
Puissant et envoûtant.
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Un titre et une couvertures plutôt énigmatiques " ouvrent " de façon magistrale un roman qui ne devrait pas laisser indifférents tous les lecteurs et lectrices qui voudront bien le découvrir. On va être transportés dans les bayous du Mississipi pour pénétrer dans une modeste famille dont les membres ne manquent pas de personnalité et vont nous happer . Il y a Papy , le patriarche , la figure tutélaire qui règne sur le modeste "territoire " familial , mamie qui , atteinte d'une maladie incurable , vit ses derniers jours , Léontine, la fille , mère immature , mariée à Michael et leurs deux enfants , Jojo et Michaelia , dite Kayla....Précision essentielle , cette famille est noire , "tare indélébile " aux yeux des parents blancs de Michael qui , dernier point , ....sort de prison .
A partir de ces éléments, c'est un roman choral de toute beauté, d'une force et d'une violence inouïes qui va nous être "raconté" par Jojo , Léonie et Richie , fantôme du frère de Léonie abattu par un blanc lors d'une partie de chasse ....(et oui , les revenants ...)
Au travers de ce récit, c'est toute l'histoire des cohabitations conflictuelles entre blancs et noir qui vont ressurgir, traverser les époques, l'esclavage , la haine , l'injustice , la peur , l'exploitation , la drogue . Les " retours " sur le passé viendront briser leurs lames sur les injustices du présent avec une force suffisante pour annihiler les petits espoirs de bonheur du présent. Dur .Très dur .
Pourtant , les fantômes et les vivants seront bel et bien là pour disséminer de merveilleux " moments d'amour " qui vont "éclabousser" le récit. Des moments d'une rare beauté , dont certains personnages se montreront capables avec tellement de "rude douceur " qu'on souhaiterait s'abandonner dans leurs bras . Des personnages comme Jojo et son papy sont les " pierres angulaires " , celles qui donnent l'espoir et l'envie de vivre , celles qui portent la quiétude pour l'avenir . Ce roman comporte aussi , il faut le dire , des moments d'une extraordinaire poésie qui créent des émotions assez difficiles à décrire .
Je ne connaissais pas Jesmyn Ward, je ne sais pas si on peut comparer son talent à celui de Toni Morrisson , comme j'ai pu le lire , ce que je sais , par contre , c'est qu'elle a écrit là un roman marquant de très grande beauté même si le style et l'organisation peuvent peut - être perturber certaines ou certains d'entre nous .
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Tout d'abord je tiens à remercier Babelio et les éditions Belfond pour cette masse critique privilégiée qui m'a permis de découvrir un grand auteur et un livre magnifique.Dès que j'ai vu cette couverture rouge avec un corbeau et ce titre : le chant des revenants, toute la symbolique m'a attirée. de plus le sud des Etats-Unis m'a toujours intéressée même si son histoire est tout sauf glorieuse.
C'est tout à la fois un livre coup de poing et un énorme coup de coeur, un livre qui dérange et qui révolte. Il y a les grands-parents qui ont perdu un fils dans "un accident de chasse", Leonie qui vit avec Mickaël un blanc et ses deux enfants : Jojo et Kayla. Vient ensuite Richie, une âme errante. A travers le récit de Jojo, Leona et Richie nous reconstituons des pans d'histoire d'une famille pauvre du Sud des Etats-Unis avec des thèmes universels : l'absence du père, la défaillance de la mère, l'amour fraternel, le racisme, les croyances et l'univers carcéral.
Un livre qui n'apporte pas de jugement, juste une histoire comme beaucoup d'autres très bouleversante et qui donne à réfléchir. On se rend compte que la guerre de Sécession, Martin Luther king et l'élection de Barrack Obama n'ont rien changé ou très peu dans ces états. C'est Richie qui résume le mieux cette situation quand il dit page 167 : C'est pareil qu'un serpent qui mue. Les écailles changent et l'extérieur est différent, mais à l'intérieur c'est toujours la même chose.
C'est un livre qui donne un éclairage intéressant sur ce mélange de croyances africaines et chrétiennes, cette vision de la vie après la mort.
Je pense que Jesmyn Ward est appelée à devenir un très grand auteur car c'est un grand conteur qui a su m'emporter dans cette histoire et je dois dire que le temps de cette lecture mon coeur a battu au rythme du Chant des revenants et de ces personnages.Un roman sombre, poignant et intense à lire absolument.
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J'ai eu un immense coup de coeur pour ce magnifique roman.
Qu'il est difficile d'en parler !
Qu'il est difficile de trouver les mots qui sauront convaincre d'ouvrir ce livre et de le savourer comme je l'ai fait, en regrettant de le poser pour faire face aux occupations du quotidien.
Mais, je m'emballe…
Je vais essayer d'en parler justement :
C'est l'histoire d'une famille en perdition en proie à la drogue, l'alcool, la misère dans une Amérique où il est bien difficile pour certains de se faire une place.
Léonie, la mère peine à élever ses enfants, trop jeune, trop immature, souvent perdue dans un monde parallèle que lui procurent la cocaïne et autres substances illicites.
Alors Jojo, 13 ans prend le relais auprès de sa petite soeur qui s'endort dans ses bras et le réclame dès qu'elle ouvre les yeux. Il la change, la nourrit, la berce, la console avec la patience que lui donne l'amour immense qu'elle lui inspire.
Jojo trouve un semblant de tendresse auprès du grand-père qui a eu une vie bien rude et doit maintenant assister aux derniers moments de vie de son épouse atteinte d'un cancer.
Le jour où Léonie apprend que son mari va être libérer du pénitencier de Parchman, elle entraine ses enfants dans un voyage étrange où les fantômes s'invitent pour interpréter auprès des vivants un chant d'amour et de désespoir.

Jesmyn Ward a le talent de tisser les voix des personnages de son histoire, vivants ou morts, comme Richie, ce garçon noir qui fut le compagnon de détention de Papy avant d'être assassiné.

J'ai tout aimé dans ce roman, l'histoire bien sûr, mais aussi l'écriture magistrale au service de personnages détestables pour certains, lumineux pour d'autres.

Magistral !

Je remercie NetGalley et les Editions Belfond pour cette belle découverte.

#LeChantDesRevenants #NetGalleyFrance


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Le National Book Award est l'un des prix littéraires les plus prestigieux décernés aux Etats-Unis. Au palmarès, depuis 1950, on retrouve ainsi Faulkner et Bellow (deux Prix Nobels), John Updike, John Irving, Phillip Roth mais aussi Alice Walker, Joyce Carol Oates, Annie Proulx. Jesmyn Ward a écrit 4 romans et l'a emporté deux fois. Elle est la seule femme à avoir réussi cette prouesse, en 2011 et 2017, la deuxième fois pour ce Chant des Revenants.

Ce livre est très puissant. Il raconte l'Amérique d'aujourd'hui à travers une famille métissée, dysfonctionnelle. La violence est présente, la drogue. le rapport aux aînés est interrogé, le rapport à la tradition également, aux anciennes croyances. Dans ce livre, on parle aux animaux, aux morts, on les voit parfois, on cherche à les aider à passer de l'autre côté. Les secrets de famille, comme partout dans le monde, empêchent d'avancer, rendent les relations intra-familiales complexes.

Ce livre nous parle également aussi de la condition noire aujourd'hui, de ce qu'elle doit à la condition noire d'hier, du poids de l'Histoire et des histoires, de l'impossibilité d'oublier sa couleur et celle des autres, des variations sur le nuancier des teintes qui sont sans importance mais en ont une. Il parle de la lumière du soleil couchant, du soleil qui se lève, de leurs reflets sur les eaux du bayou et de comment ses lumières transforment le noir en marron, en ocre, en or, de comment la nature nous montre que rien n'est figé et qu'on ne peut donc baser tout sur les couleurs.

La narration polyphonique à trois personnages (une voix coupable, une voix innocente, une voix désincarnée) permet de rendre de façon très subtile toutes les nuances évoquées. Les dialogues sont courts, frustres, hachés. Les vides sont comblés par la vie intérieure des narrateurs bien plus riche, remplie par les souvenirs et les récits entendus. Certaines scènes s'inscrivent pour longtemps dans l'esprit du lecteur, la puissance d'évocation de l'auteure est assez incroyable.

Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé ce livre. La littérature américaine est riche de ses grand(e)s auteur(e)s, et quand elle s'incarne dans une jeune auteure de 44 ans, elle nous promet des lendemains radieux.
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Dans une campagne pauvre du Sud des Etats-Unis, Jojo, enfant métis de douze ans, dont le père est en prison et la mère démissionnaire et toxicomane, est élevé par ses grands-parents noirs – les blancs ont violemment rejeté l'union de ses parents et la naissance de leurs petits-enfants.


Jojo, mûri plus vite que son âge, a farouchement pris sa petite soeur sous son aile. Il lui en faut du courage pour contrer les défaillances de ses parents, mais aussi pour affronter les fantômes du passé qui hantent les membres de sa famille : ainsi celui de son oncle, abattu lors d'un assassinat raciste déguisé en accident de chasse. Et aussi celui de Richie, un jeune compagnon de captivité de son grand-père dont il va peu à peu découvrir la dramatique histoire. Car son grand-père, lui aussi, a été emprisonné : arrêté arbitrairement en 1948, il s'est retrouvé au pénitencier agricole de Parchman, dans le Mississippi, connu pour avoir fait perdurer des pratiques esclavagistes jusque dans les années soixante-dix.


C'est une véritable sauvagerie raciste qui se dévoile peu à peu au travers des pages : des noirs lynchés ou abattus sans raison et en toute impunité, un système judiciaire et pénitentiaire aux pratiques inconcevables, et des comportements violents qui perdurent encore aujourd'hui jusqu'au coeur des familles.


La chaleur moite du Mississippi a tôt fait de vous envelopper et de vous entraîner dans une atmosphère mêlée de croyances et de superstitions où les esprits des morts ne quittent pas les vivants, surtout lorsque leur destin s'est avéré tragique. Tendresse et dignité, violence et impuissance se mêlent en un récit émouvant et révoltant, dont certains passages sont à glacer le sang : un chant de souffrance, mais aussi d'espoir, espoir qu'un jour les esprits torturés finiront par trouver le repos, leur histoire entendue, reconnue, pour enfin permettre la reconstruction des vivants. Coup de coeur.


Petit billet sur la ferme pénitentiaire de Parchman sur mon blog, à la fin de ma chronique sur ce livre : https://leslecturesdecannetille.blogspot.com/2019/04/ward-jesmyn-le-chant-des-revenants.html
Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Ce roman nous raconte l'histoire d'une famille où se mêlent des êtres dont la vie n'a pas été (est n'est toujours pas) simple, sur fond de racisme dans ce Sud des USA où il ne fait pas bon être noir.

Jojo a seulement treize ans, mais c'est déjà un adulte qui prend soin de sa petite soeur Kayla (Michaela) car sa mère Léonie est incapable de s'occuper d'eux. Elle a rencontré Michael, son grand amour alors qu'elle n'avait que dix-sept et s'est retrouvée enceinte très vite.

Léonie est Noire, Michael Blanc et bien sûr sa famille a dit « pas de pute noire chez nous ». Et la vie s'est emballée, Leonie se drogue, Michael est en prison, à Parchman, ce même pénitencier où s'est retrouvé jadis le grand-père de Jojo, alors qu'il était enfant et n'avait pas dénoncé son frère, donc complice. A l'époque, être noir était déjà un délit en soi (est-ce que cela a vraiment changé à l'ère du Trumpisme ?), il s'est retrouvé à travailler dans les champs dans des conditions épouvantables. Il y fait la connaissance d'un autre enfant, Richie, douze ans, condamné pour vol de nourriture parce qu'il avait faim…

Il y a beaucoup de drames dans cette famille : le frère de Leonie, Given, faisait partie de l'équipe sportive et croyait être comme les Blancs et lors d'une partie de chasse, il tue un cerf avec un arc, ce qui est inacceptable pour les Blancs, c'est un crime de lèse-majesté alors on le tue et bien-sûr on fait passer ce meurtre pour un accident de chasse (et c'est un cousin de Michael qui a tiré)

« Given a dit qu'il montait au Kill pour faire la fête avec ses coéquipiers blancs, et Papa l'a mis en garde : « quand ils te regardent, ils voient une différence, fils. C'est pas ce que tu vois qui compte. C'est ce qu'eux ils voient » avait dit Papa… »

Leonie décide d'aller chercher Michael à sa sortie de prison ; elle emmène les enfants avec elle ainsi que son amie et bien-sûr, elle n'a pas prévu qu'il fallait emporter de quoi les nourrir alors que la route va être longue, et Kayla malade… Jojo doit trouver des subterfuges pour tenter de la nourrir, de la calmer, la prendre dans ses bras quand elle vomit…

On assiste à un road-movie, qui enchaîne les catastrophes : Jojo est plus adulte que sa mère, c'est vers lui que Kayla se tourne dans la détresse, alors que Leonie ne pense qu'à la défonce, ce qui donne des trips hallucinants : elle « voit » son frère Given, chaque fois qu'elle prend de la drogue ! elle a le QI d'un chou-fleur et la manière dont elle réagit avec ses deux enfants est totalement inadéquate. Elle ne pense qu'à Michael !

Un autre esprit vient hanter ce voyage : Richie, qui veut retrouver le grand-père car son « envol vers le paradis » a été interrompu.

J'ai aimé ces revenants, ces êtres dont la mort est survenue brutalement avant l'heure et qui sont condamnés à errer pour achever leur « parcours », comme ce que l'on peut retrouver dans le Bouddhisme pour expliquer la transmigration…

J'ai beaucoup aimé aussi les grands-parents de Jojo, ce sont eux qui lui apprennent les valeurs que leur fille est incapable de transmettre (elle ne sait pas nourrir dit grand-mère Philomène en parlant de Leonie !). J'ai une tendresse particulière pour River, le grand-père qui tente de raconter l'histoire de la famille à Jojo mais qui n'arrive jamais à aller jusqu'au bout.

Le début est dur avec la « mise à mort » d'un bouc avec un tel luxe de détails que j'ai failli arrêter la lecture, ce qui aurait été une énorme erreur.

Une belle histoire donc, je le répète, qui dénonce le racisme, les ancêtres kidnappés et vendus comme esclaves, les conditions d'enfermement dans le prisonnier d'État dans ce Sud tellement convaincu de la suprématie blanche.

A noter une scène particulièrement violente : le policier qui arrête la voiture de Leonie et qui menotte férocement Jojo car il avait la main dans une poche (comme s'il pouvait être armé à treize ans !).

J'ai beaucoup aimé l'écriture, le style de Jesmin Ward que je ne connaissais pas du tout, et donc envie de m'attaquer à un autre de ses romans.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Belfond qui m'ont permis de découvrir ce roman qui m'a énormément plu.
#LeChantDesRevenants #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Ce que j'ai ressenti:

***Tourne avec les courants…
Dès les premiers mots, ça claque! J'ai senti que cette histoire aurait le pouvoir de me hanter. Violent, noir et hypnotique. D'une beauté, à couper le souffle. Des torrents de rage, où un oiseau à écailles tente de s'extirper… Mais c'est sans compter sur le racisme et la drogue qui font des ravages et déséquilibrent les rêves d'envol…En un aller-retour de voiture, à la prison de Parchman, ce livre m'a retournée…Jesmyn Ward a un talent fou, et je ne m'étonne pas de son double prix tellement, j'ai été emportée dans ce road-trip américain, noyée dans un torrent d'émotions puissantes. Dans le chant des revenants, elle touche des cordes très sensibles et les fait résonner avec des vibrations paranormales et des promesses à la dérive…

« J'aime bien penser que je sais ce que c'est, la mort. J'aime bien penser que c'est un truc que je peux regarder en face. »

***Ressens le chant…
J'ai senti dans cette famille que leurs sangs et leurs liens chantaient des harmonies étranges. Désynchronisées et bouillonnantes…De l'instinct maternel défaillant aux ondes d'amour fraternels, ils ont tous des échos qui se répondent, et jouent sur des partitions de violence…Jojo et Kayla sont particulièrement touchants dans leurs relations fusionnelles. Même si tous les personnages sont des mal-aimés, et que l'amour ne vient pas toujours d'où on l'attend, les déséquilibres se remplissent avec de la tendresse des autres membres. Les histoires et les apprentissages des grands-parents maternels, ont des pouvoirs de connexion et cette cellule familiale, faite de métissage et de protection occulte, est bouleversante.

« Faut qu'ils voient la peur pour avoir l'impression d'être des hommes. »



***Ecoute les revenants…
Plus qu'un roman noir, il y a aussi une petite touche de fantastique, qui donne une atmosphère inquiétante, où la mort et la vie danse ensemble. En un roman choral à trois voix, les fantômes s'invitent dans les failles de cette famille, et chantent des histoires tristes, de drames et d'intolérance, qui vibrent dans ses pages. Jesmyn Ward m'a captivée avec sa sensibilité et sa plume poétique, j'ai fait un voyage incroyable, bouleversant et émotionnel.

A découvrir!

« le monde est un chaos de gemmes et d'or qui tournoie en lançant des étincelles. »



Ma note Plaisir de Lecture 9/10
Lien : https://fairystelphique.word..
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Le Chant des revenants est un roman d'une puissance et d'une densité rares. En effet, c'est toute l'épaisseur d'une famille noire du Mississipi qui se cristallise dans le road-trip raconté à trois voix par Joseph, Leonie et Richie – ses drames implacables, ses fantômes, mais aussi l'amour essentiel, vital qui unit les générations.

Cette immersion dans une Amérique clivée, dévastée par la misère, les injustices, la violence et le racisme nous ébranle au plus profond. Si cette histoire nous prend à la gorge, c'est parce que l'écriture de Jesmyn Ward est si expressive et percutante. Mais également parce que chacun des personnages est infiniment humain et suscite irrépressiblement l'empathie : Jojo, garçon de treize ans à peine, mais que la vie a contraint à grandir trop vite – sans cesse sur le qui-vive, il aide son grand-père et prend soin de sa grand-mère malade et de sa petite soeur Kayla. Les grands-parents sont touchants également par leur étrange mélange de force et de vulnérabilité. On souffre aussi avec Leonie, consciente et désespérée de ne pas parvenir à se comporter en mère avec Jojo et Kayla, si ravagée par les drogues et hantée qu'elle est par le spectre de son frère assassiné tout jeune et par le manque de son compagnon, Michael, incarcéré depuis trois ans. Le jour de sa remise en liberté, la famille prend la route pour aller le chercher. Un long voyage lors duquel surgissent peurs, espoirs, réminiscences et fantômes – dont celui de Richie qui semble intrinsèquement lié à l'histoire du grand-père…

Nul besoin de pathos pour nous bousculer. Les évocations très concrètes du quotidien sont déjà profondément dérangeantes en elles-mêmes : un gâteau d'anniversaire pitoyable, l'air étouffant dans le véhicule, le visage amoché de la caissière du supermarché, le réflexe de terreur à l'approche de la police quand on est un conducteur noir… S'entremêlent dans ces motifs réalistes, évoqués dans la langue populaire de Jojo et de Leonie, des envolées lyriques et des métaphores saisissantes, comme celle de ces oiseaux noirs qui planent au-dessus du pénitencier de Parchman, symbolisant les âmes qui s'y sont perdues.

Le tourbillon intergénérationnel dans lequel nous entraîne la talentueuse Jesmyn Ward montre avec force le poids des déterminismes sociaux. D'une génération à l'autre se transmettent les stigmates et les traumatismes qui résonnent sans fin, mais aussi beaucoup d'amour, de soin et d'espoir de parvenir à protéger les êtres chers… Et de résilience, symbolisée ici par la posture résolument droite du grand-père.

Une tragédie qui m'a happée et a résonné en moi au point de me pousser à faire quelques recherches, pour découvrir que le pénitencier de Parchman existe vraiment et qu'il y a quelques décennies, de (très) jeunes Afroaméricains comme Richie y étaient envoyés pour expier de menus larcins en travaillant aux champs dans des conditions inhumaines. Une mémoire qu'il est essentiel d'entretenir !

Un grand merci aux éditions Belfond et à Babelio pour l'envoi de ce roman dans le cadre d'une masse critique privilégiée ! Je sais déjà que les revenants imaginés par Jesmyn Ward me hanteront longtemps…
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