Citations sur L'aube (26)
Les Juifs n'oserons pas .Vous les connaissez : ils crient , ils pleurent , ils prononcent des paroles dont le sens même leur fait peur .
— Nous nous disons que nous sommes engagés dans une lutte sacrée, poursuivit-elle, que nous luttons contre quelque chose ; nous nous battons contre les Anglais, nous nous battons pour une Palestine libre, indépendante. C'est ce que nous disons. Mais, je le sais bien, Elisha, les mots, les mots ne font que donner un sens à nos actes, tandis que nos actes - une fois réduits à leur dimension réelle, c'est à dire primitive ont la couleur, l'odeur du sang. C'est la guerre, nous disons-nous. Il faut tuer. Alors, nous tuons. Il y a ceux - comme toi - qui tuent avec leurs mains et d'autres - comme moi - qui tuent avec leur voix. Chacun tue à sa manière. Mais, que pouvons-nous faire d'autre ? La guerre a ses lois. Si tu les nies, tu nies sa valeur et tu offres à l'ennemi la victoire. Nous ne pouvons pas nous le permettre. Cette fois-ci, nous avons besoin d'une victoire, d'une victoire gagnée à la guerre, nous en avons besoin pour survivre, pour continuer à nous maintenir à la surface du temps...
L'homme hait son ennemi, parce qu'il hait sa propre haine. Il se dit : c'est lui, l'ennemi, qui fait de moi un être capable de haine ; je le hais, non parce qu'il est mon ennemi, non parce qu'il me hait, mais parce qu'il engendre ma haine.
Le silence à deux est plus dense et parfois plus profond que le silence à un.
Il ne faut pas avoir peur de la nuit, me confia-t-il en me prenant le bras. La nuit est plus pure que le jour. On pense mieux, on aime mieux, on rêve mieux la nuit. La nuit, tout devient plus intense, plus vrai. Une phrase prononcée le jour prend un sens différent, plus profond, plus lointain, quand son écho nous parvient la nuit. La tragédie des hommes, c'est qu'ils ne savent pas quand il fait nuit et quand il fait jour. Ils disent la nuit des choses qu'ils devraient dire le jour.
La haine - comme la guerre et l'amour et la foi - justifie tout, explique tout.
Mais, c'est simple : je le haïssais. Un point, c'est tout. La haine, relevant de l'absolu, clarifie tout acte humain, même lorsqu'elle l'entoure d'inhumain.
Tu es la somme de ce que nous étions, m'expliqua le petit garçon qui ressemblait à celui que j'avais jadis été. Alors, c'est un peu nous qui exécuterons John Dawson demain à l'aube. Tu ne peux pas le faire sans nous. Tu comprends maintenant?
Je commençais à comprendre. Un acte absolu, comme celui de donner la mort, engage non seulement l'être lui-même mais aussi tous ceux qui ont participé à sa formation. En tuant un homme, je faisais d'eux des assassins.
L'homme hait son ennemi parce qu'il hait sa propre haine. Il se dit : c'est lui, l'ennemi, qui fait de moi un être capable de haine ; je le hais, non parce qu'il est mon ennemi, non parce qu'il me hait, mais parce qu'il engendre ma haine.
- Je veux que vous me donniez votre avenir.
Enfant, élevé dans un milieu hassidique, j'avais entendu beaucoup d'histoires étranges au sujet du Meshulah, ce messager mystérieux du destin qui peut faire n'importe quoi, n'importe quand, n'importe comment. Ce messager - dont la voix vous fait frissonner - est tout-puissant, puisque sa mission le dépasse et vous dépasse. Chaque mot qu'il prononce relève de l'absolu, de l'infini ; son sens vous attire et vous fait peur. Gad est sans doute un Meshulah, me suis-je dit. Ce n'était pas son apparence physique qui me faisait penser à cela ; c'était sa voix, c'était ce que cette voix disait :
- Qui êtes-vous ? lui demandai-je à nouveau.
Il me faisait peur. Quelque chose en moi me disait qu'au bout du chemin que je ferais avec lui m'attendrait un homme qui me ressemblerait et que je haïrais. Je crois que, déjà, je savais qu'un jour je tuerais un homme.
- Je suis un messager.
Je me sentis devenir blême. J'avais donc deviné juste. C'était un messager. L'homme du destin. A lui, on ne pouvait rien refuser. Il faut tout lui donner, même l'espoir, s'il vous le demande.