La mort de son père est l'occasion pour August de revenir à Brooklyn et de feuilleter quelques pages de ce passé qu'elle continue à interroger.
Elle était arrivée dans le quartier à l'âge de huit ans. Son frère en avait quatre. Ils laissaient derrière eux un coin du Tennesse où il faisait bon vivre, malgré la pauvreté, libres comme ils l'étaient d'aller et venir dans la nature environnante et malgré la « disparition » progressive de leur mère, choquée par la mort de son frère au Vietnam.
A Brooklyn, on les cantonne longtemps derrière la vitre de l'appartement, d'où ils observent le monde extérieur. C'est de là qu'August remarque Sylvia, Angela et Gigi, un trio auquel elle se joindra ensuite, « quatre filles toujours ensemble, d'une beauté stupéfiante, dans une solitude terrifiante » :
« Lorsque nous avons fini par être amies, lorsque nous nous sommes fait suffisamment confiance, nous avons mis en mots notre environnement, murmuré des secrets, blotties les unes contre les autres ou assises en tailleur dans le cercle restreint que nous formions depuis peu. Nous avons desserré les lèvres et les histoires qui avaient failli être réduites en cendres dans nos ventres ont enfin trouvé une issue. »
Chronique en petites touches d'une adolescence noire dans les années 70, rythmée par les va et vient de la mémoire, «
Un autre Brooklyn » laisse affleurer les traces d'un temps douloureux, même s'il ne fut pas perçu comme tel. La tragédie refusait alors d'être débusquée, « le souvenir s'estompant telle une ecchymose », et August porte encore en elle le poids de ce refus. Derrière les destins individuels, le quartier de Brooklyn se dessine en filigrane, avec ses gangs, ses Blancs qui le quittent et la percée de la religion islamique dans la communauté noire.