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Citations sur Instants de vie (9)

J'aurais honte de vous révéler l'âge que j'avais quand je m'aperçus qu'il n'y a rien de scandaleux à ce qu'un homme ait une maîtresse, ni à ce qu'une femme en soit une. Peut-être la fidélité de nos parents n'était-elle pas la seule forme ni nécessairement la plus haute du mariage. [...] Ainsi bien des coutumes et convictions furent révisées.
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Et ainsi je persiste à croire que l'aptitude à recevoir des chocs est ce qui fait de moi un écrivain. J'avancerais en guise d'explication qu'un choc, dans mon cas, est aussitôt suivi du désir de l'expliquer. Je sens que j'ai reçu un coup ; mais ce n'est pas, comme je le croyais quand j'étais enfant, un simple coup d'un ennemi caché derrière l'ouate de la vie quotidienne ; c'est le témoignage d'une chose réelle au-delà des apparences ; et je la rends réelle en la traduisant par des mots. C'est seulement en la traduisant par des mots que je lui donne son entière réalité. Cette entière réalité signifie qu'elle a perdu son pouvoir de me blesser ; elle me donne, peut-être parce qu'en agissant ainsi j'efface la souffrance, l'immense plaisir de rassembler les morceaux disjoints... A partir de cela j'atteins à ce que j'appellerais une philosophie ; en tout cas, c'est une idée que je ne perds jamais de vue, que derrière l'ouate se cache un dessin ; que nous - je veux dire tous les êtres humains - y sommes rattachés ; que le monde entier est une oeuvre d'art ; que nous participons à l'oeuvre d'art.
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Ces scènes, soit dit en passant, ne sont nullement un truc littéraire, un moyen de rassembler, pour les nouer ensemble, d'innombrables petits fils. Innombrables, ils l'étaient en effet. Si je prenais le temps de les démêler j'en récolterais un bon nombre. Mais qu'elle qu'en soit la raison, je m'aperçois que monter des scènes est ma manière naturelle de témoigner du passé. Il y a toujours une scène qui refait surface ; tout arrangée, significative. Cela me confirme dans mon idée instinctive (elle ne supporterait pas la discussion ; elle est irrationnelle), dans le sentiment que nous sommes des vaisseaux scellés, flottant dans ce qu'il est commode d'appeler la réalité ; et qu'à certains moments sans aucune raison, sans le moindre effort, la matière qui les scelle cède ; la réalité c'est-à-dire une scène fait irruption à l'intérieur ; - car pourquoi ces scènes survivraient-elles intactes à tant d'années qui les minent, sinon parce qu'elles sont faites de quelque chose de durable. C'est une preuve de leur "réalité". Serait-ce cette disposition aux "scènes" qui est à l'origine de mon impulsion d'écrire ?
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Chaque jour contient beaucoup plus de non-être que d’être […]. Une grande part de la journée n’est pas vécue consciemment. On marche, on mange, on voit des choses, on s’occupe de tout ce qu’il y a à faire : l’aspirateur en panne ; commander le dîner […]. Lorsque c’est une mauvaise journée, la proportion de cette ouate, de non-être, est beaucoup plus forte. […] Le véritable romancier parvient à rendre les deux sortes d’être.
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J'avais l'impression d'être vieille, expérimentée, désillusionnée et furieuse, amusée et excitée, pleine de mystère, d'inquiétude et d'ahurissement. En proie à un tourbillon confus de sensations, je laissai glisser mes jupons à terre, retirai mes longs gants blancs et pendis mes bas de soie blanche au dossier d'une chaise. Toutes sortes de choses virevoltaient dans mon esprit - diamants et comtesses, compilations et dialogues de Platon, Dick Popham fou et La Lumière du monde. Ah! Quel plaisir ce serait de s'étendre de tout son long dans son lit, de s'endormir et de les oublier toutes!

- p.217
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Mais quelle qu'en soit la raison, je m'aperçois que monter des scènes est ma manière naturelle de témoigner du passé. Il y a toujours une scène qui refait surface ; tout arrangée, significative. Cela me confirme dans mon idée instinctive (elle ne supporterait pas la discussion ; elle est irrationnelle), dans le sentiment que nous sommes des vaisseaux scellés, flottant dans ce qui est commode d'appeler la réalité ; et qu'à certains moments sans aucune raison, sans le moindre effort, la matière qui les scelle cède ; - car pourquoi ces scènes survivraient-elles intactes à tant d'années qui les minent, sinon parce qu'elles sont faites de quelque chose de durable. C'est une preuve de leur "réalité". Serait-ce cette disposition aux "scènes" qui est à l'origine de mon impulsion d'écrire ?
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Sir Arthur était mort ! Je reçu une gifle en plein visage, une gifle de surprise et de sympathie véritables. Ce n'était pas pour Sir Arthur. Pour lui, je ressentais ce que l'on ressent pour un vieux meuble à tiroirs qu'on a toujours vu au milieu d'un salon. Le meuble avait disparu - c'était surprenant, c'était triste. Mais je n'avais jamais été intime avec le meuble. Ce que je ressentais pour Sybil était différent ; avec elle j'avais été - j'étais - intime. Et pour elle j'avais reçu, comme je l'ai dit, une gifle de sympathie authentique et sans mélange. A peine l'avais-je ressentie qu'elle se scinda en plusieurs morceaux. J'était navrée, mais j'étais aussi pleine de curiosité. Que ressentait Sybil - que ressentait-elle vraiment envers Arthur ?
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Parlerai-je pour moi seule quand je dis que si rien ne m'est arrivé qui mérite le nom d'aventure depuis la dernière fois que j'ai occupé cet éminent et épineux fauteuil, je n'en continue pas moins d'être pour moi-même un sujet d'anxiété inépuisable et fascinant - un volcan en perpétuelle éruption ? N'y a-t-il personne à partager mon égotisme quand je dis que jamais la pâle lueur de l'aube ne traverse les stores du 52, Tavistock Square sans que je ne m'écrie en ouvrant les yeux : "Grands Dieux! Me voilà encore là!", pas toujours avec plaisir, souvent avec chagrin, parfois soulevée d'un violent dégoût, mais toujours, toujours avec intérêt ?

- p.252-253
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Le passé ne me revient que lorsque le présent se déroule tout uniment, qu'il est comme la surface mousseuse d'un fleuve profond. Alors la surface laisse entrevoir les profondeurs. À ces moments-là je connais une de mes plus grandes satisfactions : non pas que je pense au passé ; mais c'est alors que je vis plus pleinement le présent. Car le présent, quand il est renforcé par le passé, est mille fois plus profond que le présent quand il vous serre de si près qu'on ne peut rien ressentir d'autre; quand le film n'enregistre que ce que voit la lentille de l'appareil. Mais pour sentir le présent couler sur le fond du passé il est nécessaire d'être en paix. Le présent doit être lisse, habituel. Pour cette raison- parce que cela détruit la plénitude de la vie -, toute rupture - comme celle produite par un déménagement - me cause une angoisse extrême ; cela démolit, cela rend moins profond; le fond n'est plus que morceaux fracassés, durs, minces. Comme je le dis à Léonard: "Qu'y a-t-il de réel là-dedans? Retrouverons-nous jamais une vie réelle ?"

- p.133
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