L'auteure norvégienne à 75 ans, ancienne institutrice, elle vit dans une petite île du cercle polaire. Elle a une oeuvre considérable et est très populaire en Scandinavie. En Europe elle est surtout célèbre pour la trilogie de Dina qui comporte en fait 8 livres.
Ce roman s'ouvre sur les funérailles de Dina, l'héroïne d'une saga dont la parution a commencé en 1994. Je ne les ai pas tous lu mais j'ai beaucoup aimé ceux que j'ai lu.
Cet ouvrage qui contient en fait 3 livres dont je ne sais pas si la version originale paraît découpée, en tout cas la version française regroupe toujours plusieurs livres. Cela se passe dans l'extrême nord de la Norvège à la fin du XIXe siècle. le roman s'ouvre sur la petite fille de Dina, Karna qui a 18 ans le jour des funérailles de Dina, morte dans l'incendie de sa grande maison. Karna sombre dans la folie ce jour funeste et est menée quelques semaines plus tard à Copenhague dans un asile d'aliénée. On la suit tout le long du livre, son délire, sa souffrance et son évolution grâce à un jeune psychiatre qui expérimente sur elle, les nouvelles méthodes du Dr Charcot dont il suit, par périodes, les cours à Paris.
Rentre en scène la belle-mère de Karna, Anna qui l'a conduite et est restée dans la capitale pour être auprès de sa belle-fille. Les parents d'Anna vivent dans cette ville mais elle veut être indépendante et trouve une pièce à louer chez une logeuse. Elle se sépare de son mari, Benjamin, le père de Karna et le fils de Dina, ne sachant si ce sera une rupture définitive car elle a appris que son mari l'avait trompé avec une jeune patiente, tuée par un mari, violent et alcoolique.
Benjamin est le médecin de cette île battue par les vents et les vagues. Il culpabilise de na pas avoir pu venir en aide à sa fille et d'avoir trompé sa femme adorée. Il les voit partir avec angoisse le coeur gros. Il est aussi le responsable de la seule entreprise de cette île perdue que sa mère Dina dirigeait d'une poigne de fer. Il est également le maire de ce village perdu. Toutes ces responsabilités l'écrasent. Il est dans l'indécision au début du livre quant à la suite qu'il donnera à sa vie. Il songe à faire une spécialité médicale, à démissionner de la mairie et hésite à laisser son cabinet pour rejoindre épouse et fille. Ses projets mettront quelques temps à se concrétiser.
Il y a aussi Peder, le fiancé de Karna qui lui aussi vit temporairement à Copenhague pour y suivre une formation subventionnée par Dina afin de prendre sa suite comme responsable de la fabrique. Et puis le frère de ce garçon, le violent alcoolique qui effraie tant son frère car Peder sait qu'il battait sa femme comme plâtre jusqu'à provoquer sa mort.
Mais le sujet principal de ce roman foisonnant de personnages tous aussi touchants et intéressants, c'est Anna et son lent cheminement vers l'émancipation. Intellectuel, sexuel, familial, professionnel et amoureux.
Elle a près de 40 ans quand le roman démarre, son rôle était celui de la femme du médecin et maire de l'île. Elle le soutenait et l'aidait dans ses taches. Elle a élevé l'enfant de son mari dont la mère est morte en couches, Karna, mais ils n'ont pas eu d'autre enfant, à leur grande tristesse.
La vie dans la capitale au début, pleine d'angoisse et de préoccupation concernant sa belle-fille qu'elle n'a pas le droit de voir durant plusieurs mois. Petit à petit elle se tourne vers l'extérieur, elle veut reprendre le piano, car elle a rêvé jeune fille de devenir concertiste et se met à jouer dans une salle de l'hôpital où elle se rend tous les jours pour être près de Karna. Puis elle propose ses services comme secrétaire du Médecin chef de l'hôpital afin de subvenir à ses besoins et ne pas réclamer plus d'argent à Benjamin. Elle fait la connaissance de Joakim, le jeune médecin psychiatre qui prend en charge le traitement de sa belle-fille, il est délicat, fascinant et ils tombent éperdument amoureux comme de juste. Mais nous sommes à la fin du XIXe siècle, ce n'est pas simple pour elle de trahir son mari, elle est tentée de rompre avec celui-ci définitivement pour vivre cette passion naissante qui l'envahit. Mais Benjamin qui sent le danger d'une trop longue séparation à ce moment, décide de quitter son île lui aussi et de commencer une spécialité de chirurgie, encouragé en cela par son beau-père dont c'est le métier.
Nous assistons aux atermoiements du trio amoureux et à la métamorphose d'Anna qui finira par choisir son mari et d'entamer des études d'infirmière, d'avorter de l'enfant de Joakim qu'elle portait. de mener la vie d'une femme du XXe siècle en fait. Pourtant le roman se referme sur la mort accidentelle de Karna qui s'approche trop du bord de la falaise pour réaliser la photo idéale de la mer et dont on retrouvera le corps au bas de celle-ci. Et le rapprochement d'Anna et de Joakim qui se retrouvent, toujours épris l'un de l'autre et débarrassés de Benjamin qui a choisi de rester auprès de ses concitoyens où il se sent plus utile. Il propose dans une longue lettre à Anna de divorcer si elle le désire. Anna apprend donc le même jour la mort de sa belle-fille et sa liberté retrouvée….
Tout cela conté par
Herbjorg Wassmo d'une écriture magistrale. C'est un livre que l'on peine à quitter dont on n'a pas besoin de connaître les épisodes précédents, qui nous donne envie de reprendre tous ceux qui précèdent et dont les inconditionnels de Wassmo vont se délecter.