Corruption

On peut faire confiance à un journaliste autant qu’ à un chien.Si vous avez un os dans la main, si vous le nourrissez, tout va bien. Mais si vous avez les mains vides , ne vous retournez pas .Si vous n’alimentez pas les médias, ce sont eux qui vous bouffent.

Denny Malone était bien le dernier homme au monde que l’on pouvait imaginer dans une cellule du Metropolitan Correctional Center, sur Park Row.
Vous auriez dit le maire, le Président des États Unis , le pape...
Les habitants de New York auraient parié qu’ils les verraient derrière les barreaux avant l’inspecteur-chef Dennis John Malone.

Il passe devant un immeuble abandonné que le propriétaire a rendu aux rats et aux cafards, afin de chasser les habitants, espérant qu’un junkie y mettra le feu en chauffant sa came pour pouvoir toucher le fric de l’assurance et vendre le terrain.
Gagnant-gagnant.

Tous les inspecteurs de La Force sont des rois, mais Malone – sans vouloir manquer de respect à Notre-Seigneur – est le roi des rois.
Manhattan North est son royaume.
Comme n’importe quel roi, ses sujets l’aiment et le craignent, ils le vénèrent et le détestent, l’encensent et le vilipendent. Il a ses loyalistes et ses rivaux, ses sycophantes et ses critiques, ses bouffons et ses conseillers, mais il n’a pas de véritable ami.
Sauf ses équipiers.
Russo et Monty.
Ses frères rois.
Il est prêt à mourir pour eux.

— Je vais t’éviter de compter, dit Pena. Cent kilos tout rond. De la « cannelle » mexicaine, Dark Horse, pure à soixante pour cent. On peut en tirer cent mille dollars le kilo. Et tout ce fric que tu vois, il doit y en avoir pour cinq millions. Vous prenez la came et le fric, je monte dans un avion pour la République dominicaine et vous n’entendez plus jamais parler de moi. Réfléchis. Vous n’aurez pas souvent l’occasion de gagner quinze millions juste en tournant le dos.

Malone essaye de repérer des sentinelles ou des flics cloîtrés dans une voiture de patrouille, s’offrant un petit roupillon durant leur service de nuit. Un seul guetteur se tient devant la porte. Bandana vert, Nike vertes et lacets verts : un Trinitario.

L’équipe de Malone a surveillé la fabrique d’héroïne du premier étage tout l’été. Les Mexicains apportent la came par camion et la livrent à Diego Pena, le Dominicain, le boss de New York. Pena répartit les pains de un kilo en sachets, qu’il distribue ensuite aux gangs de Domos, les Trinitarios et les DDP (Dominicans Don’t Play), puis aux Noirs et aux gangs de Portoricains dans les cités.

Ce soir, la fabrique fait le plein.

Le plein de fric.

Le plein de dope

Après les putes et avant les balayeurs, c’est pendant ce laps de temps que vous pouvez faire un coup, Malone le sait. Après minuit, il ne se passe jamais rien de bon, disait son père, et il savait de quoi il parlait. Il était flic dans ces rues et il rentrait le matin, après son service de nuit, le meurtre dans les yeux, l’odeur de la mort dans le nez, et dans le cœur une stalactite de glace qui ne fondait jamais et avait fini par le tuer. Un jour, il était descendu de voiture dans l’allée et son cœur avait cédé. Les médecins ont affirmé qu’il était mort avant même de toucher le sol.

C’est là que Malone l’avait trouvé.

4 heures du matin.

Quand la ville qui ne dort jamais se couche et tout au moins ferme les yeux.

Voilà ce que pense Denny Malone tandis que sa Crown Vic remonte le long de l’épine dorsale de Harlem.

Derrière les murs et les fenêtres, dans les appartements, les hôtels, les taudis et les tours des cités, des gens dorment ou tentent de dormir, rêvent ou ont cessé de rêver. Des gens se battent, baisent, ou les deux, font l’amour et des bébés, crient des injures ou murmurent des mots intimes qui ne sont pas destinés à la rue. 20Certains bercent des enfants en espérant les rendormir, ou bien viennent de se lever pour attaquer une nouvelle journée de travail, tandis que d’autres coupent des kilos d’héroïne qu’ils répartissent dans des sachets de papier cristal, avant de les vendre aux junkies en manque de leur remontant matinal.

Malone se fiche pas mal que le café soit amer. Il ne recherche pas une expérience gustative, mais une dose de caféine pour déclencher l’effet de la Dexedrine. De toute façon, il ne supporte pas cette mode débile autour du café. Faire la queue derrière un connard de millénial qui met dix minutes à commander le 35latte parfait pour pouvoir faire un selfie avec. Malone ajoute une bonne dose de crème et de sucre, comme la plupart des flics. Ils en boivent trop, et le lait apaise les douleurs d’estomac, tandis que le sucre leur donne un coup de fouet.

Malone mesure presque un mètre quatre-vingt-dix, il est costaud. Âgé de trente-huit ans à ce jour, il sait qu’il a l’air dur. C’est à cause des tatouages sur ses avant-bras épais, de la barbe 34bleutée et drue, même quand il se rase, des cheveux noirs très courts, et des yeux bleus qui semblent dire : Me faites pas chier.

À cause du nez cassé, de la petite cicatrice sur le côté gauche de la lèvre. Ce qu’on ne voit pas, ce sont les autres cicatrices, plus grandes, sur sa jambe gauche, celles qui lui ont valu la médaille du courage, parce qu’il a été assez stupide pour se faire tirer dessus. C’est ça, le NYPD, pense-t-il. Ils vous filent une médaille parce que vous êtes débile, et vous reprennent votre insigne parce que vous êtes intelligent.