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Citations sur Les rendez-vous de la clairière (35)

L'homme essayait de ne penser à rien. Malgré la pluie qui ruisselait sur sa nuque, il gardait la tête penchée en avant sur le bout pointu de ses soulier vernis, tandis qu'il les déplaçait avec précaution l'un après l'autre dans la boue. Il ne pouvait détacher ses yeux de ses souliers qui le faisaient avancer sur cette route. Elle semblait ne mener nulle part, à jamais, et, quoiqu'il n'eût pas de mots pour l'exprimer, il avait le sentiment que cette marche était l'image même de sa vie depuis trente-quatre ans.
Il n'avait jamais vu pareil endroit, qui paraissait frapper de nullité tout ce qui avait pu lui arriver auparavant, même les rencontres avec des filles ou le whisky, ou la conduite rapide d'une voiture, ou les bagarres, ou encore quand il se tenait devant un miroir, nu, jusqu'à la taille, occupé à peigner ses cheveux bruns jusqu'à ce qu'ils luisent, lisses comme de la soie... non, rien du tout cela ne ressemblait à cette marche sous la pluie ; c'était comme si cela n'avait jamais existé. Une seule chose comptait : pencher la tête pour surveiller l'un et l'autre de ses souliers vernis en train de faire gicler la boue, pendant que la pluie dégoulinait dans son cou. La pointe se levait, avançait, s'enfonçait dans la boue rouge, se relevait et grâce à ce rythme, il n'éprouvait plus ni peur, ni colère, ni tristesse ; au contraire une impression de liberté et de force.
Il pensait : "Eccomi, moi, Angelo Passetto, moi, et qui marche sur la route !"
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Parfois il allait seulement jusqu'au supermarché des Corners. Quelques jours après la soirée de l'anniversaire, il approchait de la maison dans la pénombre du crépuscule quand il vit de la lumière à la fenêtre de la cuisine puis l'éclair rouge de la robe. Il vint contre la fenêtre et se tint caché dans l'ombre du cèdre pour regarder dans la boîte de lumière.
Elle était près de sa table, penchée pour mettre le couvert, et il s'avisa tout à coup avec émotion que, bien qu'il l'eût déjà épiée, il n'avait jamais pensé une seule fois à elle, en tant qu'être solitaire, et maintenant elle était là, seule, sous la lumière, telle qu'elle était et qu'elle ne pouvait jamais, jamais être quand elle n'était pas seule... pensée qui le remplit d'effroi car il ne trouvait pas de mots pour exprimer ce qu'il ressentait en la voyant là, penchée sur la table, et dans sa posture, une sorte d'allusion à son âge, une fêlure ou une fatigue qu'il n'avait jamais décelée avant ; à moins qu'il n'ait pas su ce que c'était, car elle ne portait pas alors la robe rouge et, en ce cas, cela n'aurait pas eu d'importance... si elle ne portait pas la robe rouge.
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Elle aurait couru après lui et elle ne l'aurait plus jamais, jamais quitté... Mais il n'avait pas tourné la tête. Lorsque la porte s'était refermée derrière lui, elle avait pensé : "Il en aime une autre plus que moi."
Aussi, nuit après nuit, ranimant le passé dominé par cette retraite des épaules épaisses à travers la salle commune, elle finit par éprouver une répulsion à l'égard de toutes ces étreintes, ces explorations, ces enlacements qu'elle avait supportés avec tant de constance, et une répulsion encore plus grande au souvenir de la chaleur de sa propre haleine, de ses lèvres humides, de ses tremblements et de ses larmes. Elle aurait voulu demeurer dans l'obscurité, se sentir coupée de celle qu'elle avait été, comme si cette femme-là - l'ancienne Cassie - eût été abandonnée pour toujours sur l'herbe d'une combe ensoleillée près du ruisseau ou nichée, pleine de honte, sur le siège arrière de la vieille voiture d'ouvrier. Elle fermait les yeux et voyait, en réalité, le corps abandonné de cette Cassie-là, telle une poupée jetée dans un coin , tandis que dans cette vision même se mêlait à son dégoût une pitié triste et lointaine pour toute cette passion et ces désirs qui n'avaient menés à rien.
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Là-bas, loin, sur les hauteurs, la brume et la bruine transformaient route, bois et ciel - du moins ce que vous pouviez en distinguer - en une seule nappe de grisaille en train de précipiter comme si tout au monde eût été emporté par une tornade d'eau de vaisselle sale.

Elle le vit surgir du fond de cet horizon.
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Il savait le genre de lune qu'il découvrirait dans le ciel en sortant de l'ombre du chêne, une lune pleine, pas encore passée à l'ouest, ornée de cercles de vapeur concentriques; elle voguerait dans les hauteurs d'où elle sèmerait ses perles luisantes sur l'immensité de l'univers.
...
Il prenait conscience peu à peu que jamais il n'y avait réfléchi et cette prise de conscience tournait soudain à l'angoisse, mais il restait là, il le savait, précisément pour l'endurer.
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Mais ce monde secret et intemporel qui semblait jusqu’ici bien renfermé entre les murs de la maison et où il pénétrait seulement à la nuit quand il posait la main sur le loquet de la porte de la cuisine, ce monde commençait à suinter au-dehors. Il s’échappait avec lenteur par cette porte, filtrait la nuit par en-dessous. Il s’élargissait en tâche sur l’herbe. Quand il ouvrait la porte, au matin, il le suivait comme une fumée imperceptible, il se répandait alentour, si diaphane que d’abord vous ne vous aperceviez pas de sa présence, mais les choses vues à travers changeaient. Elles vacillaient et tremblaient, se recroquevillaient, comme du papier consumé par une flamme, invisible à cause du soleil qui brillait.
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En fin de compte, c’était son ignorance qui le retenait, ce vide qu’il avait à remplir, cette glaise qu’il avait à pétrir et à modeler. C’était comme l’air qu’il respirait et son pain quotidien. La remplir, la modeler, la respirer : c’était sa manière à lui de se sentir en vie. Quand il lui apprenait quelque chose, il se sentait fier de son savoir, de son pouvoir, et elle se donnait tant de mal pour faire ce qu’il désirait, haletante, essoufflée ! Elle murmurait : "Comme ça ? Vous voulez dire comme ça ?"
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Tous les cadeaux qu’il lui apportait étaient des sortes de talisman pour retenir le présent ou pour écarter ce qui le menaçait et il en était de même pour l’apprentissage.
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Le rêve est un mensonge, mais l’acte de rêver est une réalité.
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Si vous avez aimé, alors vous savez ce que c'est. Comment on s'arrache le cœur, simplement pour le donner. et c'est une joie sans pareille; même si ça fait mal et si l'on n'en veut pas; même si on le regarde, en riant, qu'on le laisse tomber, comme si ce n'était rien et qu'on passe son chemin...
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