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sur 118 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Gabriella Zalapi a trouvé une façon originale d'entrer en littérature. Elle a imaginé un journal illustré de photos de famille pour raconter la vie d'Antonia dans les années soixante et transcrire la chronique d'une émancipation.

Arrêtons-nous une seconde sur le genre littéraire choisi par Gabriella Zalapi pour son premier «roman». le journal intime, en rassemblant les «trois je», c'est-à-dire le «je» de l'auteur, celui du narrateur et celui du personnage principal donne davantage de force au récit. Il est aisé de s'identifier ou d'entrer en empathie avec la rédactrice, surtout quand des photos d'archives – comme c'est le cas ici – viennent conférer davantage d'authenticité à la chronique proposée. Les dates au début de chacune des entrées permettent de parfaitement situer l'action dans le temps, au milieu des années 60, et de nous projeter à cette période.
Nous voici donc le 21 février 1965, au moment où Antonia prend la plume pour dire son mal-être. Son mari entend la confiner à un rôle de maîtresse de maison et n'hésite pas à la sermonner dès qu'elle déroge à sa mission. Frieda, la nurse, entend s'arroger un droit exclusif sur l'éducation de son fils Arturo, lui interdisant – entre autres – d'allaiter et de le garder auprès d'elle durant la nuit. Quelques rares dîners mondains lui offrent un peu de diversion: «Je ne serai plus seule avec cette bouche qui mastique bruyamment. Avec cette tête qui se penche si bas sur l'assiette qu'elle pourrait se décrocher et se noyer dans le gaspacho.»
Le testament de Nonna va lui apporter le moyen d'oublier quelques instants ce sentiment d'oppression en lui offrant de se replonger dans l'histoire familiale via une boîte remplie de documents et de photos. Comme par exemple celle du second mariage de sa mère: «Dans une enveloppe vierge, j'ai trouvé la photo de mariage de Maman et de Henry, qui avait eu lieu à l'ambassade de Nassau. C'est aux Bahamas qu'elle a trouvé son deuxième mari. Combien de temps après la mort de Papa? Quelques mois? Peu après, Maman m'a annoncé qu'elle était enceinte de Bobby, ce demi-frère, ce petit putto. Son arrivée a tout modifié: j'étais devenue un rappel encombrant d'une vie passée, il fallait que ma naissance reste un acte invisible. J'ai littéralement sursauté en revoyant le visage d'Henry. le jour de leur mariage, Maman, avec une voix mielleuse, m'avait dit: "C'est lui ton nouveau papa. Il faudra l'appeler Daddy."»
On l'aura compris, la belle vie espérée est vite devenue une prison dorée. le miel s'est transformé en fiel. Mais dire les choses et poser sur le papier un diagnostic implacable apporte déjà une voie vers davantage de liberté. le constat nourrit la volonté, donne de la force. Et si quelquefois, le doute s'installe, c'est plutôt dans l'envie de trouver le mot juste que de renoncer à la liberté. Quitte à en payer le tribut.
En creusant l'histoire d'Antonia et de sa famille – sans oublier de la romancer ici et là – Gabriella Zalapi anon seulement fait un travail de généalogiste et d'historienne, mais aussi admirablement illustré le combat d'une femme prête à tout pour se défaire de ses chaînes. Fort, violent et sans aucun doute jubilatoire.

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Journal de Croquignolle : 3 septembre 2022 - 8 juin 2023

3 septembre 2022 :
Mon rendez-vous annuel au Livre sur les Quais à Morges a ravi tous mes sens aujourd'hui. Sous la tente des dédicaces chauffée par le soleil, j'ai longuement déambulé en compagnie de Pancrace pour tenter de rencontrer l'un.e ou l'autre auteur.e de ma préférence. Quels beaux moments !
Soudain, je me suis retrouvée nez à nez avec ma cousine par alliance Véronique. Avec sa soeur, elle venait à peine d'échanger quelques mots avec Gabriella Zalapi dont le roman Antonia : Journal 1965-1966 les avait bouleversées. Les étoiles habitaient leurs yeux et leurs gestes et leur enthousiasme nous a fait nous diriger vers cette auteure encore inconnue. Gabiella Zalapi était toute petite derrière sa table de dédicace, seule, sereine. Maladroitement, je me suis approchée et je lui ai avoué que je ne connaissais rien d'elle mais qu'on venait à l'instant de me vanter son Antonia. Ravie, elle m'a gâtée d'une jolie dédicace.

4 juin 2023 :
Après de longs mois, j'ai enfin rencontré Antonia aujourd'hui à l'ombre d'un pin à la Villa Clara.
Une beauté rare et rayonnante émanait d'elle et côtoyait un léger voile de tristesse et de regrets que je pouvais percevoir au-delà des mots.
Elle s'est livrée à moi comme si nous nous connaissions depuis toujours. Comme si j'étais sa soeur de sang, sa soeur de coeur, sa soeur d'âme.

5 juin 2023 :
Antonia m'a parlé de Franco, son mari bourgeois certainement infidèle, toujours indélicat, maltraitant et exigeant. Elle a baissé les yeux comme pour reconnaître une sorte de responsabilité et de culpabilité , un manque de force et de caractère au moment de s'engager dans cette vie d'épouse ressemblant plus à une prison qu'à un bonheur.

6 juin 2023 :
Je ressens le dilemme d'Antonia. Sa soif de liberté, de voyage et de sérénité se fait pressente mais elle s'inquiète pour son fils dont les racines sont ancrées au coeur de ce monde patriarcal si éloigné de ses aspirations à elle.

8 juin 2023 :
Je viens de tourner les dernières pages de ce roman qui m'a laissée sans souffle parfois. Aux côtés d'Antonia, j'ai vécu la médisance, les doutes, la quête des origine, l'amour pour un fils, la peur de l'avenir, la détermination d'une femme forte, les souvenirs d'une aïeule aimée, la soif d'attention d'une enfant, la peine des séparations, le besoin de dépaysement et la douleur du déracinement.

La forme de ce roman est originale. le journal intime nous plonge au coeur des émotions et des sentiments de la narratrice. La réalité se mélange à la fiction et les mots rejoignent les nôtres en profondeur.

Une très belle découverte littéraire que je recommande avec enthousiasme.
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****

Antonia est une femme enfermée dans sa condition d'épouse et de mère. Elle se doit d'être un modèle de droiture, de sagesse et de soumission. Mais elle étouffe... Elle se veut libre, vibrante, vivante...

A travers les quelques pages de ce journal intime, Gabriella Zalapi nous offre les rêves, les blessures et les espoirs d'une femme des années 60 en Sicile.

Avec des mots simples, on ressent cette vie minuscule, ces jours ternes et ces émotions étouffées...

Au fil des pages, Antonia prend conscience que sa vie peut changer, qu'elle peut casser ses chaînes et qu'elle peut enfin se détacher d'un passé qui la hante.

Un immense merci aux 68 premières fois pour la découverte ce petit ouvrage. La force, le courage et le désir de vivre rythment le récit d'une femme touchante et touchée...
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"Je croyais avoir oublié mais tout refait surface. Ces souvenirs catapultés dans mon présent me tourmentent certes, mais me donnent aussi la sensation de finalement toucher le sol, de m'ancrer dans le réel. La brume diffuse, la confusion qui habitait ma mémoire se dissipe petit à petit. Avant, je doutais, ne sachant jamais avec certitude si mes souvenirs étaient des inventions."

Antonia est engluée dans un mariage sans amour ni même considération, un quotidien sans attrait, une maternité confisquée par une Nurse omniprésente, qui en viennent même à la rendre physiquement malade.

Nous sommes en 1965 à Palerme, et il n'y a aucune raison que sa situation évolue.

Mais ces cartons qu'elle hérite de sa Nonna, donc son oncle Ben lui a dit qu'elle ne trouverait rien là-dedans, "Il n'y a que de vieilles lettres dans ces boîtes, de vieilles photos", ces cartons dans lesquels elle va plonger vont lui restituer l'histoire de sa famille, son histoire à elle, loin des mensonges et des non-dits.

La rendre à elle-même.

De quoi prendre vraiment sa vie en main et décider seule ce qu'elle veut en faire.
Son journal raconte les quelques mois entre 1965 et 1966 qui l'amènent à décider de changer de vie, l'embarquent vers autre chose qu'elle aura choisi.

Il n'est pas exempt de retours en arrière, regrets, remords, tentatives de sauver les meubles, de rester dans cette vie qui l'étouffe lentement.
Le pas n'est pas facile à franchir.

Ce sont des fragments de vie épars, des cailloux sur le chemin de cette Poucette perdue dans une existence sans intérêt pour elle, des souvenirs qui s'invitent et l'aiguillonnent.

Se dessine le parcours d'une famille entre l'Italie, la Grande Bretagne et l'Autriche, qui s'éparpille jusqu'au Brésil et aux Bahamas au début de la Seconde Guerre mondiale. La spoliation des Juifs et l'antisémitisme, eux, éclatent au coin d'une réception ou bien d'un terrible réveil de mémoire enfantine.

Se dessine le portrait, presque en creux, d'une femme qui n'a jusque là pas eu à choisir souvent et se reproche de s'être beaucoup trompée, en se mariant et en ayant son fils si jeune, pour se retrouver dans cette impasse.

"Il paraît qu'un jour on se réveille affamé de ne pas avoir été ce que l'on souhaite."

Il lui faut du temps pour être réellement affamée mais les derniers mois, les exhortations à se saisir de sa vie et à rompre les amarres se multplient et remplacent les constats d'échec.

Les quelques photos qui parsèment ce journal expriment une forme de nostalgie, jusqu'à cette photo d'Antonia petite fille sautant/tombant/se jetant d'un petit muret, saisie dans son élan.

Dans son élan.
Elle est prête.
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"Antonia - Journal 1965-1966" s'ouvre sur une photo ancienne montrant une jeune femme en longue robe et chapeau assise en amazone sur un cheval. Un décor, une action, un caractère social qui donne le ton ! A la page suivante, cette femme commence à parler, à se raconter.

Un journal intime tel est ce roman. du 21 février 1965 au 3 novembre 1966, Antonia s'y confie en toute sincérité. A travers les pages de son journal et quelques photos Antonia se dévoile. Se dessine la figure d'une femme prise au piège d'un mariage qui n'en est pas un.

A Palerme, Antonia est l'épouse d'un notable, elle exprime tout le malaise qui lui inspire la bonne société qui l'entoure. A la mort de sa grand mère, elle reçoit des photos, des lettres et carnets qui l'incitent à explorer le passé de sa famille marqué par l'exil. Un véritable voyage entre Vienne, Londres, Nassau en passant bien évidemment par l'Italie.

Le journal d'Antonia est le récit d'un combat, celui d'une femme des années 60 au coeur de la société italienne. Antonia, petit à petit va casser les codes, se redresser, avancer... Mais le prix de la liberté est parfois lourd à porter !

Une plume dépouillée, fluide, serrée pour la délicate renaissance, tel un phénix, d'une jeune fille écrasée par son milieu.

Gabrielle Zalapi signe un premier roman envoûtant qui retrace le parcours d'une femme pour sa liberté. L'idée de la forme un journal pour restituer son histoire, son émancipation explique la force et le pouvoir encourant de ce roman !
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Superbe livre, hélas trop court pour éviter une frustration. Ce journal imaginaire est troublant tant il livre de cette femme, meurtrie par l'enfance, qui rêve un peu comme une Emma Bovary, et subtilement féministe. J'aurais aimé me plonger plus longtemps dans ce roman.
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Voilà un roman que je n'aurais probablement jamais lu sans les 68 Premières Fois ! C'eût été dommage ! Ce "Journal" que l'on devine nourri d'autobiographie condense une vie mais aussi la condition féminine en une période d'un an et c'est d'une rare puissance.
Antonia est une jeune femme de 30 ans, mère d'Arturo, 8 ans et épouse de Franco. Au mitan des années 60 ( le journal se concentre sur un peu plus d'une année, 1965-66), elle reçoit à la mort de Nonna, sa grand-mère paternelle, des cartons de photos, lettres, carnets, toute une vie de papier qui la force à renouer avec ses souvenirs et à dresser le bilan des années écoulées.
Cet inventaire rétrospectif met au jour le cheminement qui l'a conduite à un mariage malheureux dont elle voudrait se libérer : "Impossible d'envisager une vie de "perfect house wife" pour le restant de mes jours. J'aimerais abandonner ce corset, cette posture de femme de, mère de. Je ne veux plus faire semblant". Mais l'époque, le poids des traditions patriarcales, les conceptions masculines sur ce que doit être la femme et sur la place qui lui est attribuée dans la famille et dans la société, forment autant d'obstacles à franchir pour acquérir son indépendance. Les relations corrosives avec son époux, avec son grand-père et avec une mère toxique apparaissent sous une forme lapidaire, comme des carcans inéluctables dont il paraît difficile de s'affranchir tant ils contaminent toutes les strates de la société.
Par sa brièveté, par sa construction elliptique qui force le lecteur à combler les vides, ce roman, écrit sous forme de journal intime, m'a fait l'effet d'une grande claque. La référence au réel est accentuée par les quelques photos disséminées autour du texte qui prend valeur universelle à partir d'une expérience individuelle. Histoire d'une émancipation, "Antonia - Journal 1965-1966" possède une force qui transcende l'époque, le milieu et les singularités biographiques pour nous rappeler ce que furent les combats des femmes, de chaque femme, pour se délivrer de la tutelle séculaire masculine. Sans polémique, sans discours didactique, d'une façon dépouillée et brutale, Gabriella Zalapi nous fait prendre conscience d'un chemin parcouru, celui des droits acquis de haute lutte mais sans cesse fragilisés.
Un roman très marquant, pour moi !
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Antonia, le personnage principal, tient un journal intime. C'est celui des années 65-66 que nous découvrons.
Elle étouffe dans son mariage très conventionnel, à l'étiquette stricte, dans lequel elle peine à trouver un espace de liberté. Franco et elle vivent à Palerme, avec leur fils Arturo. Même son rôle de mère ne lui permet pas ou peu de moments de bonheur, son fils étant partagé entre la pension et la nurse anglaise rigide. Elle trouve un refuge dans les cartons contenant les lettres, photos et autres souvenirs ayant appartenus à sa grand-mère décédée.
Remontant dans ses souvenirs mais aussi le passé familial semble lui donner la force d'aller de l'avant dans le présent.
Un très joli roman plein de douceur et de poésie sur cette femme prise au piège des attendus de la société. Je regrette seulement qu'il soit si court!

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Merci à cette auteure et aux 68, pour ce petit livre précieux intimiste. Antonia, épouse d'un bourgeois s'ennuie et se fripe dans une quotidienneté d'une platitude plus que morose. Epouse déçue, mère "empêchée" ou peu impliquée, elle hérite de sa grand mère d'une boîte remplies de documents disparates qui la fascine. Nous la suivons, trouvaille  après trouvaille, fragments de passé après fragments, dans la reconstruction d'un puzzle familial, et dans la lente reconstruction de sa propre identité.  C'est un long monologue qui s'appuie sur le passé de sa famille pour trouver trouver une raison de fuir et de recommencer sa vie à zéro. Un texte qui aurait pu être plus développé, un peu minimaliste quant au sentiment de cette mère trop passive mais pourtant très émouvant..  
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Ce premier roman se présente sous la forme d'un journal intime . Comme son héroine Antonia , Gabriela Zalapi a eu une vie très cosmopolite : Genève , Palerme , New York , Paris et même Vienne . Son enfance à Palerme a eu une influence importante sur son écriture , elle a fait le plein d'images sensorielles . C'est à la suite d'un travail de deux ans sur des archives familiales et sur l'histoire de sa famille et de Palerme que l'autrice a pu écrire ce journal .
Antonia , trente ans , vit avec un mari , très occupé par ses activités professionnelles , qu'elle n'aime pas . Ils ont un fils , Arturo , qu'elle voudrait aimer , mais son mari lui impose une gouvernante qui la coupe de son fils .
C'est vraiment l'histoire d'un manque d'amour ,sa mère ne l'a jamais aimée . Surtout après avoir découvert que son beau-père lui faisait des avances , c'est elle qui a été punie et envoyée dans une lointaine pension , sa mère l'a d'autant plus détestée , alors qu'elle était la victime .
L'histoire se déroule dans les années 1965-1966 , à Palerme , autant dire que cette période et cette ville n'étaient pas synonymes de libération des moeurs et que la femme y était réduite à un rôle de mère , avoir des enfants et régenter le foyer , c'est tout . Antonia étouffe dans un tel contexte , elle parle de tuer en elle sa passivité , "tuer en moi ces réflexes de femme soumise" , "tirer un coup de fusil sur mon immobilisme" .
Le passé familial est extrêmement lourd , la famille juive d'Antonia a vécu dans l'Autriche du nazisme , la famille de sa grand-mère a été dépossédée de sa belle propriété sicilienne par le régime du Duce , après avoir été déclarés ennemis de la Nation du jour au lendemain .
Ce roman , en dehors d'être le récit d'une émancipation féminine dans un contexte très machiste , nous interroge surtout sur la construction de son identité quand on dispose de plusieurs cultures , juive de Vienne , palermitaine , suisse et anglaise .
Merci aux Editions ZOE de m'avoir fait découvrir ce premier roman .
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