Partials, tome 1

-Dans trois jours, il sera mort. Je te connais par cœur, Kira, je vois exactement ce qui va se passer. D'abord tu vas le plaindre, ensuite tu vas t'y attacher, et quand il mourra, tu sera folle de chagrin parce que tu crois toujours que tu dois sauver tout le monde. C'est comme pour les nouveaux-nés : tu te sens personnellement responsable de la mort de chacun d'eux. Le Partial n'est qu'un sujet d'expérimentation, d'autant plus redoutable qu'il a l'intelligence de te dire exactement ce que tu veux entendre. Je te dis juste qu'à mon avis, tu aurais tord de trop t'attacher.

La liberté est une responsabilité qui se mérite, pas un droit à l’irresponsabilité et à l’anarchie. Si un jour, en dépit de nos efforts constants et de notre détermination profonde, nous finissons par tomber, que ce soit parce que l’ennemi nous aura vaincus, et non parce que nous nous serons vaincus nous-mêmes.

Je suis plus forte que les épreuves. Je peux les tourner à mon avantage ; je peux m’en servir pour arriver à mes fins. Ne dis pas « Je n’y arriverai jamais », dis « Comment puis-je retourner la situation en ma faveur ? »

Dans la très courte liste des avantages de la fin du monde, en premier ou presque venaient les vêtements. Long Island avait jadis compté presque huit millions d’habitants ; il en avait fallu, des galeries commerciales, des grands magasins et des temples de la mode pour vêtir tout ce monde. Le Ravage avait réduit cette population à une poignée de réfugiés et anéanti le système économique au passage, laissant tous ces vêtements à disposition.
Kira avait conscience que c’était horrible. Les survivants baignaient dans un mélange détonant, une existence de labeur, de désespoir et de peur. Mais au moins, ils étaient très bien habillés.

Le plus jeune être humain de la planète, pour ce qu’on savait, fêterait son quatorzième anniversaire le mois suivant. Il était possible que d’autres survivants existent sur d’autres continents, mais si c’était le cas, personne n’avait jamais réussi à entrer en contact avec eux ; si bien qu’au fil du temps, les réfugiés de Long Island en étaient venus à se considérer comme seuls au monde. Il s’appelait Saladin. Lorsqu’il le firent monter sur scène, Kira fut incapable de retenir ses larmes.

(...) la fin du monde était proche. Il restait quarante mille personnes sur la planète, et parmi elles, pas un enfant. Personne n’était capable d’en fabriquer de nouveaux.

- Écoutez, Kira. Je sais que vous avez réussi votre formation à toute vitesse, et haut la main. Il est clair que vous êtes extrêmement douée pour la virologie et l’analyse du RM, mais les compétences techniques ne font que la moitié du métier. Il faut aussi vous préparer psychologiquement, sans quoi cette maternité ne fera qu’une bouchée de vous ; ceci est votre dixième enfant mort. Pour moi, c’est le neuf cent quatre-vingt-deuxième. Et je me souviens de tous. (Elle marqua un silence, qui se prolongea plus que Kira ne s’y serait attendue.) Vous allez devoir renforcer votre cuirasse.

Regarde tout ce qu'on nous impose : patrouilles armées dans les rues, fouille au corps à l'entrée et à la sortie du marché...Ils commencent même à perquisitionner les domiciles privés, maintenant. Si le Sénat nous dit de sauter, on dit oui et on demande même à quelle hauteur, parce qu'on nous a mis dans la tête que sinon, la Voix nous tuera. Les garçons vont à la guerre, les filles tombent enceintes, on fait toujours ce qu'on nous dit de faire...et ça ne change jamais rien. Aucune amélioration. Et vous savez pourquoi ? Parce que si ça s'améliorait, on n'aurait plus à les écouter.

Le bonheur est la chose la plus naturelle du monde quand on l'a, et la chose la plus étrange, la plus impossible, la plus inaccessible quand on ne l'a pas.

-As-tu la moindre idée de ce que ça fait? demanda-t-elle. La douleur? Le danger? Des femmes meurent en couches : même avec tout notre équipement et toute notre expérience à l'hôpital, ça arrive encore, et puis même si tu restes en bonne santé, ton bébé ne survivra pas. Nous n'avons pas encore guéri le RM... tu vas vivre encore quelques mois avec lui, traverser toute cette douleur, cette terreur, le sang et tout le reste, et à la fin... il va mourir.

Pour réussir, Kira avait besoin de personnes engagées, capables de se débrouiller sur le terrain. Elle-même ne correspondait d'ailleurs pas tout à fait à cette description, mais, au moins, elle était médecin et les missions de récupération l'avaient familiarisée avec le maniement des armes.