À l'entrée d'une agence de la Bank of America, une plaque en bronze commémore l'été qu'Herman Melville a passé ici, à l'époque où le bâtiment abritait encore l'hôtel Alice. Elle sort son téléphone et se photographie devant la plaque. Alice est plutôt une jolie ville.
La fin, heureuse ou triste, m'importe peu tant qu'elle est justifiée.
Il suffit d'une seule question pour percer quelqu'un à jour : Quel est ton livre préféré ?
Dans l'après-midi, elle dessine ses critiques. Une pomme signifie que l'odeur du livre est validée. Un morceau de fromage implique qu'il sent mauvais. Un autoportrait veut dire qu'elle aime les images. Elle signe ses rapports de son prénom et les soumet à A.J. pour accord.
Elle adore écrire son prénom :
MAYA
On supprime toutes les meilleurs choses de ce monde les unes après les autres, un peu comme le gras de la viande, se dit souvent A.J. D'abord, les magasins de disques, puis les vidéoclubs, ensuite est venu le tour des journaux et des magazines et désormais, même les grandes enseignes de librairies disparaissent. Il part du principe qu'un monde sans grandes librairies est bien pire qu'un monde avec. Ces boutiques-là, au moins vendent des livres et non des médicaments ou du bois de construction. Elles emploient des diplômés en littérature qui savent lire et conseiller leurs clients. Elles peuvent écouler jusqu'à dix mille exemplaires d'un roman merdique et ainsi permettre à la Librairie de L'île de vendre cent exemplaires de fiction littéraire. (Page 206)
La vie est plus belle lorsqu'elle s'écrit à plusieurs
Maya fond en larmes, les bras toujours ouverts. Ne voyant pas quoi faire d’autre, A.J. la prend contre lui. Elle doit peser au moins autant qu'un carton de vingt-quatre livres reliés, assez lourd pour lui briser le dos. Le bébé passe ses mains autour de son cou et A.J. remarque qu'elle sent plutôt bon, le talc ou l'huile pour bébés. Il ne s’agit manifestement pas d'une gamine négligé ou maltraitée. Elle est sympathique, bien habillée et ne réclame rien d'autre qu'un peu d'affection. La propriétaire de ce paquet ne tardera sûrement pas à se manifester avec une très bonne excuse. Une panne de voiture, Par exemple ?
Il part du principe qu'un monde sans grandes librairies est bien pire qu'un monde avec.
C'est boutiques-là au moins vendent des livres et non des médicaments ou du bois de construction.
Elles emploient des diplômés en littérature, qui savent lire et conseiller leurs clients.
Maya sait aussi que sa mère l’a laissé ici. Mais peut-être est-ce le sort réservé à tous les enfants à partir d’un certain âge. Quelques-uns parmi aux sont abandonnés dans des boutiques de chaussures, d’autres dans des magasins de jouets. Et d’autres encore dans des sandwicheries. Et toute la vie dépend de l’endroit où on vous a laissé.
Tout le monde croit avoir bon goût alors que pour la majorité, ce n'est pas le cas. Je l'affirme, d'ailleurs. Quand on les laisse se débrouiller seuls, les gens lisent de la merde et ne savent pas faire la différence.