Les oies ne faisaient plus qu'un point minuscule au bout de l'horizon, dans les nuages remuants. J'aurais voulu les arrêter et le retenir. En serrrer une dans mes bras.
Ca doit être encore plus agréable et plus doux qu'un doudou. Et plus chaud encore.
Parler, ça doit servir à ça, à pas tomber.
Et au collège, le lendemain, j'avais pas envie d'y aller.
Je baissais la tête. Toute la journée à baisser la tête et à rester seul dans mon coin. Enfin, je suis allé au CDI. Pour me cacher, le CDI, c'est bien.
C'est terrible, vous savez, des fois, ce grand rond de vide et de silence autour de moi. Je suis comme un fantôme sous son drap blanc.
Alors moi aussi, j'ai mes astuces. Mon astuce, c'est que dans les moments de crise, je me mets en boule et je joue à j'existe plus. J'entends et je vois tout mais, en même temps, j'entends rien et je vois rien. Tout devient silencieux et doux. Même dans le pire des boucans. Je reste sur mon matelas posé par terre sur le plancher ou alors je file me coucher quelque parte, dehors, dans la forêt, dans les fougères.
Chacun sa manœuvre pour s'en sortir.
Mon père, je l'ai senti aussi parce que depuis que je sais mamrcer je me suis exercé à le deviner avant qu'il se jette sur moi. Sinon, un jour, pour de vrai, il m'arrivera ce qu'il me dit toujours quand il est saoul : "je te ferai la peau, sale mioche, je te la ferai, la peau !"
Ma voix devient toute petite. Mes yeux me piquent. Avec mes doigts, j'ai montré à Mme Martin-Lacaussade l'endroit où j'ai mal. L'endroit de mes peines.
C'est la première fois que j'en parle.