Dan Wells: 2015 National Book Festival
Ah, bon, alors je suppose qu’il faut te remercier de n’avoir tué personne, dit Marcus. Mon exploit personnel, c’est d’avoir réussi à ne pas me pisser dessus. Tu me remercieras plus tard.
Dans la très courte liste des avantages de la fin du monde, en premier ou presque venaient les vêtements. Long Island avait jadis compté presque huit millions d’habitants ; il en avait fallu, des galeries commerciales, des grands magasins et des temples de la mode pour vêtir tout ce monde. Le Ravage avait réduit cette population à une poignée de réfugiés et anéanti le système économique au passage, laissant tous ces vêtements à disposition.
Kira avait conscience que c’était horrible. Les survivants baignaient dans un mélange détonant, une existence de labeur, de désespoir et de peur. Mais au moins, ils étaient très bien habillés.
Maintenant que tu n'es plus là , je suis enfin sûr que je t'aimais vraiment . Seulement , je ne savais pas m'y prendre .....
Le plus jeune être humain de la planète, pour ce qu’on savait, fêterait son quatorzième anniversaire le mois suivant. Il était possible que d’autres survivants existent sur d’autres continents, mais si c’était le cas, personne n’avait jamais réussi à entrer en contact avec eux ; si bien qu’au fil du temps, les réfugiés de Long Island en étaient venus à se considérer comme seuls au monde. Il s’appelait Saladin. Lorsqu’il le firent monter sur scène, Kira fut incapable de retenir ses larmes.
(...) la fin du monde était proche. Il restait quarante mille personnes sur la planète, et parmi elles, pas un enfant. Personne n’était capable d’en fabriquer de nouveaux.
Il est toujours plus facile de mourir pour son camp que de vivre pour celui d’en face.
Une autre partie d’elle-même, en revanche, songeait à l’orgueil démesuré de ces hommes. N’était-ce pas une tentation, pour une civilisation si évoluée, d’aller juste un peu trop loin ? De faire une chose qu’elle n’aurait pas dû ? Un sacrifice, un compromis ou une rationalisation de trop ? Quand on était capable d’édifier une cité si majestueuse, qu’est-ce qui vous empêchait de vouloir fabriquer un être vivant ? Quand on savait maîtriser un lac, qu’est-ce qui vous retenait de maîtriser une population ? Quand on pouvait subjuguer la nature elle-même, comment imaginer qu’un virus pourrait un jour échapper à votre contrôle ?
– Alors comme ça, je dois choisir mon camp ?
Elle pleurait, à présent, et ses larmes lui brûlaient les joues.
– Si tu veux être heureuse, oui. Parce que là, tu te déchires en deux.
- Simple curiosité. (Elle se tourna vers Maigrichon.) Qu’est-ce que tu en dis, toi ? Pourquoi es-tu là ?
- Je veux me faire un Partial.
- Génial, soupira Kira. Très noble, comme aspiration. Et toi ? demanda-t-elle à l’autre.
Grognon ricana, les yeux cachés derrière ses lunettes noires.
- Moi, je veux sauver les petits bébés.
- Formidable. On y croit à mort. (Kira lança à Jayden un regard consterné.) Non non, vraiment, c’est parfait.
- Écoutez, Kira. Je sais que vous avez réussi votre formation à toute vitesse, et haut la main. Il est clair que vous êtes extrêmement douée pour la virologie et l’analyse du RM, mais les compétences techniques ne font que la moitié du métier. Il faut aussi vous préparer psychologiquement, sans quoi cette maternité ne fera qu’une bouchée de vous ; ceci est votre dixième enfant mort. Pour moi, c’est le neuf cent quatre-vingt-deuxième. Et je me souviens de tous. (Elle marqua un silence, qui se prolongea plus que Kira ne s’y serait attendue.) Vous allez devoir renforcer votre cuirasse.
Mrs Anderson était morte.
Rien de spectaculaire, la vieillesse, voilà tout : un soir, elle était allée se coucher et ne s'était jamais réveillée. Aux infos, ils avaient parlé d'une mort paisible et digne, ce qui, certes, techniquement n'était pas faux, toutefois les trois jours qu'il avait fallu pour se rendre compte qu'on ne la voyait plus depuis un bout de temps retirait beaucoup de dignité à la situation. (p.11)