Comme d'habitude, une interminable file s'étire devant la pyramide du Louvre. Mais, contrairement à l'habitude, le préposé à l'entrée propose aux visiteurs masculins un bac pour déposer leurs vêtements. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Quelques pages plus loin, on est plongé dans une rétrospective. Une classe d'adolescents boutonneux suit le professeur. Pas tous. Trois garçons se sont éloignés et se comportent comme de vrais porcs : ils tripotent une statue de femme, se prennent en photo dans des poses licencieuses, émettent des remarques obscènes. Cette attitude devient banale, courante. Elle ne va pas rester impunie. le « grand incident » se prépare.
Vous le savez, j'aime beaucoup les émissions littéraires. Hélas ! Car elles me poussent toujours à augmenter la taille de ma PAL qui monte déjà jusqu'aux étoiles et au-delà.
J'ai eu l'occasion d'écouter l'interview de Zelba, une auteure de bandes dessinées que je ne connaissais pas. Elle venait de sortir un album dans la collection que les éditions Futuropolis consacrent au Louvre. le musée propose à des dessinateurs de s'approprier leurs oeuvres et de leur consacrer une histoire de leur cru. J'en ai déjà quelques unes (« Les chats du Louvre », « Le chien qui louche », « Période glaciaire »...) J'étais curieuse de découvrir celle-ci.
J'avoue que j'ai été quelque peu déstabilisée en voyant la couverture. Et j'ai hésité. Couleur flashy rose fluo. Au centre, le groupe des trois Grâces dont l'expression du visage est mécontente ou lasse. Autour de la sculpture, deux femmes, une grande et une petite, accompagnées de deux hommes des mêmes tailles. Mais ceux-ci sont... nus ? Va-t-on nous bassiner avec cette nouvelle mode de visites naturistes dans divers musées ?
Eh bien non. le propos de l'auteure est différent. Elle a choisi un mode d'expression original. Pas de noir et blanc, mais pas de colorisation non plus. Seulement les contours des personnages, des oeuvres, des bâtiments. Tantôt en rouge, en noir, en bleu. Quelques toiles ou statues sont reproduites, en couleurs celles-là, et parfois avec un amusant clin d'oeil, comme ces « Deux soeurs » de Chasseriau.
Le problème abordé est important : le respect. Pourquoi les jeunes gens se permettent-ils gestes et propos déplacés à l'égard des oeuvres d'art ? Pourquoi le directeur n'écoute-t-il pas Teresa, bien au contraire, puisqu'il la met à la porte. Pourquoi, « en deux cent trente ans d'histoire du Louvre, jamais aucune femme n'a[t-elle] eu la direction du musée ? » Et pourquoi les artistes féminines sont-elles aussi peu représentées ?
Lorsqu'on feuillette l'album, on constate que Zelba n'a pas respecté les conventions du neuvième art : aucune case pour délimiter les dessins, des personnages qui en auraient dépassé les frontières, des angles de vue surprenants : des plongées, notamment, qui rendent Teresa, qui est déjà minuscule, encore plus petite, surtout face aux hommes qui la dominent de tout leur prétendu pouvoir.
Lorsqu'on ne les voit pas, les statues parlent. Ainsi,
La Fontaine et Racine échangent-ils des propos carrément machistes, le tout en élégants vers. Leurs paroles font écho à celles de certains contemporains : un vieux monsieur interpelle Teresa en lui donnant du « ma biche », le directeur lui hurle : « J'ignore si vous êtes juste ivre ou complètement folle », une attitude qu'il ne se serait certainement pas permise face à ses collaborateurs masculins.
Les thèmes abordés, l'humour, l'originalité du traitement, tout cela m'a beaucoup plu. En revanche, j'ai détesté les personnages avec des nez démesurés et pointus.