"Vivre en obscurcissant ses traces" préconisait maître Dôgen, au XIIIe siècle. L'Imitation, deux siècles plus tard, ne dit pas autre chose: "Aimez à être inconnu et compté pour rien".
Je vais mettre 30 jours pour un voyage qui peut se faire en 6 heures de voiture, ce sera ma façon de résister au culte de la vitesse et à l'énervement contemporain.
Pour les mendiants, les villes sont des épouvantails. Chacun est claquemuré dans son entre-soi. Toute tentative de contact est regardée comme une ingérence. De toute façon les barrières et les codes rendent le contact impossible. A force d’être dans la forêt, de dormir à la belle étoile, d’habiter parmi les nuages, on finit par être étonné que des gens vivent ainsi, barricadés dans leurs maison.
Orcival exprime une autre théologie. Dans l'architecture romane, il s'agit d'abord de chercher Dieu en soi. L'enveloppement des coûtes, la pénombre, l'accent mis sur les lignes sobres, la densité du silence, tout invite à l'intériorité, au recueillement. En franchissant son portail, on pensait grimper dans une fusée, mais on est fermement maintenu au sol, plaqué à terre, invite à s'enfouir comme une graine de moutarde. Voilà le message d'Orcival : la contemplation n'est pas une évasion. Pour monter haut, il faut garder les pieds sur terre et le sens du concret…
Nos vies sont des virgules dans le texte de l'univers.
Si un flocon de neige est une goutte d’eau en parachute, qu’est-ce que la grêle ? De la pluie en colère !
Un regard peut relever un être, il peut aussi l’enfoncer plus bas que terre.
"Si tout le monde était parfait, qu'aurions-nous à offrir à Dieu ?" écrit l'auteur pour qui le christianisme n'est pas une religion de purs, de parfaits, de bigots, mais le recours des blessés, des cabossés, des désespérés, puisque c'est notre misère, non le déploiement de nos efforts ou l'étalage de notre vertu, qui touche le cœur du Christ des évangiles. [p. 112]
Le monde actuel plébiscite la performance. Il faut tout réussir, sa carrière, sa famille, son couple. Avec l'inflation des discours sur la résilience, cette injonction touche même nos souffrances et nos deuils qu'il faut surmonter afin de pouvoir dire comment l'épreuve nous a rendus plus fort !
P 104 – car, dans le fond, qu’espère le pèlerin ? Non pas la cagnotte du loto, la dot d’une héritière ou le dernier iPhone, mais le prochain hameau, la foret à venir, la fontaine suivante. La marche redonne à l’espérance sa juste mesure.